+1,2 % sur un an. Le baromètre d’activité de l’Ordre des experts-comptables de Normandie envoie un signal froid pour les TPE et PME au deuxième trimestre 2025. Le recul est net, cumulant déjà -0,4 % depuis janvier. Pour les dirigeants, ce n’est pas un simple trou d’air mais une alerte sur la dynamique commerciale régionale, au plus bas depuis fin 2020.

Chiffres d’activité en repli: le point dur du deuxième trimestre 2025

La photographie arrêtée au deuxième trimestre montre une contraction de 1,2 % du chiffre d’affaires des TPE et PME normandes par rapport à la même période de 2024. En glissement annuel depuis le début de l’année, l’indicateur agrégé affiche -0,4 %. L’Ordre des experts-comptables régionaux rappelle que l’on n’avait plus vu un tel point bas depuis le quatrième trimestre 2020, au cœur des perturbations liées au Covid.

Au-delà du chiffre global, le repli diffuse dans plusieurs branches, avec une intensité variable. L’érosion sectorielle est le fait marquant de cette édition du baromètre, confirmant une fragilité plus structurelle que conjoncturelle.

Le signal faible devient signal dur

En début d’année, plusieurs cabinets signalaient une atonie des ventes et des devis acceptés. Le T2 2025 l’objectivise: -1,2 % sur un an signale le passage d’une inquiétude diffuse à un glissement mesurable (Ordre des experts-comptables de Normandie, baromètre T2 2025).

Cumul depuis janvier: un retard qui s’installe

Le cumul -0,4 % depuis janvier pèse sur les trésoreries saisonnières, notamment chez les activités à cycles courts. Sans retournement au troisième trimestre, la marge d’absorption par le fonds de roulement se réduira avant les échéances fiscales et sociales de fin d’année.

Trois repères clés à retenir

  • -1,2 % au T2 2025 vs T2 2024.
  • -0,4 % sur les six premiers mois de 2025.
  • Point bas le plus marqué depuis T4 2020, signe d’une faiblesse plus large de la demande locale.

Le baromètre agrège des données comptables anonymisées provenant des cabinets de l’Ordre des experts-comptables de Normandie. Il reflète la dynamique de chiffre d’affaires par secteur et par période, en base comparable. Ce n’est ni une enquête d’opinion ni un sondage: c’est une photographie issue des écritures réelles, consolidées et retraitées pour garantir l’homogénéité temporelle.

Où la contraction frappe le plus: lecture sectorielle et vulnérabilités

Plusieurs secteurs basculent en négatif, avec des amplitudes significatives. La tendance n’est pas uniforme mais suffisamment large pour peser sur l’ensemble du tissu entrepreneurial normand.

Alimentation de proximité: la boulangerie en recul

Le commerce de boulangerie recule de 1,6 % depuis le début de 2025. En cause, la normalisation de la fréquentation post-hausses tarifaires et la pression persistante sur les coûts d’intrants. L’ajustement des volumes, souvent inférieur à la dynamique des prix, érode mécaniquement la croissance en valeur.

Construction: le froid de la demande

Dans la construction, le repli atteint -2,7 %. La baisse s’explique par la raréfaction des projets privés, la prudence des ménages sur la rénovation et un décalage des décisions d’investissement des donneurs d’ordres. Le secteur encaisse un double effet: moindre volume de chantiers et allongement des cycles de décision.

Hébergement-restauration: fréquentation capricieuse

L’hébergement-restauration affiche -2,9 %. La sensibilité à la dépense discrétionnaire des ménages accentue la volatilité des recettes, avec des pics d’activité moins porteurs qu’attendu et une dépense moyenne contenue.

Commerce spécialisé: viande et habillement dégradés

Dans le commerce de détail, les plus fortes baisses touchent la viande -3,8 % et l’habillement -2 %. Le mouvement renvoie à une concurrence prix intensifiée, à l’arbitrage des ménages en faveur de paniers unitaires réduits et à la montée des achats multicanaux qui redistribuent le trafic.

Résumé des amplitudes relevées par les experts-comptables:

  • Boulangerie: -1,6 % en 2025 à date.
  • Construction: -2,7 %.
  • Hébergement-restauration: -2,9 %.
  • Commerce de la viande: -3,8 %.
  • Habillement: -2 %.

Une baisse de chiffre d’affaires n’a pas le même impact selon les métiers. En construction, le résultat dépend fortement du mix chantiers et du carnet à 3-6 mois.

En commerce alimentaire, l’effet de volume et le positionnement prix déterminent la marge unitaire. En restauration, un recul modéré du ticket moyen peut annuler le gain de fréquentation. Le pilotage par ligne de produit et par service devient central pour éviter une érosion invisible des marges.

Les mécanismes économiques à l’œuvre: prix, volumes, financement

Le repli normand ne tient pas à un seul facteur. Il combine des arbitrages de consommation, des contraintes de financement plus strictes et des coûts d’exploitation encore élevés sur certaines lignes. La sensibilité des TPE-PME à ces variables est supérieure à celle des grands groupes, car elles disposent de filets de sécurité plus limités.

