4,8 % au troisième trimestre 2025 : la Chine ralentit et ses déséquilibres réapparaissent à grande échelle. Pour les directions financières et juridiques en France, le signal est double.

D’un côté, l’industrie chinoise reste robuste. De l’autre, la demande intérieure faiblit, attisant les pressions déflationnistes et les frictions commerciales, avec des répercussions directes sur les prix, les marges et les chaînes d’approvisionnement européennes.

Ralentissement confirmé en 2025 : 4,8 % au T3, point bas depuis l’été 2024

La croissance chinoise a progressé de 4,8 % au troisième trimestre 2025, après 5,2 % au trimestre précédent. C’est la cadence la plus faible depuis la fin de 2024, un seuil symbolique qui signale l’essoufflement d’un rebond limité.

L’officialisation par le Bureau national des statistiques s’accompagne d’un diagnostic sans détour sur l’écart grandissant entre une offre productive et une demande atone. L’industrie a livré une performance contrastée, avec une production industrielle en hausse de 6,5 % en septembre, alors que la consommation n’a pas suivi le même rythme.

Ce déséquilibre s’enracine dans des chocs concomitants : la crise immobilière, la faiblesse de la consommation des ménages et le durcissement des tensions commerciales, en particulier avec les États-Unis. Les autorités à Pékin avaient fixé un objectif politique d’environ 5 % de croissance pour 2025. Dans l’état actuel des indicateurs avancés, cette cible semble désormais hors de portée, comme l’indiquent les analyses récentes du FMI et de l’OCDE (Les Echos; l’Opinion).

Le diagnostic est résumé par une formule lapidaire, rare dans la communication officielle : « La Chine fait face à un déséquilibre entre une production industrielle vigoureuse et une demande intérieure faible, exacerbé par la crise immobilière et les frictions commerciales », a déclaré un porte-parole du Bureau national des statistiques lors de la publication des données du troisième trimestre 2025.

Atteindre 5 % sur l’année imposerait une forte accélération au T4 malgré un immobilier déprimé, une consommation modeste et des pressions déflationnistes. L’écart entre la vigueur de l’offre et la demande privée rend l’équation délicate : la croissance additionnelle devrait venir des exportations et de l’investissement public, au risque d’amplifier la surcapacité déjà observée.

Immobilier, consommation et prix : le cœur de la faiblesse interne

Le secteur immobilier demeure le talon d’Achille de l’économie. Il pèse environ 25 % du PIB et concentre près de 60 % du patrimoine des ménages.

En septembre 2025, les prix des logements ont reculé de plus de 5 % sur un an, tandis que les logements neufs ont baissé de 0,4 % sur le mois. Les investissements immobiliers se contractent de 10 % sur les neuf premiers mois de l’année, accentuant l’effet richesse négatif et la prudence des acheteurs.

À la demande, la dynamique reste freinée. Les ventes au détail n’augmentent que de 3 % en septembre et la consommation des ménages ne progresse que de 3,5 % sur la période récente.

Au même moment, l’indice des prix à la consommation recule de 0,5 % en septembre, un signe net de pressions déflationnistes. Cette baisse des prix renchérit mécaniquement le coût réel de la dette des ménages et des entreprises, ce qui freine les nouveaux investissements et la prise de risque.

Chine, septembre 2025 : six indicateurs à suivre de près

  • PIB T3 2025 : +4,8 %.
  • Production industrielle : +6,5 % sur le mois.
  • Ventes au détail : +3 % sur le mois.
  • Prix logements neufs : -0,4 % sur le mois.
  • Investissements immobiliers : -10 % cumulés sur neuf mois.
  • IPC : -0,5 % sur le mois.

Lecture conjointe : une offre industrielle résiliente coexiste avec une demande privée atone et une désinflation qui vire à la déflation.

