Les entreprises d'Occitanie face à un climat économique tendu
Découvrez l'état du climat économique en Occitanie à travers le baromètre 2025 de la CCI, avec des défis majeurs pour les entreprises.
« Nous sommes autant dans le dur que nous ne l’imaginions pas », confie Jean-François Rezeau, président de la CCI Occitanie. Fin 2025, les dirigeants régionaux jugent l’environnement économique anxiogène, avec une confiance en berne et des arbitrages reportés. L’industrie tient, portée par l’aéronautique. Les services et le commerce décrochent. Les attentes pour 2026 sont fortes, sur le logement, la demande et la trésorerie.
Occitanie 2025 : climat entrepreneurial sous tension
Le dernier baromètre de la CCI Occitanie, réalisé auprès de 3 000 dirigeants entre le 18 septembre et le 9 octobre 2025, livre une photographie claire : l’instabilité politique domine les préoccupations et gèle de nombreux projets. Les décisions d’investissement et d’embauche sont repoussées, faute de visibilité sur la demande, le coût du capital et les politiques publiques. Le diagnostic est transversal, qu’il s’agisse du commerce, de l’hôtellerie-restauration, des services aux entreprises ou du BTP.
Sur le terrain, les signaux macroéconomiques de milieu d’année en Occitanie ont été mieux orientés, mais sans dynamique robuste. Au deuxième trimestre 2025, la région a bénéficié d’un surcroît d’emplois salariés de l’ordre de 5 700 postes, principalement liés au tourisme. Cette embellie s’est toutefois estompée à la rentrée, en cohérence avec le sentiment de marché exprimé par les chefs d’entreprise.
Le parallèle national confirme cette lecture. En Pays de la Loire, l’emploi est quasi stable au premier trimestre 2025 et se replie légèrement de 0,1 %, signal d’une inflexion qui n’est pas propre à l’Occitanie et renvoie à une normalisation post-rebond.
Baromètre CCI Occitanie : ce que disent les dirigeants
- Confiance dégradée et attentisme sur les projets jugés non essentiels.
- Trésoreries fragilisées par la hausse des charges, des coûts opérationnels et les retards de paiement.
- Recrutement difficile dans la construction, l’hôtellerie-restauration et les services.
- Demande sous contrainte avec un pouvoir d’achat ménages érodé et une consommation hésitante.
Thermomètre conjoncturel 2025 en Occitanie
Points saillants relevés par la CCI et l’INSEE au premier semestre 2025 :
- Emploi en amélioration au T2 2025, avec environ 5 700 créations de postes grâce au tourisme.
- Activité industrielle plus résiliente, portée par l’aéronautique et ses sous-traitants.
- Rentrée économique plus difficile qu’attendu, recul d’activité au T3, marges comprimées.
Le décalage de projets reflète une aversion accrue au risque. Les dirigeants ajustent les capex vers des chantiers de productivité court terme, différant les programmes plus ambitieux. Cette prudence se traduit par un niveau d’engagement moindre, une renégociation des conditions fournisseurs et une sélection plus stricte des projets, ce qui contribue à ralentir la diffusion de l’investissement dans l’économie réelle.
Investissement, demande et trésorerie : le triangle de contraintes
La mécanique est connue, mais se renforce à l’automne 2025 : demande hésitante, coûts élevés, marges sous pression. Avec la baisse du pouvoir d’achat des ménages, la consommation recule et les carnets de commandes restent irréguliers.
Les dirigeants rapportent des retards de paiement qui s’allongent, ce qui met sous tension les lignes de crédit court terme. Les hausses de charges et certains coûts d’achats stabilisés à des niveaux supérieurs à 2019 continuent d’éroder les marges.
Au deuxième trimestre, la stabilisation de l’activité laissait entrevoir une reprise modérée. Le troisième trimestre a démenti ce scénario, avec une activité en retrait, des marges contractées et une trésorerie jugée insuffisante. La prudence est devenue la norme, notamment dans le commerce et les services aux entreprises.
Pouvoir d’achat en repli, consommation bridée
- Moindre fréquentation dans le commerce et l’hôtellerie-restauration.
