Diagnostic Financier : LVMH et Hermès à la loupe en 2024
Explorez la rivalité LVMH-Hermès : chiffres, marges et leviers pour 2025, en clair et sans jargon
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Analyse croisée des résultats financiers 2024 : LVMH et Hermès face à face
Les amateurs de luxe ne se contentent plus de belles vitrines et d’étoffes précieuses : ils veulent aussi comprendre la santé financière des grands groupes qui façonnent le marché. L’exercice 2024 a offert un nouveau panorama contrasté : LVMH, géant incontournable avec près de 84,7 milliards d’euros de ventes, et Hermès, plus focalisé et exclusif, dont le chiffre d’affaires atteint 15,2 milliards d’euros. Quel est le bilan de leur année ? Et, surtout, que nous apprennent ces chiffres sur la dynamique de la demande et sur les tendances structurelles du secteur ? Plongez dans cette analyse comparative pour y voir plus clair.
Deux parcours financiers, un même univers du luxe
Le luxe français se caractérise depuis des décennies par son rayonnement international. Deux acteurs dominent tout particulièrement : LVMH, avec un portefeuille de marques très diversifié (Mode & Maroquinerie, Parfums & Cosmétiques, Vins & Spiritueux, Montres & Joaillerie, Distribution sélective, etc.) et Hermès, réputé pour sa sellerie, son cuir et ses collections haut de gamme, au positionnement ultra-exclusif.
Alors que LVMH publie un chiffre d’affaires de 84,7 milliards d’euros et un résultat opérationnel de 19,6 milliards d’euros, Hermès annonce 15,2 milliards d’euros de ventes et 6,2 milliards d’euros de résultat d’exploitation.
Ce dernier représente plus de 40 % du chiffre d’affaires, un ratio rarissime dans le secteur.
De son côté, LVMH affiche une marge opérationnelle de 23,1 %, déjà élevée au regard de la plupart des industries, mais nettement inférieure à celle d’Hermès. En s’appuyant sur ces données, nous allons étudier et comparer la solidité financière des deux groupes, décrypter leurs stratégies et faire ressortir les grands enjeux pour 2025.
Nous verrons également comment ces performances s’insèrent dans un contexte mondial toujours marqué par des fluctuations monétaires, des évolutions géopolitiques et un intérêt croissant pour la durabilité.
Ventes et croissance : LVMH au sommet, Hermès en pleine accélération
En tête du marché mondial du luxe en termes de chiffre d’affaires, LVMH réalise en 2024 des ventes avoisinant 84,7 milliards d’euros. Cette évolution représente une croissance organique de +1 % et une baisse de -2 % en données publiées, du fait notamment des effets de change défavorables. En revanche, Hermès se distingue par une croissance plus robuste de +15 % à taux de change constants (+13 % en données réelles). Si, en valeur absolue, la taille de LVMH demeure bien supérieure, Hermès continue d’étonner par sa vélocité et sa capacité à maintenir une dynamique forte.
Ces disparités s’expliquent notamment par :
- La diversification : LVMH couvre un large éventail d’activités, certaines plus sensibles à la conjoncture (Vins & Spiritueux, distribution duty-free), ce qui peut freiner sa croissance organique.
- L’exclusivité d’Hermès : Cette Maison maintient un niveau de rareté élevé sur ses gammes de sacs, prêt-à-porter ou selliers, ce qui décuple la demande et l’attrait pour ses produits, même en période incertaine.
- L’impact des devises : LVMH subit plus durement l’effet euro fort/dollar faible par rapport à Hermès, surtout sur des volumes massifs aux États-Unis.
Concrètement, LVMH profite de sa puissance globale pour maintenir son leadership mondial, tandis qu’Hermès capitalise sur une image d’artisanat haut de gamme, alimentant une croissance supérieure à la moyenne. Si cette dynamique se confirme, Hermès pourrait continuer d’augmenter ses parts de marché, surtout auprès d’une clientèle fortunée asiatique ou américaine en quête d’authenticité et de pièces rares.
