Révélations comptables T1 2025 : SCOR en pleine progression
Une analyse approfondie des indicateurs clés de SCOR pour le premier trimestre 2025, avec un focus sur les stratégies d’optimisation et le ratio de solvabilité.

Tout se joue dans la capacité d’une entreprise à générer une croissance durable tout en maitrisant ses risques, surtout dans le secteur de la (ré)assurance. SCOR, réassureur de renommée mondiale, dévoile des résultats trimestriels (T1 2025) démontrant une solidité financière et une ambition stratégique. Analysons ensemble l’essentiel de ces performances, en les expliquant au mieux pour un public pas forcément familier avec la comptabilité.
Aperçu global des performances
SCOR clôt le premier trimestre 2025 avec un résultat net consolidé de 200 millions d’euros. Cet indicateur illustre la rentabilité après prise en compte de l’ensemble des charges (dont impôt sur les sociétés). Plusieurs points se détachent :
- Les revenus globaux d’assurance s’établissent à 4 063 millions d’euros.
- Les branches P&C (Biens et Responsabilités) et L&H (Vie et Santé) présentent des contributions favorables.
- Le taux de rendement des investissements (hors effets de valorisation sur l’option d’actions propres) atteint 3,8 %, soutenu par un portefeuille obligataire noté A+.
- La Valeur Économique du Groupe grimpe à 9 milliards d’euros.
- Le ratio de solvabilité progresse à 212 %, reflet d’une bonne capacité de SCOR à absorber les chocs imprévus.
Globalement, on observe une solidité financière qui ne semble pas affaiblie par les récents sinistres majeurs, tels que les incendies de Los Angeles.
Le RoE (Return on Equity, ou rentabilité des capitaux propres) indique le rendement obtenu sur les fonds investis par les actionnaires. Concrètement, c’est la proportion de bénéfices générés pour chaque euro de capitaux propres.
Principaux ratios financiers
Pour évaluer la performance d’une entreprise, on calcule des ratios permettant d’éclairer son efficacité opérationnelle et sa solidité. Ci-dessous, nous proposons une liste de ratios fondamentaux, leur formule et leur interprétation.
- Rentabilité nette = Résultat net / Revenus d’assurance.
Ici, en prenant un résultat net de 200 M€ et des revenus d’assurance de 4 063 M€, on obtient une rentabilité nette proche de 4,9 %. Cela signifie que SCOR dégage environ 4,9 % de bénéfice pour chaque euro de revenus d’assurance. - Marge d’exploitation (ou marge opérationnelle) = Résultat des activités d’assurance / Revenus d’assurance.
Le résultat des activités d’assurance atteint 324 M€ (sur la base des comptes fournis) pour un chiffre d’affaires de 4 063 M€. La marge s’établit donc autour de 8 %. Ce ratio met en avant la performance opérationnelle avant impôts et intérêts. - Taux de rendement des actifs = Produits financiers / Total des actifs investis.
Avec 226 M€ de produits financiers pour 24,33 Mds€ d’actifs investis, ce taux ressort à environ 3,8 %, ce qui correspond également au rendement global des placements. Cette performance est en progression par rapport à 2024. - Ratio d’endettement = Dette subordonnée / (Capitaux propres + marge de service contractuelle – intérêts minoritaires).
Il ressort à 23,6 %. En dépit d’une légère baisse de 0,9 point, il demeure soutenable, indiquant que SCOR ne présente pas une charge excessive de dettes par rapport à sa base de capitaux et de réserves.
La formule de la marge d’exploitation est la suivante : (Résultat opérationnel / Chiffre d’affaires) x 100. Ici, le résultat opérationnel peut être assimilé au résultat des activités d’assurance publié par l’entreprise, bien que certains analystes préfèrent y inclure d’autres données financières.
La rentabilité globale demeure solide, témoignant de la capacité de SCOR à absorber des événements climatiques majeurs comme les incendies de Los Angeles.
Performance de la branche P&C (Biens et Responsabilités)
Le segment P&C comprend les contrats qui couvrent les dommages aux biens et aux responsabilités civiles. C’est souvent ici qu’apparaissent les plus fortes amplitudes de sinistres, notamment en cas de catastrophes naturelles ou d’incendies massifs.
Quelques données-clés pour le T1 2025 :
- Revenus P&C : 1 858 M€ (contre 1 837 M€ au T1 2024)
- Résultat des activités d’assurance P&C : 205 M€
- Ratio combiné : 85,0 % (contre 87,1 % au T1 2024)
- Marge sur services contractuels (CSM) – nouvelles affaires : 710 M€
Zoom sur le ratio combiné
Le ratio combiné P&C combine la charge de sinistralité et les frais afférents aux primes encaissées. Plus il est bas (en dessous de 100 %), plus l’assureur ou le réassureur dégage de la rentabilité technique sur son portefeuille.
Avec un ratio combiné de 85 %, SCOR reste à un niveau d’excellence malgré l’impact des incendies de Los Angeles (environ 10,8 points de catastrophe naturelle). Cela reflète notamment un ratio attritionnel (sinistres de fréquence) maîtrisé à 74,7 % et un pilotage rigoureux des coûts et de la tarification. La constitution de plus de prudence se traduit par une approche conservative dans l’évaluation des sinistres futurs.
