4,7 % en 2026 : Sébastien Lecornu affiche sa cible budgétaire et resserre la vis sur les dépenses. À Paris, le Premier ministre a détaillé le 26 septembre dans Le Parisien une stratégie qui assume des économies substantielles, tout en laissant ouverte la voie de la négociation avec les partenaires sociaux et les formations politiques. Le cap est posé, la bataille parlementaire s’annonce serrée.

Déficit 2026 : cap budgétaire à 4,7 % du PIB

Le chef du gouvernement fixe un objectif de déficit public « aux alentours de 4,7 % du PIB en 2026 ». Cette borne confirme une trajectoire d’ajustement progressive et s’inscrit dans la continuité des orientations rendues publiques mi-juillet, lorsque François Bayrou a présenté un plan visant un déficit de 4,6 % du PIB pour la même année. L’exécutif arbitre donc en faveur d’une révision ordonnée des comptes, sans rupture fiscale soudaine.

Politiquement, l’exercice est délicat. L’annonce intervient à la veille d’une séquence parlementaire exposée, où la recherche d’un compromis sur le projet de loi de finances 2026 conditionnera la stabilité de l’exécutif.

Le Premier ministre revendique une méthode de concertation et promet d’intégrer des contributions remontées des syndicats, du patronat et des partis. La cible chiffrée, elle, sert de boussole à l’Économie et aux Finances pour calibrer l’effort d’économies.

Au plan macroéconomique, ce jalon répond aussi à une contrainte de crédibilité. Le déficit public s’élevait à 5,5 % du PIB en 2024, rappelant l’urgence d’une décrue maîtrisée pour rester en ligne avec les engagements européens et maintenir la confiance des investisseurs obligataires. La prudence revendiquée sur la fiscalité du capital complète cette approche graduelle.

Déficit public : lecture rapide des chiffres 2024-2026

Repères chiffrés pour situer la trajectoire annoncée :

  • 2024 : déficit public estimé à 5,5 % du PIB (INSEE).
  • 2026 : cible gouvernementale « autour de 4,7 % » affichée par le Premier ministre.
  • Plan antérieur évoqué : 4,6 % pour 2026 présenté mi-juillet.

Enjeu clé : rendre compatible l’ajustement des comptes, le soutien à la production et l’absence de nouveaux impôts massifs.

Économies 2026 : trajectoire et leviers annoncés

Pour converger vers l’objectif, le gouvernement acte un quantum d’économies conséquent. Le ministère de l’Économie et des Finances chiffre à 43,8 milliards d’euros l’effort à réaliser dès 2026 afin de réduire le déficit et d’installer une trajectoire de désendettement pluriannuelle. L’exécutif privilégie une stratégie articulée autour de la maîtrise des dépenses et d’un pari sur la hausse de la production, plutôt que sur une création d’impôts additionnels.

Concrètement, l’enjeu est double. D’une part, contenir le rythme de progression des dépenses publiques sans désorganiser les politiques prioritaires.

D’autre part, consolider le moteur productif par l’investissement et l’innovation, afin d’élargir l’assiette fiscale à moyen terme. L’équation est connue : une croissance davantage portée par l’offre suppose de préserver un climat d’investissement stable, notamment pour les industriels et les services intensifs en capital.

Cette ligne de conduite rejoint des orientations déjà observées dans les volets fiscaux antérieurs, dont des ajustements sur les dispositifs en faveur de la R&D et de l’innovation. Si ces ajustements ne portent pas directement sur 2026, ils traduisent une volonté de ne pas alourdir la fiscalité patrimoniale tout en renforçant le socle productif. L’État mise sur la cohérence de long terme : dépenses mieux ciblées, recettes soutenues par la dynamique d’activité.

Production et investissement : posture gouvernementale

La priorité donnée aux économies s’accompagne d’un discours pro-investissement. Le gouvernement assume une orientation pro-croissance fondée sur la production, déjà mise en avant en juillet.