- Arbitrages des ménages au détriment des dépenses discrétionnaires.
- Impact direct sur les stocks, les remises et les délais de rotation.
Retards de paiement et coûts opérationnels
- Allongement des délais clients et renchérissement des besoins en BFR.
- Coûts d’exploitation encore supérieurs à leur tendance pré-crise dans plusieurs métiers.
- BTP en alerte sur la réduction de certaines aides à la rénovation énergétique.
Une marge en baisse ne signifie pas toujours une trésorerie déficitaire, mais les deux se dégradent simultanément quand la demande ralentit et que les délais s’allongent. Le pilotage passe par une révision fine des prix, une priorisation des chantiers à cash positif et un suivi resserré du poste clients. Cette discipline est devenue déterminante en 2025 pour éviter l’effet ciseau.
Marché du travail : recrutement bloqué malgré les besoins
Le recrutement reste l’angle mort de 2025. Le déficit d’attractivité est aigu dans la construction, l’hôtellerie-restauration et les services. Les entreprises peinent à recruter aux niveaux de rémunération compatibles avec leurs marges. Cette situation persiste, bien que le printemps 2025 ait délivré un signal positif de l’emploi en Occitanie, notamment porté par le tourisme.
Construction, HCR et services : une équation salariale fragile
- Turnover élevé dans l’hôtellerie-restauration, avec des coûts de formation récurrents.
- Chantiers différés dans le BTP quand les équipes ne sont pas au complet.
- Services sous pression entre taux d’utilisation volatils et hausses salariales ciblées.
Rôle opérationnel de la CCI Occitanie sur l’emploi
La CCI Occitanie intensifie ses accompagnements RH : diagnostics 360 degrés, actions sur le management, les relations salariales et la marque employeur. Elle anime des temps forts sectoriels, dont le Mois de la Découverte des Métiers, afin de rapprocher besoins des entreprises et candidatures disponibles.
Politiques publiques et cadre budgétaire : des signaux contradictoires
Le gouvernement Lecornu II a retenu des mesures destinées à concilier gestion budgétaire et soutien à l’activité. Les entreprises notent certains allègements de charges et la poursuite de la trajectoire de suppression progressive de la CVAE à horizon 2028. Sur le terrain, l’appréciation reste mitigée, faute d’un choc de confiance ressenti par les dirigeants.
Jean-François Rezeau appelle à des actions plus puissantes sur la demande et le logement. Sa ligne directrice est simple : faire repartir la consommation, stabiliser la trésorerie des TPE-PME et accélérer les transitions créatrices de productivité. Dans son propos, la région fait preuve de résilience mais ne peut, seule, contrebalancer les vents contraires macroéconomiques.
CCI et PLF 2026 : un réseau d’appui sous pression
Le projet de loi de finances 2026 inclut une coupe budgétaire visant le réseau des CCI. La CCI Occitanie alerte sur un effort de l’ordre de 33 % au niveau national, soit 175 millions d’euros sur un total de 525 millions.
Cette contraction budgétaire est jugée paradoxale au moment où l’accompagnement des entreprises est le plus sollicité, notamment pour les transitions digitale et écologique. Le président de la CCI Occitanie affirme sa détermination à défendre les moyens du réseau, afin d’éviter une perte de capillarité économique en territoire.
Les CCI agissent comme catalyseur d’investissement immatériel : diagnostics, mise en relation, montée en compétences, diffusion d’outils. Réduire ces leviers dégrade l’accès des petites entreprises à l’information et aux bonnes pratiques, ralentit l’adoption d’outils numériques et fragilise la compétitivité hors prix. L’effet est d’autant plus sensible dans les territoires ruraux.
Calendrier de la facturation électronique et niveau de préparation
La réforme de la facturation électronique se déploiera en deux temps : au 1er septembre 2026 pour les grands groupes et ETI, puis au 1er septembre 2027 pour les TPE-PME. Selon les retours d’enquête, 74 % des entreprises se disent informées, 69 % déclarent disposer d’un logiciel compatible et 20 % émettent déjà plus de la moitié de leurs factures en format structuré. Un socle important utilise encore Excel, signe d’une transition inachevée et d’un besoin d’accompagnement accru.
