Quel avenir pour Velours de Lyon en 2025 ?
Découvrez les défis financiers et les enjeux de redressement judiciaire de Velours de Lyon pour maintenir son savoir-faire textile unique.

Au cœur de l’est lyonnais, des métiers Jacquard chantent encore. Derrière ces sonorités d’atelier, une bataille plus silencieuse se joue autour d’un actif industriel rare, convoitée autant par des investisseurs que par des défenseurs du patrimoine productif. Velours de Lyon tente de convertir un savoir-faire d’exception en projet d’entreprise viable, sous la pression d’un calendrier judiciaire resserré.
Chronologie judiciaire et enjeux financiers immédiats
Velours de Lyon évolue sous redressement judiciaire depuis février 2025, après deux années passées en procédure de sauvegarde. Le passif le plus pressant tient à un endettement d’environ 3 millions d’euros, que l’équipe dirigeante identifie comme l’obstacle majeur à une année 2025 qui aurait pu repasser dans le vert.
Dans le cadre du dossier instruit par le tribunal de commerce de Lyon, un nouveau délai a été accordé le 22 juillet 2025 afin d’élargir la fenêtre de reprise. Les candidatures sont attendues jusqu’au 19 septembre 2025, pour une audience fixée au 14 octobre 2025. D’après les informations publiées, trois offres ont déjà été formalisées, couvrant un éventail allant d’un acteur du textile à des investisseurs extérieurs au luxe, attirés par la composante technique du site.
Calendrier de la procédure à lyon
Le temps long du textile se confronte au temps court des tribunaux. La reprise, si elle intervient à l’automne, devra préserver l’outil industriel, sécuriser la trésorerie et rétablir la crédibilité fournisseurs. Le pas de temps 2025-2026 est déterminant, car plusieurs volets s’imbriquent : maintien des commandes actuelles pour la mode, repositionnement de l’offre pour de nouveaux débouchés et renégociation du mur de dettes accumulées.
Intérêt d’arnaud montebourg et investisseurs privés
L’intérêt manifesté par Arnaud Montebourg a donné une visibilité nationale à ce dossier, alors que des profils d’investisseurs non issus du luxe ont fait surface après un appel relayé sur LinkedIn. Cette attention élargit le spectre des solutions, mais impose un filtrage rigoureux des projets : maintien des emplois utiles à la production, capitaux frais suffisants pour absorber le cycle de commandes et respect du tissu relationnel avec les marques de haute couture.
Ce que recouvre un redressement judiciaire pour une PME industrielle
La procédure de redressement judiciaire n’est pas une liquidation. Elle vise à protéger l’entreprise le temps de bâtir un plan de continuation ou de cession. L’enjeu consiste à stabiliser la trésorerie, sécuriser les approvisionnements et préserver la valeur du savoir-faire. Pour un site textile, cela suppose de maintenir la cadence des commandes et le lien avec les donneurs d’ordres sans rupture de qualité ni délais.
Un outil industriel rare au service du luxe
Issue de la réunion des maisons lyonnaises JB Martin et Giron Frères, Velours de Lyon opère à rebours des logiques de délocalisation des années 1990. Le site a consolidé une chaîne intégrée d’une trentaine d’opérations qui va de la préparation des fils à la livraison, en passant par le tissage, la teinture, le rasage et le brossage.
Cette organisation permet la production de velours d’exception pour des maisons telles que Louis Vuitton, Fendi et Lanvin, avec une technicité phare : le Jacquard en trois dimensions, héritier de l’invention lyonnaise du XIXe siècle fondée sur des cartes perforées. Soie, viscose et polyamide entrent dans des ateliers capables de teinter des motifs à la main, une singularité précieuse pour la haute couture.
Décines-charpieu et saint-just-en-chevalet : complémentarités de sites
À Décines-Charpieu s’articule le cœur du tissage, avec un parc d’environ 60 métiers qui donne le rythme. À Saint-Just-en-Chevalet, la chaîne aval organise des finitions exigeantes pour uniformiser brillance, toucher et solidité des coloris. Cette répartition, éprouvée par l’usage, optimise les flux tout en réduisant les risques qualité.