La frontière prix-volume chez les tpe

Depuis 2023, beaucoup d’entreprises ont ajusté leurs prix pour absorber les hausses de coûts. En 2025, la demande se montre plus élastique: certains clients plafonnent leurs dépenses, d’autres fragmentent leurs achats.

Un faible ajustement de volume suffit alors à ramener les ventes en territoire négatif malgré une politique tarifaire stabilisée. C’est ce que révèle la combinaison -1,2 % au T2 et la baisse plus accentuée dans des métiers de consommation immédiate.

Trésorerie et financement court terme

Les tensions de chiffre d’affaires testent le fonds de roulement. Les besoins augmentent quand les règlements clients s’allongent ou que les stocks pèsent davantage.

Les prêteurs, eux, regardent plus finement la couverture d’intérêts et la capacité d’autofinancement. Résultat: les lignes court terme se renouvellent, mais selon des critères plus sélectifs, ce qui peut lisser les pics de trésorerie au prix d’un taux d’utilisation plus proche des plafonds.

Emploi, marges et arbitrages opérationnels

Avec une activité sous pression, les dirigeants arbitrent entre maintien des équipes, ajustement des plannings et achats plus serrés. Les leviers de court terme existent: recalibrage des stocks, renégociation de contrats non stratégiques, optimisation des plannings. Mais ils ne suffisent pas toujours à compenser une baisse de volumes installée, d’où l’importance d’actions commerciales ciblées plutôt qu’un seul effort de réduction des coûts.

Restauration et commerce: une élasticité prix amplifiée

Dans les segments où le choix du client est immédiat, une hausse tarifaire tardive peut déclencher des arbitrages soudains: panier réduit, report d’achat, changement d’enseigne. Le pilotage fin du prix psychologique et du mix (formules, tailles, offres limitées) devient alors déterminant pour préserver le chiffre d’affaires sans dégrader la marge contribution.

Effet de base: un trimestre très fort l’an dernier rend la comparaison plus difficile et peut exagérer la baisse apparente.

Point mort: niveau minimal de chiffre d’affaires pour couvrir l’ensemble des charges. En dessous, la perte s’accroît rapidement.

BFR (besoin en fonds de roulement): ressources nécessaires pour financer le décalage entre décaissements et encaissements. Il augmente quand les stocks gonflent ou quand les délais clients s’allongent.

Attentes des professionnels: cap politique, fiscalité lisible et investissement

Le message des experts-comptables normands est clair: stabilité, visibilité, confiance. Franck Nibeaudo, président du Conseil régional de l’Ordre, résume l’urgence: « Pour que notre économie régionale puisse se projeter et se développer, elle a besoin de stabilité, de visibilité et de confiance. » Derrière cette formule, trois leviers concrets émergent: clarification du cap sur la dette publique, fiscalité durable et lisible, et climat favorable à l’investissement et à l’innovation.

Fiscalité lisible: une variable d’investissement

Pour un dirigeant, la lisibilité fiscale signifie pouvoir anticiper les flux nets à douze-dix-huit mois: impôt sur les sociétés, contributions locales, charges sociales. La stabilité des paramètres conditionne le taux d’actualisation interne utilisé en comité de direction. Si les règles bougent en cours de route, le risque perçu augmente et les projets se reportent, en particulier dans la construction et la restauration, secteurs déjà en baisse.

Investissement et innovation: arbitrer pour créer de la marge

Les investissements ciblés sur la productivité et la différenciation restent les plus protecteurs. Automatisation légère, outils de pilotage, transition numérique de la relation client, innovations d’offre: ces axes génèrent des gains récurrents qui amortissent mieux les cycles d’activité. L’enjeu n’est pas de dépenser plus, mais de prioriser ce qui réduit durablement les coûts unitaires ou accroît le taux de conversion commercial.

Trésorerie et prévention: filets de sécurité à activer

Le recul du chiffre d’affaires appelle un suivi serré des échéances. Des mécanismes existent pour éviter les ruptures:

  • Médiation du crédit en cas de refus ou de retrait de concours.
  • Plans d’étalement auprès des organismes sociaux et fiscaux via la CCSF ou les URSSAF.
  • Dialogue fournisseurs: renégociations ciblées et clauses de révision adaptées à la saisonnalité.

L’objectif est de traverser le point bas sans hypothéquer la capacité à capter la reprise.

Plan de pilotage à 90 jours pour dirigeants

  1. Cartographier les marges par produit et canal, repérer les lignes destructrices de valeur.
  2. Réviser le budget de trésorerie hebdomadaire avec scénarios -1 % à -3 % de CA.
  3. Négocier les délais et minima de commande fournisseurs non stratégiques.
  4. Cibler trois actions commerciales à conversion rapide: offres packagées, relances clients dormants, partenariats locaux.
  5. Geler les dépenses non prioritaires sans élargir le cycle de paiement au risque de fragiliser la chaîne.