La croissance organique exclut les effets liés aux variations de périmètre et de taux de change. Elle reflète la progression “réelle” du chiffre d’affaires tirée de l’activité opérationnelle, sans être faussée par des acquisitions ou des écarts de change.
Marges opérationnelles : l’incroyable rentabilité d’Hermès vs. la puissance de LVMH
Les marges constituent sans doute l’indicateur le plus révélateur de la création de valeur dans l’industrie du luxe. Hermès l’illustre parfaitement :
- Chiffre d’affaires : 15,2 milliards d’euros
- Résultat opérationnel (recurring operating income) : 6,2 milliards d’euros
- Marge d’exploitation : 40,5 %
Pour LVMH, avec un résultat opérationnel courant de 19,6 milliards d’euros sur 84,7 milliards, la marge d’exploitation s’élève à 23,1 %. Dans la plupart des secteurs, franchir la barre des 20 % relève déjà de l’excellent niveau. La comparaison avec Hermès met toutefois en lumière la capacité exceptionnelle de cette dernière à obtenir des marges nettement plus élevées, signe d’un business model hyper-sélectif, d’une structure de coûts rigoureusement maîtrisée et d’un contrôle sur la production qui évite la banalisation du produit.
Qu’est-ce qui sous-tend cette rentabilité d’Hermès ? Leur stratégie repose sur :
- Un savoir-faire artisanal difficilement reproductible à grande échelle : la sellerie et la maroquinerie Hermès sont fabriquées dans des ateliers de production localisés en France, avec un recours massif à des artisans formés en interne.
- Des volumes limités assurant une rareté persistante : Hermès pourrait vendre plus de sacs, mais préfère en contrôler la diffusion pour soutenir la désirabilité et maintenir le prix élevé.
- Des dépenses marketing sélectives : Hermès choisit soigneusement ses canaux de communication, évitant la course au marketing de masse et se concentrant sur l’expérience-client et la mise en avant de l’exceptionnalité.
En contrepoint, LVMH tire sa force d’une plus grande diversification, même si cela dilue en partie la marge globale. Le groupe compense par des volumes plus importants et une exposition à davantage de segments de clientèle. Cette assise lui donne une certaine résilience financière, particulièrement utile si un pôle traverse une phase de ralentissement.
Résultat net et distributions aux actionnaires : l’attrait du luxe pour la Bourse
Pour 2024, Hermès a réalisé un bénéfice net (part du Groupe) de 4,6 milliards d’euros, soit environ 30,3 % du chiffre d’affaires. C’est un ratio très élevé, preuve de la solide rentabilité finale de la maison. LVMH dégage quant à lui un résultat net part du Groupe de 12,6 milliards d’euros, pour un ratio d’environ 14,8 %. Sur le plan boursier, les deux groupes restent plébiscités par les investisseurs. Hermès prévoit de proposer en 2025 un dividende de 16 € par action, assorti d’un dividende exceptionnel de 10 € supplémentaires. LVMH, pour sa part, annonce un dividende de 13 € par action (dont 5,50 € d’acompte). Les actionnaires apprécient cette générosité, renforçant l’attrait des deux titres sur le marché. Pour un public non spécialiste, retenons que :
- La capacité à générer du cash flow (free cash flow) est un indicateur clé. Hermès affiche un adjusted free cash flow de 3,8 milliards d’euros, en hausse de +18 %. LVMH, de son côté, atteint 10,5 milliards d’euros de cash flow disponible, soit +29 %.
- L’orientation stratégie-investissement : plus une entreprise investit dans ses filiales, boutiques et logistique, plus elle prépare son expansion future. Les deux groupes continuent de déployer des investissements conséquents (Hermès : 1,1 milliard d’euros en “operational investments” ; LVMH : 5,5 milliards d’euros).
Bon à savoir : le free cash flow
Le free cash flow (ou flux de trésorerie disponible) indique la trésorerie générée par l’entreprise après avoir couvert ses dépenses opérationnelles et ses investissements courants. Plus il est élevé, plus la société dispose de ressources pour verser des dividendes, racheter des actions, se lancer dans des acquisitions ou réaliser des investissements stratégiques.
Zoom sur l’activité : qu’est-ce qui fait tourner LVMH et Hermès ?