Jacquard, de la carte perforée au tissage 3d
Le Jacquard 3D offre des reliefs et des effets de matière qui démultiplient le champ créatif, mais il suppose des compétences rares en réglage, en dessin de lisière, en gestion des liages et en contrôle final. Cette technicité se transmet surtout en interne, d’où l’importance des formations sur site et de la fidélité des opérateurs.
Louis vuitton et armani : commandes qui maintiennent l’activité
Malgré la procédure, l’usine tourne encore grâce à des commandes en cours, notamment pour Louis Vuitton et Armani. Cette continuité confirme la confiance sur la qualité, mais ne règle pas le problème de trésorerie à elle seule. La reprise devra sécuriser un mix de produits équilibré, entre best-sellers techniques et séries créatives à forte valeur ajoutée.
Le Jacquard organise la levée des fils chaîne via un dispositif programmable. Historiquement, les cartes perforées instruisaient les motifs. Aujourd’hui, l’équivalent numérique pilote l’armure, autorisant des volumes, poils coupés et boucles qui créent le relief. En 3D, l’empilement d’effets nécessite un calage fin entre densité, hauteur de poil et liages de stabilisation pour éviter l’affaissement ou le bourrage en production.
Choc commercial et trésorerie fragilisée depuis 2023
Le retournement intervient en 2023 avec la perte d’une commande de 1,5 million d’euros auprès de Gucci, conséquence d’une réorganisation chez Kering. L’impact est double : manque à gagner immédiat et décalage de charge sur un outil calibré pour un certain volume.
À cette contraction s’ajoutent des remboursements liés à un métier acquis avant la pandémie, les échéances des prêts garantis par l’État et des charges sociales reportées. La combinaison est classique pour les ateliers industriels à capitaux limités : l’effet ciseau entre recettes et coûts fixes laisse peu de marge sans commande d’appoint.
Le contexte régional ne joue pas en faveur d’un rebond rapide. L’activité en Auvergne-Rhône-Alpes a reculé au quatrième trimestre 2024 et entame 2025 sans dynamisme notable, tandis que les défaillances d’entreprises augmentent dans le textile en 2025 (Insee, juillet 2025). Les donneurs d’ordres resserrent leurs paniers d’achat, privilégiant des séries sûres.
Lire l’impact d’une commande perdue de 1,5 M€
Dans une structure industrielle de taille moyenne, la perte d’un ticket de 1,5 M€ dépasse la marge annuelle potentielle et induit des coûts cachés : sous-utilisation des métiers, pertes de rendement, coûts incompressibles d’énergie et de maintenance. L’effet stock et l’obsolescence des coloris peuvent aussi créer de la casse économique en fin de saison.
Diversifications testées et pistes techniques crédibles
Sur dix ans, l’entreprise a tenté des incursions vers l’ameublement. Le constat est clair : dans un marché massifié par le low-cost, un velours à 50 euros le mètre est difficile à positionner sans signature de marque ou programme décoratif patrimonial. Le mouvement de « furniture lines » chez plusieurs maisons de luxe a, par ailleurs, réduit l’espace pour des fournisseurs indépendants.
Dior : nappes cérémonielles, vitrine mais volumes limités
Un contrat ciblé a été obtenu avec Dior pour des nappes en velours destinées à des cérémonies internationales. C’est un produit vitrine qui atteste de la qualité et qui entretient la notoriété technique. Mais les volumes restent modestes, avec un profil de commandes cadencées par des événements plutôt que par des réassorts réguliers.
Vers la défense et la santé : un pari patient
Plus prometteurs à moyen terme, des tissus techniques sont étudiés pour la santé et la défense. Un contrat de recherche de la DGA regroupant plusieurs acteurs textiles doit démarrer en janvier 2026. L’industrialisation pleine échelle n’est toutefois jamais immédiate : homologations, essais d’usage, tenue au feu ou au frottement exigent des itérations et des investissements pilotes.
La société coopérative d’intérêt collectif permet d’associer salariés, partenaires et éventuellement collectivités. Avantage : alignement de long terme, ancrage territorial, gouvernance partagée.
Limites : levée de fonds plus complexe qu’un véhicule purement capitalistique, processus décisionnels plus collégiaux. Pour une PME textile, un modèle hybride peut être recherché, adossant la SCIC à un investisseur technique qui apporte capitaux et débouchés.