Facturation électronique : étapes clés à anticiper
- Cartographier ses flux de facturation par typologie client et format.
- Choisir une solution compatible et sécurisée pour les formats structurés.
- Former les équipes comptables et commerciales à la nouvelle chaîne de traitement.
- Tester en mode pilote sur un périmètre réduit avant bascule générale.
La CCI Occitanie multiplie les sessions d’information et les diagnostics pour réduire les frictions à l’entrée.
Cartographie sectorielle : l’industrie tient, les services décrochent
L’industrie occitane reste la plus solide grâce à l’aéronautique et à ses sous-traitants. Les dirigeants industriels apparaissent plus optimistes que la moyenne, avec une confiance déclarée d’environ 38 %, contre 33 % tous secteurs confondus. Le BTP manifeste une reprise de confiance mesurée au troisième trimestre, alimentée par une stabilisation de chiffre d’affaires pour environ la moitié des entreprises par rapport à 2024, sans retrouver pour autant une trajectoire soutenue.
Ces signaux convergent avec les analyses nationales qui pointent la résilience de l’industrie manufacturière sur 2025, avec une hausse modérée de la valeur ajoutée malgré les chocs exogènes. L’industrie reste un amortisseur du cycle, mais ne compense pas la faiblesse de la demande dans les services.
Commerce et HCR : la demande manque de souffle
Le commerce affiche le niveau de confiance le plus faible. Plus d’une entreprise sur deux rapporte un recul du chiffre d’affaires au troisième trimestre 2025 par rapport à 2024.
Les HCR subissent la double peine d’une fréquentation en baisse et d’une sensibilité accrue aux arbitrages des ménages. Dans l’ensemble des services, les acteurs évoquent des budgets publics gelés, des contraintes fiscales ressenties et des difficultés persistantes à recruter.
Aéronautique, sous-traitants et BTP : les poches de solidité
- Aéronautique et supply chain : carnet d’activité soutenu, effets d’entraînement sur la mécanique, les composites et l’ingénierie.
- BTP : légère décrue des signaux négatifs au T3, mais inquiétude sur les dispositifs d’aide à la rénovation.
- Industrie manufacturière : trajectoire positive d’ensemble en 2025, en ligne avec l’évaluation nationale du premier semestre (Direction générale du Trésor).
La concentration d’acteurs majeurs et de sous-traitants denses en Occitanie crée une boucle locale d’investissements et de compétences. Les programmes aéronautiques amortissent le cycle par la visibilité des commandes et la nature capitalistique des projets. Cette « colonne vertébrale » technologique permet de maintenir un niveau d’activité élevé dans plusieurs bassins d’emploi.
Défaillances d’entreprises : alerte nationale, signaux contrastés en régions
Sur 2025, les défaillances d’entreprises en France sont estimées à la hausse, avec un point haut autour de 68 000 procédures au niveau national. Cette intensification traduit l’effet retard des charges accumulées, de la normalisation de la demande et des conditions financières plus strictes.
En Bretagne, les données sectorielles de ce trimestre montrent une résistance relative, alors que le score national atteint un niveau record sur l’année. Ces développements éclairent le risque diffus mais hétérogène d’un territoire à l’autre.
En Occitanie, la CCI relève des tensions ponctuelles dans certaines PME et ETI, mais ne constate pas de vagues de faillites massives générant des pertes d’emplois importantes. Le sujet est suivi de près par les réseaux bancaires, les assureurs-crédit et les filières les plus exposées aux retards de paiement.
Ce que regardent les dirigeants pour 2026
- Accès au crédit et coût des financements court et moyen terme.
- Vitesse de la demande au premier semestre, en particulier dans le commerce et les services.
- Arbitrages budgétaires sur les aides sectorielles, notamment rénovation énergétique.
Métriques de risque à surveiller au T1-T2 2026
- Délais clients et évolution du besoin en fonds de roulement.
- Taux de marge dans les services, indicateur avancé des défaillances.
- Niveau d’investissements différés dans le BTP et l’industrie.