Mise en perspective nationale: signaux concordants en 2025

L’environnement observé en Normandie résonne avec des tendances nationales. Plusieurs références sectorielles et régionales décrivent un cycle d’activité atone pour les petites et moyennes entreprises au printemps 2025.

Enquêtes de conjoncture et baromètres régionaux

La 81e enquête de conjoncture TPE-PME de Bpifrance Le Lab, conduite entre mai et juin 2025 auprès de 4 708 entreprises, fait état d’un recul d’activité dans plusieurs régions pour le septième trimestre consécutif (Bpifrance Le Lab, 81e enquête, juin 2025). Des baromètres en Provence-Alpes-Côte d’Azur rapportent également un environnement tendu avec des appels à la confiance et à la stabilité, échos directs des demandes normandes.

Les repères structurels des entreprises en france

Les fiches pratiques du Ministère de l’Économie précisent où trouver les chiffres clés des PME et les statistiques sectorielles. L’INSEE, dans sa publication de mars 2025 sur la démographie et l’activité des entreprises, rappelle la poids macroéconomique des TPE et PME et la diversité des dynamiques selon les branches. Ces repères ne sont pas des prévisions, mais des bornes statistiques utiles pour situer la Normandie par rapport au reste du territoire.

Pour une veille efficace, prioriser trois familles de documents: les baromètres des Ordres professionnels qui captent le terrain, les enquêtes de conjoncture régulières (échantillons larges, comparabilité temporelle) et les statistiques officielles de l’INSEE et du Ministère de l’Économie qui fixent le cadre. Croiser ces sources permet de distinguer micro-signal local et tendance nationale.

Qui est l’ordre des experts-comptables de normandie

Établissement d’utilité publique, l’Ordre régional fédère les cabinets et professionnels habilités à l’exercice de l’expertise comptable. Il assure la déontologie, l’accompagnement de ses membres et la production de données agrégées fiables. Son baromètre d’activité s’inscrit dans cette mission, en éclairant les décideurs locaux et les entreprises sur la réalité économique du territoire.

Repères chiffrés à garder en tête

  • La dynamique de chiffre d’affaires des TPE-PME est un indicateur avancé des marges régionales.
  • Les baisses du commerce spécialisé et de la construction pèsent sur l’emploi local non délocalisable.
  • Les comparaisons interrégionales confirment un climat national tendu au printemps 2025.

Traduction opérationnelle: passer de l’alerte à l’action mesurée

Un recul de chiffre d’affaires appelle des réponses pratiques, calibrées, rapides. Il ne s’agit pas d’un plan d’austérité, mais d’un re-routage tactique pour préserver la marge et la liquidité tout en préparant le redémarrage.

Recentrer l’offre sur la valeur

La priorité est de renforcer ce qui convertit le mieux. Pour l’hébergement-restauration, cela peut passer par des formules maîtrisées, une gestion dynamique des prix en périodes de pointe et la promotion des canaux directs. En commerce alimentaire, la re-segmentation des gammes avec une entrée de gamme soignée protège le volume sans sacrifier l’image.

Réduire le cash immobilisé sans fragiliser la chaîne

Un stock plus finement piloté libère la trésorerie. Attention toutefois aux ruptures coûteuses: l’objectif est d’éviter les surstocks lents et d’augmenter la rotation là où la demande reste présente. La méthode: revues hebdomadaires des références, seuils d’alerte et promotions ciblées sur les lignes à faible vitesse.

Aligner communication et réalité de service

Dans un marché en ralentissement, les campagnes généralistes diluent les moyens. Les retours sont meilleurs avec des messages orientés usage, des preuves sociales locales et des offres datées créant un effet d’activation immédiat. Les TPE ancrées dans leur bassin de vie y gagnent en efficacité commerciale et en fidélisation.

  • Conversion par canal et par offre.
  • Rotation des stocks par famille, durée d’immobilisation.
  • Délai moyen de paiement clients et proportion d’échéances échues.
  • Marge contribution par produit et panier moyen.
  • Taux d’occupation ou d’activité utile dans les métiers de service.

Cap de stabilisation à atteindre d’ici la fin 2025

La Normandie aborde le second semestre avec un déficit de croissance à combler. Le seuil de stabilisation passe par une reprise des volumes dans la construction et la restauration, ainsi qu’un redressement du commerce spécialisé. Le signal attendu du côté des pouvoirs publics concerne la lisibilité fiscale et le cadre d’investissement, échos des demandes formulées par la profession comptable.

Rien n’indique un retournement spontané. Mais une stratégie combinant pilotage fin de la trésorerie, choix d’investissement sélectifs et actions commerciales rapides peut limiter la casse et préparer un point d’inflexion. Le message économique est clair: garder du mouvement pour éviter la spirale défensive. Le T3 dira si l’économie normande transforme l’alerte du printemps en sursaut d’automne.