Sur le plan budgétaire, Pékin a annoncé en septembre des allègements fiscaux d’un montant de 1 000 milliards de yuans, au bénéfice des entreprises et des ménages. Une enveloppe de 300 milliards de yuans a été également injectée pour soutenir les promoteurs via des prêts. L’efficacité de ces dispositifs reste incertaine tant que la confiance immobilière n’est pas rétablie et que les pressions sur les prix persistent.

Quand les prix reculent, le pouvoir d’achat de la monnaie augmente. Pour un emprunteur, cela signifie que le poids réel des échéances s’alourdit si les revenus n’évoluent pas à la même vitesse. Ce mécanisme pousse les ménages et les entreprises à différer les achats et l’investissement, ce qui pèse davantage sur la croissance.

Surcapacités et commerce extérieur : tensions avec l’UE et réorientation des flux

Au-delà de la demande domestique, la Chine se heurte aux limites de son modèle tiré par l’offre. Les surcapacités dans des secteurs comme l’automobile et l’acier pressent les entreprises à chercher des débouchés extérieurs avec des prix compétitifs, accentuant la pression sur les marchés mondiaux. Si Pékin redirige une partie de ses exportations vers l’Europe et l’Asie du Sud-Est, les réponses commerciales se durcissent.

En 2025, l’Union européenne a instauré des droits de douane sur les véhicules électriques chinois pour répondre à la concurrence jugée déloyale. La perspective d’une escalade côté États-Unis réapparaît également, avec des menaces de nouvelles taxes et la possibilité de droits à 60 % évoquée dans le débat américain. La rencontre Donald Trump - Xi Jinping est d’ailleurs prévue fin octobre 2025 en Corée du Sud, lors du sommet de l’APEC, un rendez-vous à potentiel d’inflexion selon les signaux qui en sortiront.

Au niveau global, la projection du FMI établit que la croissance mondiale devrait ralentir à 3,2 % en 2025, en partie du fait de la décélération chinoise. Les chaînes d’approvisionnement, encore en recomposition, et les prix des matières premières resteront sensibles à ces bascules. Pour la France, cela signifie des coûts d’importation de composants volatils, des arbitrages de stocks à revisiter et une vigilance contractuelle accrue sur les délais et clauses tarifaires.

Renault et Stellantis : exposition concurrentielle

Le durcissement des politiques commerciales en Europe sur les véhicules électriques vise précisément la pression des importations à bas prix. Les constructeurs français comme Renault et Stellantis se retrouvent à la fois en concurrence directe sur le marché européen et exposés aux conditions d’importation de composants issus de Chine. Le risque se situe autant sur les prix de vente que sur les coûts des batteries, de l’électronique de puissance et des matériaux.

EDF Renewables : ajustements sur le solaire

Le flux massif de panneaux photovoltaïques chinois submerge le marché européen. Des acteurs français, dont EDF Renewables, ajustent leurs stratégies d’approvisionnement et de déploiement face aux prix compressés et aux délais fluctuants. Les effets d’éviction potentiels sur des filières locales, conjugués à des gains de coût pour certains projets, créent une équation industrielle délicate à optimiser.

Le secteur auto chinois illustre le dilemme : « L’État a du mal à peser sur les capacités de réduction, à freiner la baisse des prix. Aujourd’hui, il y a plus de 140 marques automobiles en Chine.

Les provinces rechignent à fermer leurs usines et à condamner des emplois qui n’ont pas été amortis. » analyse Sophie Wieviorka, économiste Asie au Crédit Agricole, citée par Les Echos. Les ajustements se heurtent à des enjeux d’emplois et de finances locales.

Entreprises françaises : coûts, marges et choix d’approvisionnement

Les tensions commerciales et la dynamique de prix à la baisse côté chinois dessinent une situation ambivalente pour les entreprises françaises. Opportunité de coûts sur certains achats, avec le risque symétrique d’une volatilité accrue des délais et d’un réajustement tarifaire si de nouveaux droits de douane sont activés. Les secteurs technologiques et de l’innovation, utilisateurs de composants asiatiques, sont en première ligne.