Le résultat des activités d’assurance P&C (205 M€) provient principalement de l’amortissement de la CSM à hauteur de 255 M€, de l’ajustement pour risque de 40 M€, partiellement contrebalancés par un écart d’expérience négatif à –95 M€ (en partie lié à la survenance d’événements climatiques plus élevés que la moyenne attendue).
Performance de la branche L&H (Vie et Santé)
La branche L&H (Life & Health) couvre les risques liés à la mortalité, la morbidité et parfois l’épargne-retraite. Ici, la rentabilité dépend souvent des tables de mortalité réelles par rapport aux hypothèses, ainsi que des rendements financiers sur certains produits d’épargne ou de placement (soumis à IFRS 9 dans certains cas).
Points saillants au T1 2025 :
- Revenus d’assurance L&H : 2 205 M€ (contre 2 276 M€)
- Résultat des activités d’assurance L&H : 118 M€, soit +64,9 % par rapport au T1 précédent
- CSM sur nouvelles affaires L&H : 76 M€
En dépit d’une baisse nominale de 3,1 % des revenus (ou –5,8 % à taux de change constants), le résultat des activités L&H s’améliore sensiblement grâce à :
- Un amortissement de CSM de 86 M€
- La libération de l’ajustement pour risque à 32 M€
- Un écart d’expérience neutre, d’où l’absence d’impact significatif d’événements liés à la mortalité imprévue
La nouvelle stratégie de sélection de risques et la tarification plus exigeante semblent porter leurs fruits. Néanmoins, la CSM sur nouvelles affaires (76 M€) recule d’environ 32 % par rapport à l’an passé, illustrant un rééquilibrage du portefeuille avec des seuils de rentabilité plus élevés.
Les investissements : un atout financier majeur
L’allocation de portefeuille de SCOR démontre une prédominance d’obligations (79 % des actifs). Cette orientation confère de la stabilité, en particulier dans un contexte de remontée des taux d’intérêt. Les faits marquants :
- Actifs investis : 24,33 Mds€
- Taux de rendement courant : 3,5 %
- Taux de rendement global : 3,8 % (après prise en compte d’effets de valorisation, hors impact de l’option sur actions propres)
- Taux de réinvestissement : 4,3 %, en baisse par rapport aux 4,5 % fin 2024
Cette stratégie d’investissement reflète la volonté de sécuriser des flux de trésorerie, tout en profitant d’opportunités de marché plus rémunératrices à moyen terme, notamment sur la partie obligataire. Le portefeuille demeure extrêmement liquide, avec environ 9 milliards d’euros de cash-flows attendus dans les 24 mois à venir.
L’application d’IFRS 17 modifie la reconnaissance des revenus et la valorisation des passifs d’assurance. Les écarts de valorisation sur les actifs (IFRS 9) et les passifs (IFRS 17) doivent être traduits dans le compte de résultat ou dans les capitaux propres. Cela peut occasionner des résultats trimestriels plus volatils.
Valeur Économique et marge sur services contractuels
La Valeur Économique (VE) atteint 9,0 Mds€ au 31 mars 2025, contre 8,6 Mds€ fin 2024. Cette hausse de +6,8 % (à hypothèses économiques constantes) résulte d’une bonne génération de capital opérationnel et de la poursuite de la montée en puissance de la marge sur services contractuels (CSM). La VE par action se hisse à 50,53 €, contre 48,03 € précédemment.
La CSM globale, qui inclut la valeur actualisée des futurs profits d’assurance vie et non vie (selon IFRS 17), s’élève à 4 453 M€ pour le groupe. C’est l’un des piliers pour absorber les fluctuations de résultats d’un trimestre à l’autre.
Solvabilité renforcée
Le ratio de solvabilité de SCOR s’établit à 212 % au 31 mars 2025. Cela traduit l’excédent de fonds propres et de ressources éligibles pour respecter les exigences réglementaires de Solvabilité II (marge de solvabilité). L’augmentation de 2 points depuis la fin 2024 reflète :
- Un résultat net positif et la hausse de la Valeur Économique
- La prise en compte du dividende provisionné (1,8 € par action, versé au titre de 2024)
La robustesse du ratio s’explique par l’orientation prudente de la souscription. SCOR reste capable de faire face à des chocs extrêmes (catastrophes naturelles, crises financières) grâce à cette marge de sécurité.
L'importance du ratio de solvabilité
Un ratio de solvabilité élevé rassure les clients, les investisseurs et les régulateurs, indiquant la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements en cas de crises ou de sinistres massifs.
Renouvellements de traités P&C en avril 2025
Les renouvellements d’avril ne représentent qu’environ 12 % du portefeuille annuel, mais ils sont cruciaux pour valider la tendance tarifaire. Les faits saillants :
- La croissance de l’EGPI (Ensemble des Grands Programmes Internationaux) ressort à +1,5 %, principalement portée par le pôle « Alternative Solutions » (+33 %).