Le dossier lyonnais fait apparaître des pistes adjacentes mises sur la table par la direction, comme des brosses de peinture, des gilets anti-feu ou des tissus filtrants. Ces trajectoires ne sont pas incompatibles avec l’ADN du velours technique, mais elles exigent méthode et priorisation : validation marché, chiffrage de la capabilité industrielle, choix des normes cibles.
Clients prestigieux mais repreneur industriel incertain
Les grandes marques soutiennent souvent leurs fournisseurs via des commandes plutôt que par des acquisitions capitalistiques. Armani a consulté la data room, signal positif quant à l’intérêt porté à l’outil, mais une reprise par un client majeur reste jugée improbable. La neutralité concurrentielle, la gestion des lignes saisonnières et l’aversion aux actifs industriels pèsent dans la balance.
Pourquoi les maisons de luxe achètent rarement leurs fournisseurs
Intégrer un fournisseur peut rigidifier la chaîne créative, créer un risque de conflit de priorité entre maisons et brouiller la promesse d’indépendance vis-à-vis des concurrents. Les marques préfèrent souvent des contrats pluriannuels, des prêts de machines dédiées ou des partenariats exclusifs sur des gammes, plutôt qu’une prise de contrôle lourde en capital et en RH.
Accès à la data room : un signal à interpréter
L’accès à la data room atteste d’un intérêt, pas d’un engagement. Il signifie que le candidat évalue la qualité de l’actif, la santé des carnets, les contraintes juridiques et les risques d’exécution. Pour Velours de Lyon, c’est le signe que le savoir-faire et l’outil méritent examen, tout en rappelant que la projection industrielle et financière reste à convaincre.
La configuration actuelle met en concurrence un profil industriel textile et deux investisseurs français non issus du luxe, repérés suite à un appel relayé 985 fois sur les réseaux sociaux et à l’origine de 65 contacts qualifiés. Deux critères se détachent pour réussir : la capacité à financer le cycle de conversion des stocks et la faculté à nourrir un portefeuille de produits au-delà des seules collections saisonnières.
Contexte sectoriel 2025 et cadrage réglementaire
Alors que la période post-Covid a été euphoriquement favorable, avec +28 % de croissance du luxe entre 2019 et 2023, 2025 s’annonce nettement moins tonique, autour de +2 %. Les incertitudes en Chine et aux États-Unis réduisent les prises de risque, surtout pour des programmes textiles spéciaux à délai long et faible réutilisation.
Dans ce climat, les attentes évoluent également sur les matières premières et les alternatives aux peaux. L’affichage volontaire du coût environnemental des vêtements reconnu par la Commission européenne, annoncé par le gouvernement en mai 2025, pourrait accroître l’attractivité de productions locales tracées, si la méthodologie se stabilise et si les distributeurs en font un levier commercial lisible (Ministère de la Transition écologique, mai 2025).
Affichage environnemental : impact potentiel pour velours de lyon
Un outil intégré et de proximité comme celui de Velours de Lyon peut faire valoir une empreinte logistique contenue, une meilleure traçabilité et des procédés maîtrisés. Si les critères priorisent la durabilité et la réparabilité, des velours denses et stables peuvent gagner en notation relative. Le risque à surveiller : une surcharge administrative et des coûts de conformité dans un moment où la trésorerie reste sous pression.
Les méthodes en discussion combinent analyse de cycle de vie, consommation d’énergie, d’eau, impact chimique et logistique. Pour un velours, la hauteur de poil, la densité de fil, le mix matières, la teinture et les finitions pèsent fortement. La clé de la compétitivité passe par la sobriété des bains, la recyclabilité des fibres et la réduction des transports inter-sites.
Par ailleurs, l’économie régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes aborde 2025 en manque d’élan, après un recul de l’activité et de l’emploi fin 2024. La conjonction d’un luxe qui freine et d’une demande locale en berne n’offre pas de filet de sécurité automatique. Elle impose une stratégie de différenciation nette, adossée à des indicateurs lisibles pour les acheteurs professionnels et les directions de collection.
Histoire industrielle et gouvernance de velours de lyon
Le capital symbolique de Velours de Lyon s’est construit en réunissant JB Martin et Giron Frères, deux signatures de la tradition textile lyonnaise. Sur le plan technique, l’identité se nourrit de métiers datant pour certains des années 1950, entretenus et modernisés, qui prolongent une invention fondatrice de 1801, celle des cartes perforées appliquées au tissage.