Le marché haut de gamme ressent déjà la prudence du consommateur chinois. LVMH a signalé une baisse de 5 % de ses ventes en Chine au premier semestre 2025, ce qui illustre une demande plus sélective et plus lente à se redresser. Les directions commerciales françaises devront structurer leurs scénarios sur la base d’un consommateur chinois plus parcimonieux, d’un immobilier encore contracté et d’un environnement de prix qui soutient l’arbitrage vers l’épargne.

LVMH : la demande haut de gamme se tasse

La baisse des ventes en Chine au premier semestre 2025 invite à prioriser la gestion des portefeuilles par catégorie et par région, à calibrer les assortiments et à reconfigurer les plans de croissance sans dépendre d’un rebond rapide de la demande. L’enjeu est d’ajuster finement les niveaux de stocks et les calendriers de collection, tout en sécurisant la marge brute par une discipline stricte sur les coûts d’achat et le mix produit.

Au-delà des secteurs exposés à la consommation finale, la mécanique industrielle oblige également à des arbitrages d’achats plus granulaires. Les directions des achats devront intégrer des grilles de sensibilité aux droits de douane et aux délais portuaires dans leurs modèles de coûts. Côté marché du travail américain, les signaux de ralentissement des créations d’emplois recensés par la Direction générale du Trésor confortent l’hypothèse d’une demande internationale moins porteuse en 2025, ce qui renforce le besoin de diversification géographique des débouchés et d’une gestion plus stricte du BFR (Direction générale du Trésor).

Pilotage sous contraintes : trois leviers concrets côté France

  1. Contrats et tarifs : introduire ou renforcer les clauses d’ajustement liées aux droits de douane et aux délais logistiques sur les achats critiques depuis l’Asie.
  2. Dual sourcing ciblé : sécuriser un second fournisseur hors Chine pour les composants stratégiques, avec tests d’interchangeabilité en amont.
  3. Stocks tactiques : dimensionner un coussin d’inventaire court sur les références où la tension prix-délai est la plus probable, afin de lisser l’impact sur les marges.

Objectif : préserver la continuité d’approvisionnement et la marge opérationnelle en cas d’inflexion de la politique commerciale ou de nouveaux goulets logistiques.

Politiques économiques à Pékin : relances, fiscalité et leurs limites

Le cap suivi par les autorités reste dominé par une logique d’offre : soutien aux capacités industrielles et redirection des exportations. Or cette stratégie, efficace pour stabiliser l’activité industrielle, peut prolonger la pression sur les prix en l’absence de reprise de la demande intérieure.

Les allègements d’impôts de 1 000 milliards de yuans annoncés en septembre 2025 tentent d’infléchir le cycle, tout comme l’enveloppe de 300 milliards de yuans dédiée aux promoteurs immobiliers. Mais sans inflexion durable sur l’immobilier et la confiance des ménages, l’effet multiplicateur demeure contraint.

Ce diagnostic rejoint les évaluations du FMI et de l’OCDE : l’objectif officiel d’environ 5 % pour l’année 2025 apparaît difficilement atteignable au vu des données de consommation, d’investissement et de prix. En toile de fond, la déflation manifeste, à -0,5 % en septembre, renforce le taux d’intérêt réel et pèse sur les décisions d’investissement des entreprises déjà endettées.

FMI et OCDE : croissance cible jugée hors de portée

Les organisations internationales convergent sur l’idée que la croissance chinoise pourrait rester inférieure à l’objectif 2025, à moins d’un pivot plus net vers la consommation. Un rebond mécanique au T4 ne suffirait pas, sans mesures susceptibles de réancrer les anticipations des ménages et de stabiliser durablement l’immobilier.

Dans ce contexte, le Premier ministre Li Qiang a affirmé en octobre 2025 que le gouvernement intensifierait les réformes pour promouvoir une croissance de qualité, une orientation réformiste relayée par l’agence Xinhua. Reste à préciser les leviers qui seront actionnés pour conjuguer stabilité financière et rééquilibrage structurel.