Il est intéressant de se pencher sur les segments qui composent la performance de chaque groupe. Pour LVMH :
- Mode & Maroquinerie : 41 milliards d’euros de CA (quasi-stable en organique), marge opérationnelle très élevée. Les marques phares (Louis Vuitton, Dior) restent motrices.
- Vins & Spiritueux : En repli de -8 % en organique (5,9 milliards d’euros de CA), pénalisé par une demande plus faible aux USA et le ralentissement chinois.
- Parfums & Cosmétiques : 8,4 milliards d’euros (+4 % org.). Le succès de Dior (Sauvage, Miss Dior) et de Fenty Beauty porte la croissance.
- Montres & Joaillerie : 10,6 milliards d’euros (-2 %), avec notamment Tiffany & Co. et Bulgari. Investissements importants pour soutenir la rénovation de boutiques et la communication.
- Distribution sélective : 18,3 milliards d’euros (+6 %), avec une belle performance de Sephora, mais DFS reste freiné par le trafic touristique encore irrégulier.
Chez Hermès, la répartition est plus restreinte mais focalisée :
- Leather Goods & Saddlery : +18 % à taux constants. Avec plus de 6,4 milliards d’euros, cette activité représente le pilier historique et ultra-rentable de la Maison.
- Ready-to-wear & Accessories : +15 %. Regroupe le prêt-à-porter féminin et masculin, les chaussures, ceintures, etc.
- Silk & Textiles : +4 %. Segment emblématique avec les célèbres carrés de soie.
- Parfums & Beauté : +9 %. Les lancements comme Barénia soutiennent la croissance, aux côtés de Terre d’Hermès.
- Watches : -4 %. Une contre-performance relative, après une base de comparaison élevée.
- Autres secteurs (Jewellery, Art de Vivre, etc.) : +17 %. Croissance constante, soutenue par les collections de haute joaillerie.
Cette comparaison directe illustre la différence de stratégie : LVMH mise sur plusieurs piliers, tandis qu’Hermès s’appuie principalement sur la maroquinerie-sellerie (le “cœur” de la marque) et des lignes complémentaires soigneusement orchestrées. LVMH veut capter tous les segments du luxe, Hermès préfère magnifier un seul univers dans ses différentes déclinaisons.
On parle de base de comparaison élevée quand la période précédente a connu une croissance ou un niveau de ventes anormalement élevé. Cela rend plus difficile d’afficher une nouvelle hausse de ventes, car le seuil à dépasser est déjà très haut.
Performances régionales : Asie, Europe, Amériques
Les deux groupes affichent de bonnes performances sur l’ensemble des grandes zones géographiques, avec toutefois quelques nuances :
- LVMH :
- États-Unis : croissance solide, malgré un léger ralentissement de la demande sur les spiritueux et la maroquinerie.
- Asie (hors Japon) : la reprise post-Covid s’est affirmée, notamment grâce aux dépenses de la clientèle chinoise. Toutefois, le marché chinois sur place demeure en demi-teinte par rapport à l’activité des touristes chinois en Europe.
- Japon : progression à deux chiffres, tirée par une forte appétence de la clientèle locale pour le luxe occidental.
- Europe : profite du tourisme, particulièrement à Paris, Londres, Milan, etc.
- Hermès :
- Asie hors Japon : +7 %, impacté par la diminution du trafic en Chine continentale après le premier trimestre. Toutefois, la boutique de Shenyang a rouvert en décembre.
- Japon : +23 %. Une croissance régulière, soutenue par la fidélité des clients japonais.
- Amériques : +15 %, renforcé par la réouverture de la boutique d’Atlanta et l’expansion sur la côte Est américaine.
- Europe (hors France) : +19 %, dynamisé par le tourisme et une demande locale soutenue. La France progresse de +13 %, avec l’ouverture d’un nouveau magasin à Lille et la rénovation de celui de Nantes.
Si l’on compare, Hermès semble bénéficier particulièrement du marché japonais et du regain de l’Amérique, tandis que LVMH, plus diversifié, subit l’effet “mix” : certaines marques compensent le ralentissement d’autres pôles. Pour les deux, l’Asie demeure le principal relais de croissance à moyen terme, bien que fragile en raison des tensions économiques et politiques.