Pour les entreprises, ce signal est lisible : prévisibilité fiscale et stabilité des dispositifs d’innovation demeurent des marqueurs revendiqués. Dans ce cadre, la valorisation des dépenses de R&D, la formation et l’ancrage industriel sont présentés comme des relais d’efficacité, sans promesses nouvelles qui ne figureraient pas dans le périmètre annoncé.

Arbitrages budgétaires possibles sans nouveaux impôts

Écarter de nouveaux prélèvements suppose d’intensifier la révision des dépenses. Les administrations d’exécution seront incitées à traquer les gains d’efficience, avec une vigilance sur la qualité de service rendu et l’investissement public utile.

La ligne de crête est étroite : mal calibrée, une coupe budgétaire peut pénaliser l’amont productif ou l’investissement des collectivités. D’où l’insistance sur les retours de terrain des acteurs économiques et sociaux, intégrés dans la phase de préparation budgétaire.

Le projet de loi de finances suit une séquence cadencée : présentation du texte, examen à l’Assemblée nationale puis au Sénat, navette, et adoption d’un texte final. Le gouvernement peut, le cas échéant, engager sa responsabilité lors des débats. Dans ce cycle, la composition du gouvernement et le calendrier parlementaire entraînent des délais serrés pour boucler les arbitrages.

Consultations sociales et politiques : méthode et points de friction

Sébastien Lecornu mise sur une méthode d’agrégation des retours du terrain. Il a indiqué qu’il présentera un budget tenant compte des premières consultations conduites avec les organisations syndicales et patronales, ainsi que les formations politiques. Cette ouverture vise à conforter la légitimité du texte et à réduire le risque d’un blocage rapide lors de l’ouverture des débats.

Sur le plan politique, le Premier ministre souligne que des pistes de négociation demeurent, notamment avec le Parti socialiste. L’objectif est clair : éviter une censure parlementaire en bâtissant un socle d’acceptation minimale, y compris sur des sujets clivants comme la dépense publique et les réformes sociales. Parallèlement, la semaine d’ouverture de la session budgétaire est décrite comme une période à haut risque, marquée par des menaces de grève et des intentions de motions de censure.

Syndicats et patronats : intégration des retours

La promesse d’une intégration concrète des contributions syndicales et patronales place les partenaires sociaux au cœur de la séquence budgétaire. Sur le plan opérationnel, cela signifie un ajustement des mesures en fonction de leurs impacts sur l’emploi, les salaires, l’investissement et la compétitivité. Tout infléchissement substantiel devra cependant rester compatible avec le cadrage d’économies annoncé.

Partis politiques : ouverture avec le PS

Les discussions politiques se poursuivent, avec un accent mis sur l’ouverture envers le PS. L’enjeu est moins d’obtenir un ralliement que d’éviter un front compact des oppositions. En filigrane, c’est l’architecture des compromis qui se joue : des concessions techniques, parfois limitées mais visibles, peuvent suffire à désamorcer un vote hostile si la dynamique de responsabilité budgétaire est partagée.

Risque de censure et tensions sociales

Le risque parlementaire demeure. Des menaces de grève et des dépôts de motions de censure sont évoqués pour marquer l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale. Cette pression nourrit l’incertitude à court terme pour les entreprises, qui apprécieront tout indice de stabilisation politique.

Calendrier politique : gouvernement et rentrée parlementaire

Le Premier ministre prévoit d’annoncer la composition de son gouvernement avant l’ouverture des travaux à l’Assemblée nationale fixée au 6 octobre 2025. Ce resserrage du tempo vise à sécuriser l’exécutif avant la bataille budgétaire.

Réformes sociales ciblées : assurance-chômage et ruptures conventionnelles

Sur le social, une ligne rouge est fixée : aucune réouverture du dossier des retraites. La priorité affichée porte sur l’assurance-chômage, avec une méthode de concertation assumée. L’objectif est d’adapter le cadre aux besoins actuels du marché du travail, sans déstabiliser les acteurs économiques. Le gouvernement ne détaille pas, à ce stade, de mesure technique précise.