- Les lignes spécialisées (Specialty) progressent de +3,8 %, grâce à la dynamique de la branche « Marine ».
- L’exposition aux lignes de responsabilité américaines diminue encore, dans un marché où la concurrence s’accentue.
La rentabilité technique sur le segment renouvelé baisse d’environ 1 point, conséquence d’une concurrence accrue. Cependant, SCOR estime la baisse de rentabilité sur l’ensemble des renouvellements de l’année à moins de 0,5 point. La réassurance P&C, bien qu’exposée aux caprices de la nature, reste globalement attractive pour le groupe, grâce à une segmentation poussée et un pilotage discipliné.
Indicateur |
T1 2025 | T1 2024 | Variation | Commentaire |
Revenus d’assurance |
4 063 M€ | 4 113 M€ | -1,2 % | Léger retrait de l’activité globale |
Résultat net | 200 M€ | 196 M€ | +1,7 % | Résultats en amélioration |
RoE annualisé | 18,7 % | 17,3 % | +1,4 pt | Rentabilité actionnariale confortable |
Forces et axes d’amélioration
SCOR présente plusieurs forces notables :
- Un taux de solvabilité solide à 212 %, renforcé par une gestion prudente du capital.
- Une rentabilité des capitaux propres élevée (RoE à 18,7 %).
- Un pilotage actif du portefeuille P&C qui maintient un ratio combiné inférieur à 90 %. Cela démontre une efficacité dans la sélection des risques et la maîtrise des sinistres.
- Une stratégie d’investissement orientée vers la stabilité, favorisée par une bonne allocation en obligations de qualité.
A contrario, quelques points d’attention :
- Une légère baisse du chiffre d’affaires global, principalement liée à la diminution de la réassurance aux États-Unis sur certaines lignes de responsabilité.
- Une CSM sur nouvelles affaires L&H en baisse, traduisant un choix délibéré de se focaliser sur la rentabilité plutôt que la simple croissance du volume.
- Un coût des événements climatiques (incendies majeurs) qui reste l’une des grandes sources d’incertitude pour l’avenir.
Dans l’ensemble, la situation demeure solide et le groupe se dit prêt à poursuivre une expansion sélective pour l’exercice 2025.
Recommandations et leviers de progression
Malgré la bonne santé affichée, plusieurs pistes d’action peuvent être envisagées pour renforcer encore la position de SCOR :
- Maintenir l’approche prudente sur les risques climatiques. Les récents incendies de Los Angeles ont confirmé la nécessité de pricing adéquat et de réserves suffisantes pour faire face à ces événements souvent coûteux.
- Améliorer la diversification géographique. Il peut être stratégique de renforcer l’implantation sur des marchés moins exposés aux sinistres « peak » (pics de risques).
- Optimiser le mix-produit L&H. Les nouveaux seuils de rentabilité se traduisent déjà par une baisse de la CSM sur affaires nouvelles, mais c’est un mal nécessaire pour préserver l’équilibre économique sur le long terme.
- Intensifier la digitalisation. Offrir plus de services numériques accélère la gestion des sinistres et peut contribuer à diminuer la charge administrative.
La CSM (Contractual Service Margin) est la composante de marge liée à la fourniture continue de services d’assurance. Elle représente la rentabilité attendue des contrats encore en cours. Son amortissement dans le temps vient alimenter la reconnaissance progressive des revenus d’assurance.
Qui est SCOR ?
SCOR est né dans les années 1970 et fait aujourd’hui partie des dix plus grands réassureurs au monde. Son champ d’action couvre plus de 150 pays, au service d’assureurs et de grands groupes. La société est cotée sur Euronext Paris. Chaque année, SCOR traite des milliards d’euros de primes, répartis entre les activités Biens & Responsabilités, Vie & Santé.
Le modèle économique de SCOR repose sur :
- La prise de risques diversifiée : catastrophes naturelles, santé, mortalité, dommages…
- L’anticipation des sinistres, grâce à la modélisation statistique et à la recherche continue.
- L’investissement judicieux des primes perçues pour générer un rendement complémentaire.
Perspectives pour la suite
Les perspectives de SCOR pour le reste de l’année 2025 s’annoncent positives, bien que le marché de la réassurance demeure sensible aux aléas climatiques et aux soubresauts économiques. La solidité capitalistique du groupe, associée à un ratio de solvabilité de 212 %, constitue un confortable matelas. L’objectif affiché reste d’allier discipline de souscription, rentabilité technique de haut niveau et progression sélective sur les marchés en croissance.
On peut donc s’attendre à une modération de la concurrence sur les branches les plus exposées aux sinistres, ce qui est favorable à la revalorisation tarifaire. Si la fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles se maintiennent dans des fourchettes historiques, SCOR pourrait poursuivre son trend haussier et consolider sa position de réassureur mondial de premier plan.
Ce panorama met en évidence la résilience de SCOR, soutenue par une gouvernance stricte, une politique d’investissement robuste et un pilotage technique qui privilégie la marge sur la simple croissance du chiffre d’affaires.