Responsabilité sociétale et environnementale : deux approches engagées
Le secteur du luxe doit aujourd’hui composer avec de fortes attentes en matière de développement durable, d’éthique et de transparence. Sur ce plan, LVMH et Hermès veulent tous deux être exemplaires.
Les initiatives de LVMH
Avec son programme LIFE 360, LVMH s’est fixé plusieurs objectifs ambitieux :
- 31 % des matières premières proviennent de procédés de recyclage ou de matériaux recyclés.
- Réduction de 55 % en absolu des émissions de GES liées à la consommation énergétique (scope 1 & 2) par rapport à 2019.
- Préservation de la biodiversité : 3,8 millions d’hectares restaurés ou régénérés, objectif de 5 millions d’ici 2030.
- Usage plus responsable de l’eau avec une baisse de 10 % des prélèvements (objectif -30 % d’ici 2030).
Le groupe investit par ailleurs dans de nombreux projets culturels et de mécénat (Notre-Dame de Paris, Fondation Louis Vuitton, etc.), illustrant sa volonté de conjuguer rayonnement artistique et engagement environnemental.
Les engagements d’Hermès
De son côté, Hermès met en avant son modèle artisanal intégré, avec plus de la moitié de ses productions fabriquées en France. La Maison souligne également :
- Une réduction de 63,7 % des émissions (scopes 1 & 2) depuis 2018, validée par le Science Based Target initiative (SBTi).
- Une hausse de ses effectifs de plus de 2 300 salariés en 2024, dont 1 300 en France, signifiant un ancrage local fort.
- Un taux d’emploi direct de personnes en situation de handicap de 7,12 % en France, doublé en 5 ans.
- La récompense “Grand Prix in all categories” aux Transparency Awards, ainsi qu’une note ESG en forte progression (+11 points S&P ESG rating).
Au-delà des chiffres, la plupart des investissements environnementaux d’Hermès s’inscrivent dans une logique de long terme : préserver la qualité de ses approvisionnements (cuirs, soies, etc.), préserver son ancrage local (multiplication d’ateliers) et minimiser son empreinte carbone. En somme, les deux acteurs se positionnent sur le terrain de la responsabilité, y voyant un levier complémentaire pour attirer et fidéliser une clientèle désormais sensible à l’impact écologique du luxe.
Le luxe s’appuie sur l’idée de rareté et d’excellence. Or, la raréfaction des ressources (cuirs de haute qualité, peaux exotiques, etc.) impose une approche durable. De plus, la clientèle haut de gamme, souvent cultivée et connectée, est très attentive aux pratiques éthiques, environnementales et sociales des marques.
Analyse financière et ratios clés : LVMH vs. Hermès
Marge brute
Pour LVMH, la marge brute (Ventes – Coût des ventes) ÷ Ventes est d’environ 67 %. Hermès n’indique pas directement ce ratio dans son communiqué, mais compte tenu de sa marge opérationnelle élevée, on peut supposer que sa marge brute est supérieure. Les gammes Hermès affichent des prix unitaires très élevés, avec un coût de revient maîtrisé grâce à une organisation artisanale parfaitement huilée.
Marge d’exploitation (EBIT Margin)
- LVMH : 23,1 %
- Hermès : 40,5 %
Le contraste est net : Hermès surperforme, tout en restant sur un modèle plus réduit (gamme concentrée, production en interne, etc.). LVMH, lui, mutualise ses investissements sur plusieurs marchés, ce qui baisse mécaniquement la rentabilité moyenne.
Rentabilité nette
- LVMH : environ 14,8 % (12,6 Mds € / 84,7 Mds €)
- Hermès : 30,3 % (4,6 Mds € / 15,2 Mds €)
Hermès réussit donc à convertir près d’un tiers de ses ventes en bénéfice final, ce qui témoigne d’un modèle d’excellence presque unique dans le monde.