Autre sujet annoncé : l’examen des « abus » de ruptures conventionnelles. Également traitée en concertation, cette séquence vise un encadrement plus fin des pratiques.

Les chiffres rappellent l’ampleur du phénomène : environ 450 000 ruptures en 2024, en progression de 5 % par rapport à 2023. L’exécutif compte encadrer ces usages pour limiter les dérives signalées, sans préciser de dispositifs concrets pour l’instant.

Assurance-chômage : calendrier et concertation attendus

La méthode privilégiée est la négociation avec les partenaires sociaux. Les entreprises suivront de près l’impact potentiel sur leurs coûts et leur gestion des compétences.

Les thèmes susceptibles d’émerger portent classiquement sur l’incitation au retour à l’emploi, la sécurisation des parcours et les paramètres d’indemnisation. Aucune piste chiffrée n’est officiellement avancée. La priorité, telle qu’énoncée, est la lisibilité du système et son adaptation aux tensions sectorielles du marché du travail.

Ruptures conventionnelles : hausse des cas et encadrement envisagé

La progression du nombre de ruptures conventionnelles alimente le chantier. L’exécutif propose d’en examiner les abus présumés et de discuter d’un encadrement avec les partenaires sociaux. Côté entreprises, la vigilance est de mise pour sécuriser les procédures au regard du Code du travail, documenter les cas et prévenir les risques de requalification.

Rupture conventionnelle : cadre juridique synthétique

La rupture conventionnelle met fin d’un commun accord à un CDI avec indemnités spécifiques. Elle suppose une procédure encadrée, un droit de rétractation et une validation administrative. Les entreprises doivent veiller à la traçabilité des échanges, au respect des étapes et à la cohérence des motifs, sous peine de contentieux.

Arbitrages fiscaux assumés : pas d’ISF, pas de taxe Zucman

Sébastien Lecornu ferme deux portes fiscales. D’abord, pas de retour de l’ISF, remplacé en 2018 par l’IFI.

Ensuite, la taxe Zucman, proposée comme imposition minimale de 2 % sur les patrimoines supérieurs à un milliard d’euros, est écartée. « La taxe Zucman n’est pas la bonne réponse », affirme le Premier ministre. L’architecture budgétaire privilégie des économies sur la dépense plutôt que de nouveaux prélèvements.

Ce cadrage se veut cohérent avec la priorité donnée à l’investissement et à la production. Il ne préjuge pas, en revanche, d’un ajustement technique éventuel dans la durée sur certains dispositifs existants, tel l’environnement des crédits d’impôt à l’innovation. Les orientations publiées par Bercy en 2025 sur les mesures fiscales 2024 ont, à ce titre, constitué un point de repère pour les entreprises, sans engager de choix spécifiques pour 2026.

IFI et fiscalité du capital : stabilité revendiquée

En confirmant l’absence de retour à l’ISF, l’exécutif maintient le pivot introduit avec l’IFI. Le message adressé aux investisseurs est celui d’une stabilité fiscale sur le patrimoine, alors que l’effort d’ajustement budgétaire se concentre sur la dépense. Pour la direction financière des groupes, cette stabilité constitue un paramètre central pour la planification des opérations et la valorisation des actifs.

R&D et innovation : continuité sur les crédits d’impôt

Les derniers ajustements connus autour des dispositifs de soutien à la R&D et à l’innovation, précisés en 2025 pour l’année 2024, traduisent une volonté de continuité. Sans prétendre valoir pour 2026, ils éclairent la logique gouvernementale : préserver les incitations au développement technologique et à la productivité, éléments structurants de la compétitivité.

L’ISF, supprimé en 2018, portait sur la globalité du patrimoine au-delà d’un seuil. L’IFI se concentre sur la composante immobilière du patrimoine. En écartant un retour à l’ISF, l’exécutif préserve l’orientation prise depuis 2018 sur la fiscalité du capital.

Entreprises : impacts opérationnels et signaux à surveiller

Pour les entreprises, le projet budgétaire 2026 envoie plusieurs signaux clés. Premièrement, la stabilité fiscale sur le capital retire un facteur d’incertitude immédiate et clarifie l’environnement d’investissement.

