L'été 2025 voit un record inquiétant de défaillances
Découvrez les causes et les chiffres inquiétants des défaillances d'entreprises en France durant l'été 2025, avec un impact fort sur les TPE.

+5,2 % en un an et un niveau inédit pour une période estivale : avec 14 300 défaillances d’entreprises au troisième trimestre 2025 (Altares), la France franchit un cap sensible. Le mois de septembre concentre l’alerte avec environ 6 800 procédures collectives, un pic inégalé depuis 2009. Derrière ces volumes, une réalité : les TPE plient, l’industrie souffre, et la géographie économique s’étire entre régions en reflux et territoires en tension.
T3 2025 : seuil historique et accélération de fin d’été
Altares : un pic estival inédit
Selon Altares, 14 300 procédures ont été enregistrées sur le trimestre, soit +5,2 % par rapport à l’été 2024. L’intensité de septembre 2025, avec environ 6 800 ouvertures, traduit une dégradation rapide de la trésorerie au retour des congés, là où les entreprises les plus fragiles arbitrent entre charges financières, reconstitution de stocks et reprise de la demande. Les signaux confirment une fragilité marquée des petites structures, tandis que les ETI et PME plus structurées amortissent mieux le choc.
INSEE : 12 mois glissants au plus haut depuis 2013-2014
Au-delà du trimestre, les séries par date de jugement poursuivent leur trajectoire haussière. Le cumul sur 12 mois dépasse 55 000 cas, proche des niveaux observés dans la foulée de la crise financière de 2008-2009, puis des années 2013-2014 (INSEE). Cette lecture confirme une dynamique installée depuis début 2024, avec une accentuation visible à partir du deuxième trimestre 2025.
La statistique des « défaillances » recouvre l’ouverture d’une sauvegarde, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire prononcée par le tribunal. Elle est comptabilisée à la date de jugement. La fermeture volontaire, la cession amiable ou la simple cessation d’activité hors procédure n’entrent pas dans ce périmètre statistique.
Typologie des entreprises concernées : TPE en première ligne
Altares fait état d’une exposition dominante des très petites entreprises : les TPE de moins de 10 salariés concentrent environ 80 % des procédures. À l’inverse, les PME de plus de 20 salariés connaissent une détente relative, avec une baisse d’environ 5 % des ouvertures au troisième trimestre. Ce contraste illustre l’effet amortisseur de la taille critique, de la diversification des débouchés et d’un accès plus robuste au financement.
Chiffres clés à retenir pour l’été 2025
Repères consolidés sur la période et le cumul annuel glissant.
- 14 300 défaillances au T3 2025, soit +5,2 % sur un an.
- Environ 6 800 procédures en septembre, un sommet depuis 2009.
- Plus de 55 000 défaillances sur 12 mois glissants, un niveau proche des pics de 2013-2014.
- 80 % des dossiers concernent des TPE, quand les PME de plus de 20 salariés reculent d’environ 5 %.
Les séries brutes par date de jugement présentent des pointes saisonnières et des effets de calendrier judiciaire. Pour apprécier le cycle, privilégier les cumuls glissants sur 12 mois et, lorsque disponible, les séries corrigées des variations saisonnières. L’analyse par secteur et par région permet d’isoler les facteurs locaux et les chocs propres aux filières.
Cartographie 2025 : trois régions s’allègent, cinq décrochent
Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Grand Est : reflux confirmé
Le mouvement n’est pas homogène. La Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Grand Est affichent un recul du nombre de procédures sur le trimestre.
Dans le Grand Est, l’amélioration tient à plusieurs départements industriels qui corrigent la trajectoire : Bas-Rhin, Meurthe-et-Moselle et Haut-Rhin se distinguent par des diminutions nettes. À l’inverse, la Meuse et les Vosges restent orientées à la hausse, illustrant des contrastes départementaux marqués.
Centre-Val de Loire et Pays de la Loire : tensions synchrones
À l’opposé, cinq régions subissent une dégradation prononcée : Centre-Val de Loire, Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Corse. Le Centre-Val de Loire compte parmi les plus mauvais élèves avec une hausse supérieure à 10 % des défaillances.