Ratios de trésorerie et d’endettement
- LVMH : dette financière nette à 9,2 milliards d’euros, capitaux propres à 69,3 milliards d’euros, soit un endettement relativement faible au regard de la taille du groupe. Free cash flow disponible de 10,5 milliards, en hausse de 29 %.
- Hermès : position de trésorerie nette (restated net cash position) à 12,0 milliards d’euros, pour 17,3 milliards de capitaux propres. Le groupe reste quasi “désendetté” et cumule des réserves importantes, ce qui lui procure une grande liberté d’action.
Ces indicateurs soulignent la solidité financière des deux groupes. LVMH peut se permettre des acquisitions ou des investissements massifs, tandis qu’Hermès bénéficie d’un trésor de guerre qui lui permet d’envisager l’avenir sans contrainte financière majeure.
Forces, faiblesses, opportunités et menaces : un aperçu SWOT
Pour résumer, un rapide coup d’œil aux forces et faiblesses (internes) ainsi qu’aux opportunités et menaces (externes) des deux géants :
LVMH
Forces
- Diversification sectorielle, gage de résilience
- Capacité d’investissement élevée
- Marques iconiques (Louis Vuitton, Dior, etc.)
- Présence géographique mondiale équilibrée
Faiblesses
- Exposition à des activités cycliques (DFS, Vins & Spiritueux)
- Moindre exclusivité que Hermès, potentielle érosion de la marge
- Effets de change défavorables sur un volume d’affaires massif
Opportunités
- Développement de l’e-commerce et de l’omnicanal
- Marchés émergents (Asie du Sud-Est, Afrique)
- Acquisitions ciblées pour renforcer certaines activités
Menaces
- Concurrence accrue d’autres groupes (Kering, Richemont) et de marques indépendantes
- Tensions géopolitiques (barrières douanières, taxes)
- Risque d’image en cas de polémique ou de retard sur les questions RSE
Hermès
Forces
- Positionnement ultra-premium, marge exceptionnelle
- Modèle artisanal unique, difficile à copier
- Image de marque infaillible, forte désirabilité
- Clientèle fidèle et peu sensible aux prix
Faiblesses
- Dépendance majeure à la maroquinerie
- Moins de diversification, ce qui peut freiner la croissance en cas de saturation sur certains segments
- Volumes limités (constamment en pénurie organisée), potentielle frustration des consommateurs
Opportunités
- Poursuivre la montée en gamme (Haute Joaillerie, etc.)
- Accroître sa présence en Asie et aux États-Unis
- Renforcer le digital pour diversifier l’expérience-client
Menaces
- Pression sur les ressources (cuirs de haute qualité)
- Contrefaçon, un fléau coûteux pour l’image
- Ralentissement économique ciblé sur des marchés clefs (Chine, USA)
Recommandations stratégiques et perspectives
Pistes pour LVMH
- Accentuer l’ultra-luxe : même si LVMH est déjà haut de gamme, se rapprocher davantage du niveau d’exclusivité d’Hermès pourrait améliorer la marge. Par exemple, en développant des gammes hyper-limités chez Louis Vuitton, Dior ou Fendi.
- Renforcer la gestion des changes : une part importante de ses revenus étant en dollars ou en yuan, perfectionner les couvertures de change ou ajuster plus finement les grilles tarifaires pourrait limiter l’impact négatif sur la rentabilité.
- Optimiser la distribution sélective : DFS subit encore les conséquences de la baisse des flux touristiques. Mieux repositionner ces enseignes, miser sur des concepts premium, digitaliser davantage l’expérience d’achat.
- Capitaliser sur la RSE : accroître la transparence et renforcer la durabilité des produits permettrait de toucher un public plus jeune, sensible à l’impact environnemental.
Pistes pour Hermès
- Maintenir la rareté maîtrisée : la tentation de produire plus pour répondre à la demande est forte, mais la stratégie d’exclusivité est le cœur de l’ADN Hermès. L’équilibre reste crucial.
- Renforcer le digital : bien qu’extrêmement sélectif, Hermès peut investir davantage dans des expériences en ligne personnalisées, notamment pour attirer les nouveaux consommateurs asiatiques.