Deuxièmement, la focalisation sur les économies de dépenses peut avoir des effets indirects sur l’accès à certains financements publics, appelant une anticipation dans la sélection de projets. Troisièmement, la réforme de l’assurance-chômage, traitée en concertation, pourrait ajuster les paramètres influençant les coûts de main-d’œuvre et la gestion des effectifs.

Au-delà des chiffres, la séquence politique compte. Une semaine d’ouverture des débats à haut risque signale un climat de volatilité réglementaire potentielle. Les directions juridiques et financières auront intérêt à travailler des scénarios, en surveillant l’évolution des arbitrages parlementaires et des compromis susceptibles d’émerger sur les volets sociaux.

Finances d’entreprise : visibilité fiscale et capex

Le maintien du cadre IFI et l’absence de taxe additionnelle de type Zucman sécurisent une partie de l’équation fiscale pour les investisseurs et holdings patrimoniales. Pour les groupes industriels, la continuité sur les mécanismes pro-innovation sert la planification des capex.

En revanche, l’effort d’économies de 43,8 milliards d’euros pourrait, selon sa ventilation, modifier l’écosystème d’aides directes ou indirectes. D’où l’utilité de cartographier l’exposition de l’entreprise aux dispositifs publics susceptibles d’être ajustés.

Gouvernance et conformité : attentes renforcées

La période budgétaire met en exergue l’importance de la transparence et des bonnes pratiques de gouvernance, régulièrement rappelées par l’AMF auprès des sociétés cotées. Dans un environnement où la crédibilité financière de l’État et des acteurs privés est scrutée, la qualité de l’information diffusée au marché devient un différenciateur. Organisation interne, communication financière et conformité sociale forment un trio à consolider.

Checklist direction financière : 5 points à suivre

  1. Trajectoire de déficit : intégrer l’hypothèse 4,7 % en 2026 dans les scénarios de coût du capital et de financement.
  2. Exposition aux dépenses publiques : cartographier les aides et subventions sensibles à une revue d’économies de 43,8 Md€ (ministère de l’Économie, 16 juillet 2025).
  3. Assurance-chômage : anticiper des ajustements de paramètres dans les accords et la GPEC, sans postuler de mesures non annoncées.
  4. Ruptures conventionnelles : renforcer la conformité procédurale et la documentation, compte tenu de l’examen annoncé des « abus ».
  5. Communication investisseurs : adapter le message sur la visibilité fiscale et la stratégie d’investissement, en cohérence avec les annonces publiques.

Un déficit cible implique soit des dépenses mieux contenues, soit des recettes plus dynamiques. En privilégiant la maîtrise des dépenses et la production, le gouvernement parie sur un soutien de l’offre pour élargir l’assiette fiscale à moyen terme, plutôt que de créer de nouveaux impôts. L’efficacité dépendra de la qualité des économies et de la robustesse de l’investissement privé.

Budget 2026 : équilibre recherché et zones d’incertitude

Le projet esquissé par Sébastien Lecornu repose sur des choix clairs : 43,8 Md€ d’économies, un objectif de 4,7 % du PIB pour 2026, l’écartement de nouvelles taxes patrimoniales, la priorité donnée à l’assurance-chômage et un examen des ruptures conventionnelles. En filigrane, une préférence pour la stabilité fiscale et le soutien à la production. La tenue de la trajectoire dépendra du réglage fin des économies et de la robustesse du dialogue social et politique.

Pour les entreprises, la ligne est lisible mais exigeante. La visibilité sur la fiscalité patrimoniale est un atout, l’éventuel recalibrage des dépenses publiques une variable d’ajustement à suivre de près. La séquence parlementaire de début octobre servira de test grandeur nature sur la capacité de l’exécutif à bâtir un compromis solide et à sécuriser sa trajectoire macroéconomique.

Rester agile, sans surinterpréter des signaux encore négociés, demeure la meilleure protection dans un cycle budgétaire où le politique et l’économique s’entremêlent étroitement.