Dans les Pays de la Loire, tous les départements sont concernés à l’exception du Maine-et-Loire. Les progressions atteignent jusqu’à 15 % selon les territoires, marquant une diffusion large des difficultés.
Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Corse : l’effet structurel
Les raisons varient. Auvergne-Rhône-Alpes paie sa forte exposition à l’industrie manufacturière, où les hausses de coûts et de stocks pèsent rapidement sur la trésorerie.
La Corse souffre d’une saisonnalité touristique qui amplifie le moindre trou d’air. Les données publiques relayées par l’INSEE indiquent par ailleurs que les régions à forte empreinte industrielle ou agricole concentrent un cumul élevé sur 12 mois, au-delà de 2 000 cas dans certaines d’entre elles. La Nouvelle-Aquitaine, vaste et diverse, additionne des chocs sectoriels souvent dissymétriques entre littoral touristique et arrière-pays productif.
Points de repère territoriaux
Éléments saillants signalés par les relevés récents.
- Grand Est : amélioration dans le Bas-Rhin, la Meurthe-et-Moselle et le Haut-Rhin, tensions en Meuse et dans les Vosges.
- Pays de la Loire : tous les départements orientés à la hausse, sauf le Maine-et-Loire.
- Centre-Val de Loire : l’une des plus fortes aggravations, supérieure à 10 %.
- Corse : sensibilité accrue à la saison estivale et à la dépense touristique.
Premièrement, la structure sectorielle locale oriente la sinistralité, particulièrement la part manufacturière et agricole. Deuxièmement, la densité de TPE et leur exposition au B2C influent sur le rythme des défauts. Troisièmement, la saisonnalité et les événements ponctuels peuvent basculer le trimestre, comme en Corse.
Secteurs économiques : industrie en tension, BTP et transports temporisent
Industrie manufacturière : accélération des défaillances
L’industrie conduit la hausse, tirée par la manufacture qui progresse de +17 % en défaillances. Les branches textile et habillement affichent +11 %, tandis que les activités bois et matériaux de construction dégradent leurs indicateurs. Le couple coûts des intrants et demande hésitante pèse, d’autant que les charges financières restent élevées malgré un assouplissement perceptible des taux.
Construction : gros œuvre stabilisé, TP rassurants
Dans la construction, les signaux sont plus mitigés. Le gros œuvre s’en sort mieux, conforté par la demande publique et des projets engagés.
Les travaux publics demeurent robuste grâce à des investissements d’infrastructure issus notamment des programmes de relance post-Covid. Les séries brutes par date de jugement publiées par l’INSEE évoquent une petite hausse sur 12 mois dans la construction, sans rupture majeure.
Commerce et transports : la moyenne masque des fragilités
Le commerce et les transports n’augmentent que de 1 à 2 % au troisième trimestre, selon Altares. Mais la statistique agrégée cache la fragilité des enseignes de proximité.
Une commerçante interrogée par Orange Actualités glisse son désarroi face à une fermeture imminente : « On ne sait pas pourquoi on vient bosser ». Dans les transports, un redressement modéré du fret limite la casse, avec une progression contenue des défauts autour de +2 %.
La production manufacturière cumule des délais d’écoulement des stocks plus longs, une pression sur les marges avec des coûts encore élevés et une sensibilité aux taux d’intérêt pour financer le cycle d’exploitation. La moindre visibilité export agit comme frein, alors que les arbitrages des ménages et des donneurs d’ordre restent prudents.
Procédures, emploi et pilotage financier : ce que disent les dossiers
Liquidations en recul relatif, restructurations en hausse
Altares observe une inflexion encourageante dans la nature des procédures. La part des liquidations judiciaires diminue de 65 % à 62 %.
En miroir, les sauvegardes et redressements judiciaires progressent. Cela signale une volonté accrue des tribunaux et des dirigeants d’explorer des solutions de continuité d’exploitation, qu’il s’agisse de plans de sauvegarde, de remises de dettes ou de cessions partielles d’activités.