- Diversifier légèrement : la dépendance à la maroquinerie peut être partiellement compensée par des lignes annexes (joaillerie, beauté) sans diluer l’image globale, à condition de veiller à la cohérence globale.
- Consolider la relation client : proposer encore plus de services post-achat, d’ateliers de personnalisation, d’événements exclusifs pour entretenir l’aspect “maison familiale” et la fidélité de la clientèle.
Bon à savoir : diversification vs. focalisation
Hermès choisit la focalisation : se concentrer sur une clientèle capable de payer cher pour un produit extrêmement qualitatif et très rare. LVMH opte pour la diversification : multiplier les marques et segments pour capter le plus grand nombre de clients du luxe. Les deux stratégies fonctionnent, mais induisent des niveaux de rentabilité différents.
L’histoire et la philosophie : entre héritage et modernité
L’ADN de ces deux groupes remonte à des racines anciennes :
- Hermès : Fondée en 1837, la Maison s’est spécialisée d’abord dans la sellerie et la maroquinerie, puis a progressivement élargi sa gamme (soie, prêt-à-porter, parfums…). Son identité reste profondément liée à l’artisanat traditionnel français, la qualité irréprochable et un rituel de fabrication presque confidentiel.
- LVMH : Né de la fusion en 1987 entre Louis Vuitton, Moët & Chandon et Hennessy, le groupe s’est étoffé au fil des années par des acquisitions multiples (Christian Dior, Fendi, Bulgari, Tiffany & Co., etc.). Sa philosophie est d’agréger des Maisons prestigieuses tout en respectant leur ADN, et d’en décupler l’essor via un marketing mondial et une présence internationale forte.
Sur le plan culturel, Hermès cultive l’image d’une maison familiale, discrète, alors que LVMH incarne le fleuron du luxe institutionnalisé. Cette différence se retrouve dans la communication, dans le mode d’exposition médiatique et dans la façon dont chaque groupe aborde le “storytelling”.
Comment expliquer cette divergence de performances ?
En observant les chiffres, certains s’interrogent : “Pourquoi Hermès affiche-t-il un taux de rentabilité deux fois supérieur à celui de LVMH ?” Les réponses sont multiples :
- Segment client : Hermès s’adresse à une frange de clientèle moins élastique au prix. Cette clientèle est prête à attendre des mois pour un sac Birkin, à accepter des hausses de prix régulières, et associe Hermès à un art de vivre quasi exclusif.
- Stratégie d’offre réduite : Hermès ne sort pas pléthore de modèles dans des volumes gigantesques. Au contraire, la marque préserve la rareté, ce qui soutient la marge et stimule la demande.
- Gouvernance familiale : la famille Hermès reste influente, préservant ainsi une certaine cohérence et limitant la pression pour la croissance “à tout prix”.
- Coût de structure maîtrisé : malgré des salaires élevés pour les artisans, Hermès n’a pas de dépenses de marketing comparables aux autres grands du luxe, ni de multiplicité de branches déficitaires.
À l’inverse, LVMH doit veiller à faire grandir simultanément des pôles comme la distribution sélective (Sephora, DFS), plus gourmands en investissements, ou encore les Vins & Spiritueux, très dépendants de la demande internationale (et donc des taxes et réglementations). La somme de ces paramètres entame mécaniquement la rentabilité moyenne, malgré d’excellentes performances sur la Mode et la Maroquinerie.
LVMH vs Hermès : quels risques pour 2025 ?
Si la question de la croissance demeure centrale, les deux groupes affrontent aussi des facteurs de risques potentiels :
- Fluctuations des devises : LVMH et Hermès réalisent une grande partie de leurs ventes en dehors de la zone euro. Des écarts de change brutaux peuvent impacter leurs résultats consolidés.
- Risque géopolitique : Certains marchés clés comme la Chine ou les États-Unis peuvent imposer des restrictions, des taxes douanières, ou traverser des crises politiques qui affectent le tourisme ou la consommation de luxe.
- Érosion du pouvoir d’achat : En cas de récession mondiale, même les plus fortunés peuvent modérer leurs achats de luxe, ce qui se ressentirait plus lourdement sur LVMH (qui propose un éventail de prix plus large) que sur Hermès (en raison de sa clientèle très insensible au prix).