Une relance focalisée sur l’offre soutient la production et les exportations, mais elle intensifie la concurrence prix en interne et à l’export. En l’absence d’un soutien crédible à la demande, les marges restent comprimées, la déflation s’installe et l’investissement privé différé, surtout dans un environnement où le coût réel de la dette augmente.

Feuilles de route à court terme : Comité central et diplomatie commerciale

L’agenda politique de l’automne 2025 est chargé. Le Comité central du Parti communiste se réunit cette semaine d’octobre afin d’élaborer le 15e plan quinquennal 2026-2030.

Les attentes portent sur un rééquilibrage vers la consommation et une restructuration des secteurs en surcapacité, éléments évoqués dans un communiqué préliminaire du plénum. Ces orientations, si elles se matérialisent, signaleraient un virage graduel vers une croissance qualifiée de plus « de qualité » par l’exécutif chinois.

Sur le terrain diplomatique, la rencontre Trump-Xi annoncée fin octobre 2025 en Corée du Sud, lors du sommet de l’APEC, pourrait infléchir les paramètres du commerce bilatéral. Des droits américains portés à 60 % sur les importations chinoises sont évoqués dans le débat public, ce qui ajouterait de l’incertitude dans les arbitrages d’approvisionnement et d’investissement transpacifiques. À l’inverse, des signaux de désescalade, même partiels, offriraient un répit aux chaînes d’approvisionnement mondiales.

Pour les directions innovation, un autre volet est à surveiller : 500 milliards de yuans d’investissements en R&D sont prévus par la Chine pour 2025, une trajectoire d’effort qui ouvre des fenêtres de partenariats ciblés malgré des tensions géopolitiques persistantes. La sélectivité des thèmes, la localisation des données et la gouvernance contractuelle devront y être irréprochables.

Calendrier et dossiers chauds à intégrer à votre cartographie des risques

  • Plénum d’octobre 2025 : cap du 15e plan quinquennal, focus consommation et restructuration industrielle.
  • Sommet APEC fin octobre 2025 en Corée du Sud : trajectoire des tarifs américains sur les importations chinoises, niveau de dialogue bilatéral.
  • Soutien immobilier : suivi de l’enveloppe de 300 milliards de yuans et de la stabilisation des prix de l’habitat.
  • R&D : 500 milliards de yuans d’investissements prévus, opportunités de co-développement sous contraintes de conformité.

Intérêt pour les groupes français : ajuster la veille contractuelle et réglementaire, anticiper coûts et délais, prioriser les partenariats qui apportent une résilience chaîne et un avantage technologique.

Ce que les dirigeants français peuvent préparer dès maintenant

Le ralentissement chinois agit comme un révélateur. Les marges de manœuvre existent, mais exigent une exécution disciplinée : clauses d’ajustement tarifaire, scénarios de sourcing hors Chine pour les composants critiques, calibration fine des stocks et de la trésorerie afin d’absorber un choc logistique ou douanier. Côté commercial, viser des relais de croissance en Asie du Sud-Est et en Europe tout en acceptant des cycles de vente plus longs en Chine, notamment dans le luxe ou la tech, demeure un principe prudent.

Au plan stratégique, la clé sera l’arbitrage entre opportunités d’achats liées à la baisse des prix chinois et risques de contre-mesures commerciales. Les directions juridiques et conformité devront verrouiller la gouvernance contractuelle des partenariats en R&D, plus attractifs mais aussi plus sensibles. La trajectoire 2025-2026 appelle un pilotage serré de la chaîne de valeur, avec une lecture temps réel des signaux venus de Pékin et des capitales commerciales.

Message aux comités exécutifs

Traduire la volatilité chinoise en décisions opérables : sécuriser l’approvisionnement, préserver les marges et ancrer les partenariats utiles, sans surexposer les bilans.

Cap sur une exécution pragmatique et réversible : en 2025, l’agilité devient votre meilleure assurance.