Emplois menacés : la facture sociale du T3 2025
Les défaillances de l’été menacent plus de 50 000 emplois, avec une concentration dans l’industrie et le commerce. Malgré la relative stabilité du BTP, l’INSEE fait état de pertes de 10 000 postes sur l’année glissante dans la construction. L’onde de choc sur le marché du travail met en tension les bassins déjà touchés par les restructurations passées, notamment là où la reconversion sectorielle reste incomplète.
Trésorerie, délais et charges : le trio de risque à court terme
Les dossiers examinés cette année mettent en avant un triptyque de fragilités opérationnelles :
- Trésorerie sous contrainte par l’allongement des délais de paiement et la baisse d’activité en volume.
- Charges financières encore élevées qui pèsent sur les TPE et PME les moins dotées en fonds propres.
- Stocks et approvisionnements plus coûteux, notamment dans l’industrie et certaines filières de matériaux.
Procédures collectives : rappel express
Trois portes d’entrée selon l’état de l’entreprise et ses perspectives.
- Sauvegarde : prévention pour entreprises non encore en cessation des paiements, pour réorganiser le passif.
- Redressement judiciaire : tentative de poursuite d’activité avec plan d’apurement, sous contrôle du tribunal.
- Liquidation judiciaire : arrêt d’activité quand le redressement est manifestement impossible.
Pilotage des risques : leviers disponibles et cap gouvernemental
Altares : scoring et prévention comme boussole
Le spécialiste des données économiques recommande aux dirigeants d’outiller la décision par des scores de risque, des alertes sur les contreparties et une surveillance des signaux faibles. L’objectif est d’anticiper les défauts clients, de sécuriser la chaîne d’approvisionnement et d’ajuster la politique de crédit de manière dynamique.
CCI : montée en compétences ciblée
Des formations gratuites à la gestion de crise et à la maîtrise de la trésorerie sont proposées par les chambres de commerce et d’industrie, en lien avec les services de l’État. Ces parcours outillent les TPE et PME sur la relance du BFR, les négociations de délais fournisseurs, ou encore l’activation des procédures amiables avant le tribunal.
Mesures publiques : reports d’échéances et vigilance macro
Le ministère de l’Économie a annoncé des reports d’échéances fiscales pour les PME fragilisées. Bruno Le Maire a rappelé en septembre 2025 la vigilance portée aux indicateurs afin d’éviter une contagion sectorielle : « Nous surveillons de près ces indicateurs pour éviter une contagion aux secteurs clés. » L’autorité monétaire européenne ayant engagé une baisse des taux en 2025, le coût moyen de la dette pourrait s’alléger progressivement, offrant un répit aux entreprises les plus exposées.
Prioriser trois chantiers tactiques : renégocier les lignes court terme avec son banquier en présentant une trajectoire chiffrée, sécuriser les encaissements via des limites de crédit clients et des garanties adaptées, documenter un plan d’actions prêt à être partagé en cas de procédure amiable. Ces mesures pré-serrages améliorent la crédibilité et la vitesse d’exécution si la conjoncture se durcit.
Variables d’arbitrage fin 2025 et cap 2026
Malgré un troisième trimestre à haut risque, plusieurs points d’appui se dessinent. La part des liquidations recule, au profit des procédures de sauvegarde et de redressement.
Altares anticipe que la fin d’année pourrait offrir un répit si la consommation se maintient, même sans rebond. L’assouplissement monétaire en zone euro, conjugué à une prévision de croissance du PIB de 1,1 % en 2025 selon l’INSEE, peut contribuer à stabiliser le tissu entrepreneurial, sous réserve d’une demande européenne qui ne se détériore pas.
Reste un faisceau d’incertitudes : la trajectoire de l’inflation, la demande intérieure en période de fêtes, et l’exposition aux échanges européens. Les dirigeants qui combinent vigilance de trésorerie, prévention des risques et recours précoce aux dispositifs d’accompagnement maximisent leurs chances d’absorber l’onde de choc de 2025 et d’aborder 2026 en meilleure posture.
Les chiffres clés proviennent d’analyses Altares pour le trimestre et des séries par date de jugement de l’INSEE pour le cumul annuel glissant, dans la limite des données disponibles au moment de la publication.