- Pression sociétale sur l’utilisation de certains matériaux : L’essor des mouvements en faveur du bien-être animal ou de la préservation de la biodiversité pousse les marques à repenser leurs approvisionnements (cuirs exotiques, etc.).
Pour autant, le secteur du luxe a historiquement démontré une résilience remarquable, car il s’appuie sur un désir de distinction et d’exception qui persiste, quel que soit le cycle économique.
Quelles stratégies de long terme ?
Pour conserver leur aura et continuer d’élargir leur base de clients, LVMH et Hermès pourront :
- Miser sur la création : le lancement de nouvelles collections ou de produits iconiques (tels que de nouveaux parfums, une montre révolutionnaire, etc.) reste crucial pour entretenir le désir des consommateurs.
- Investir dans l’expérience client : boutiques conceptuelles, pop-up stores, événements exclusifs, services de personnalisation… Le luxe se vit davantage comme une expérience globale.
- Renforcer l’omnicanal : l’e-commerce ne remplace pas les boutiques traditionnelles, mais l’expérience digitale doit être irréprochable pour séduire les nouvelles générations, notamment en Asie.
- Continuer la conquête géographique : s’implanter sur de nouveaux marchés (pays d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine, du Moyen-Orient) et consolider la présence dans les métropoles occidentales.
- Intégrer la dimension ESG : développer des filières responsables, réduire l’empreinte carbone, favoriser l’artisanat local, et communiquer sur ces avancées.
Dans ce cadre, LVMH peut s’appuyer sur sa puissance financière pour accélérer, acquérir de nouvelles marques ou se diversifier davantage (hôtellerie de luxe, par exemple). Hermès, lui, poursuivra probablement sa route dans la continuité, en gardant un cap sélectif et en accroissant progressivement la capacité de production pour répondre à la demande, sans sacrifier le cachet artisanal.
Les réactions du marché et la confiance des dirigeants
Les publications 2024 démontrent que Bernard Arnault (PDG de LVMH) et Axel Dumas (Directeur général d’Hermès) abordent 2025 avec une certaine sérénité. Les deux mettent en avant :
- La solidité de leur modèle, déjà éprouvé par la pandémie de Covid-19 et les incertitudes économiques récentes.
- L’importance d’une gestion agile, afin de s’adapter rapidement aux fluctuations de la demande et aux variations de change.
- L’accent mis sur l’innovation : nouveaux produits, nouveaux concepts de distribution, digitalisation croissante.
En Bourse, les valorisations élevées des deux groupes se maintiennent, soutenues par :
- Leur forte rentabilité.
- Leur capacité à générer du cash flow et à rémunérer les actionnaires.
- Leur positionnement inégalé dans le luxe, un secteur toujours en expansion.
Malgré tout, la prudence s’impose : un brusque ralentissement chinois ou des tensions commerciales entre grandes puissances pourraient créer des turbulences. Cependant, l’histoire récente prouve que le luxe demeure l’un des segments les plus résilients de l’économie mondiale.
Les enseignements pour les acteurs du marché
Ces performances 2024 nous apprennent plusieurs choses :
- Le luxe ultra sélectif (Hermès) a la cote : un public élitiste cherche des produits rares, à haute valeur ajoutée, et ne regarde pas nécessairement le prix.
- La diversification reste un atout pour LVMH : en couvrant de multiples secteurs, le groupe réduit son exposition aux chocs sectoriels et est moins dépendant d’une seule catégorie de produit.
- L’impact des devises demeure un paramètre clé : dans un monde mondialisé, la capacité à gérer le risque de change influence la compétitivité et la performance financière.
- L’engagement sociétal : la légitimité des marques du luxe ne se joue plus seulement sur la qualité des produits, mais aussi sur leur impact environnemental, la transparence de leurs filières et leur politique sociale.
Au final, l’opposition LVMH/Hermès souligne que plusieurs voies existent pour réussir dans le luxe, à condition de conserver une cohérence et un ADN fort.