Une montée des défaillances incite les banques à affiner leurs appétits de risque et les assureurs-crédit à durcir les lignes. Pour les fournisseurs, cela se traduit par des conditions de paiement plus restrictives et un monitoring accru des encours. Les directions financières doivent anticiper ces mouvements en renforçant le contrôle crédit et la diversification de portefeuille.
Capacité d’action locale : ce que la CCI Occitanie met sur la table
La CCI Occitanie intensifie ses dispositifs d’accompagnement en 2025. Elle propose des diagnostics 360 degrés sur la transformation digitale, l’IA, la décarbonation, la gestion de l’eau, le management et le dialogue social.
Une partie des accompagnements est facturée, environ 5 % des prestations cette année, le reste s’opérant via des dispositifs subventionnés ou des partenariats. L’objectif est d’outiller rapidement les dirigeants pour protéger la marge, simplifier les processus et générer des gains de productivité.
Le réseau consulaire mobilise également des actions de valorisation commerciale, notamment via les Trophées du Commerce, et d’orientation recrutement avec le Mois de la Découverte des Métiers. La CCI Occitanie indique par ailleurs préparer la coordination régionale du programme Territoires d’Industrie, avec une mise en œuvre attendue d’ici fin 2025, afin d’accélérer les transitions industrielles et l’ancrage des filières stratégiques.
Pourquoi ces actions ciblées comptent en 2026
- Digital et IA pour automatiser la facturation, accélérer l’encaissement et fiabiliser la donnée.
- Décarbonation pour réduire l’intensité énergétique et sécuriser la compétitivité long terme.
- RH pour contenir le turnover et stabiliser la qualité opérationnelle.
Le diagnostic doit déboucher sur un plan d’actions priorisé et chiffré. Trois leviers à systématiser : 1 prioriser les chantiers à ROI court, 2 sécuriser le financement des quick wins, 3 formaliser une trajectoire d’industrialisation des bonnes pratiques. La valeur vient de la mise en œuvre mesurable plutôt que du livrable seul.
Lecture nationale et régionales : points d’appui et angles morts
Au plan national, la Direction générale du Trésor a souligné une progression de l’industrie manufacturière de 0,5 % au premier semestre 2025 par rapport au second semestre 2024, indicateur de la résistance de la base industrielle malgré la complexité internationale. En miroir, l’INSEE relève que certaines zones, comme la Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2024, ont affiché un dynamisme en ralentissement, cohérent avec la normalisation post-rebond et la modération de la demande.
Pour l’Occitanie, le message clé demeure : industrie robuste, services fragiles, commerce en retrait. Les pressions sur les trésoreries et les décalages de capex imposent des arbitrages serrés. La granularité sectorielle sera déterminante sur 2026 : les filières à forte intensité technologique et à carnet long résistent mieux, tandis que les activités dépendantes de la dépense discrétionnaire des ménages ajustent plus brutalement.
Logement et consommation : leviers à effet multiplicateur
Les demandes formulées par les dirigeants convergent vers deux axes : un support au logement pour relancer des volumes d’activité dans le BTP et l’aménagement, et des mesures de pouvoir d’achat ciblées pour réactiver la consommation. L’objectif : casser l’attentisme et générer un effet d’entraînement sur l’ensemble de la chaîne de valeur, des fournisseurs aux distributions locales.
Deux chiffres nationaux qui cadrent le débat
- Industrie manufacturière : +0,5 % au S1 2025 vs. S2 2024, signal de résilience (Direction générale du Trésor).
- Pays de la Loire : emploi -0,1 % au T1 2025, indice d’une orientation nationale moins porteuse à la sortie de l’hiver.
2026, année de réparation ou d’attente prolongée
Les dirigeants d’Occitanie veulent un cap lisible. Les relais industriels limitent la casse, mais ne suffisent pas à compenser l’essoufflement des services et du commerce. 2026 sera une année test pour la confiance : ciblage des soutiens sur les secteurs fragiles, accélération de la facturation électronique, moyens adaptés pour les CCI et décisions rapides sur le logement et la consommation.
Sans clarification rapide des priorités publiques, l’économie régionale risque d’entretenir l’attentisme plutôt que d’orchestrer le rebond attendu.