Cette filiation nourrit la réputation auprès des maisons de couture, mais n’exonère pas des exigences financières contemporaines. Les cycles d’investissement, la volatilité des capsules et les changements de direction artistique créent des variations qui obligent à lisser l’activité par des produits permanents techniques et des programmes multi-marchés.
Qui pilote la transformation à court terme
Au quotidien, Jean-François Renaud, codirigeant et petit-fils du fondateur, porte le dossier sur la scène judiciaire et industrielle. Les arbitrages se situent à la frontière entre respect du métier et adaptation commerciale. Les ateliers forment en interne, signe d’un marché de l’emploi serré sur ces fonctions expertes, tout en préparant des options de gouvernance en cas d’adossement à une SCIC avec participation des salariés.
La structuration d’un plan à deux étages fait sens : consolidation à court terme du cœur luxe, montée en charge d’une offre technique différenciante. Cette approche demande des capitaux circulants pour financer stocks, échantillons, développements et cycles d’homologation, sans quoi l’effet de ciseau se reproduit.
Feuille de route industrielle et commerciale crédible
Si l’on décline l’équation industrielle, plusieurs blocs doivent être construits dans un ordre précis :
- Stabiliser les flux existants avec les maisons de luxe, via des fenêtres de livraison et des engagements de qualité irréprochable.
- Protéger la marge par un mix produits équilibré entre pièces d’image et lignes techniques répétitives, moins exposées aux effets de collection.
- Sécuriser les matières en soie, viscose et polyamide, avec des accords fournisseurs compatibles avec un site en plan de redressement.
- Renforcer la maintenance pour fiabiliser les 60 métiers, éviter les arrêts et protéger le taux de rebut.
- Accélérer 2 à 3 développements techniques à forte probabilité d’homologation, en santé ou défense, dès 2026.
Un investisseur sectoriel sait financer la montée des prototypes, rationaliser les gammes et associer un plan commercial discipliné. Un investisseur généraliste devra s’entourer d’une direction industrielle textile expérimentée, faute de quoi l’apprentissage coûte du temps et de la qualité.
Indicateurs de pilotage à exiger post-reprise
Outre les indicateurs financiers classiques, l’acheteur d’un tel site doit suivre le TRS par ligne, la qualité de teinture par famille de colorants, la variabilité du poil et le taux de reprise en contrôle final. Côté commerce, il faut piloter le taux de réassort à trois mois, le panier moyen par marque et la concentration du chiffre d’affaires.
La marge brute dépend de la densité, du temps métier et des finitions. Un mètre à 50 € n’a pas la même marge opérationnelle selon l’armure, la teinture et le taux de rebut. L’enjeu est de structurer la prise de commande pour minimiser les réglages lourds entre lots, tout en standardisant certaines bases pour amortir les temps morts.
Quelles conditions de réussite pour l’adossement
Sur un plan capitalistique, l’accord gagnant met en regard apport en fonds propres, dettes réaménagées et capitaux circulants dédiés au cycle matières-production-livraison. Les premiers mois post-reprise sont déterminants : la confiance des maisons se juge à l’exécution et au service qualité, tandis que les banques observent la trajectoire des commandes et le respect des jalons.
La marque employeur doit également être consolidée. Former sur place des opérateurs de Jacquard, de teinture et de finition demande du temps, un tutorat et des perspectives salariales. Un chantier compétences est donc indissociable du chantier financier, pour éviter l’érosion du savoir-faire qui fait la rareté du site.
Cap vers un avenir productif raisonné
Velours de Lyon concentre un capital industriel et culturel qui reste recherché par les maisons de couture comme par des secteurs techniques. La décision attendue à l’automne doit articuler sauvegarde de l’excellence et discipline économique, en assumant une trajectoire prudente sur 2025-2026. L’affichage environnemental pourrait offrir un levier de différenciation si l’entreprise transforme ses atouts de traçabilité en avantage commercial réel.
À l’heure où le luxe ralentit et où le financement se renchérit, l’avenir de Velours de Lyon se jouera sur un triptyque exigeant : un tour de table crédible, une exécution industrielle sans faille et une offre lisible qui valorise enfin la rareté de son savoir-faire.