Depuis juin, Siblu a accéléré hors de France avec une série de rachats ciblés en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. « Cela permet d’accéder à un luxe autrement inabordable », résume son PDG Simon Crabbe, en comparant un mobil-home à 40 000 euros à la vue d’une villa à plusieurs millions au Cap Ferret. Le modèle résidentiel du groupe change d’échelle.

Siblu, du voyagiste à l’hôtellerie de plein air résidentielle

Créée en 1975 au sein du groupe britannique Rank, connu pour ses actifs de loisirs comme les studios Pinewood ou Hard Rock Café, Siblu a d’abord exercé comme voyagiste avant de réorienter ses activités vers le camping au début des années 1980. La bascule vers un positionnement haut de gamme s’est ancrée avec les premières acquisitions, notamment Le Lac des Rêves dans l’Hérault et Les Charmettes en Charente-Maritime.

Le groupe gère aujourd’hui 43 campings dont 29 en France, avec un noyau fort de 17 établissements en Nouvelle-Aquitaine. Les autres actifs sont situés aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique. Ce maillage permet de déployer un modèle unique dans l’hôtellerie de plein air française : l’orientation « résidence secondaire » plutôt que le pur tourisme à la nuitée.

Le Cap Ferret vs Les Viviers : la promesse d’un luxe accessible

La proposition de valeur est simple et assumée. Au Cap Ferret, une villa de prestige peut atteindre 2 millions d’euros.

Dans un camping Siblu comme Les Viviers, un mobil-home autour de 40 000 euros ouvre des panoramas comparables. « Cela permet d’accéder à un luxe autrement inabordable », insiste Simon Crabbe. L’argument touche une clientèle souhaitant une résidence secondaire clé en main, amortissable grâce à la location.

Le terme « résidentiel » renvoie au principe d’occupation récurrente d’un emplacement par un propriétaire de mobil-home. L’emplacement est loué à l’année et reste accessible une grande partie de l’année, ce qui rapproche l’usage d’une résidence secondaire plutôt que d’un séjour touristique ponctuel.

Accélération en Europe du Nord : huit campings rachetés en juin 2025

La dynamique hors de France s’est structurée graduellement. Fin 2018, Siblu a acquis le camping In de Bongerd aux Pays-Bas. Un an plus tard, en 2019, Naxicap Partners est entré au capital comme actionnaire majoritaire, fournissant un appui financier pour intensifier la stratégie de rachats.

En juin 2025, Siblu a annoncé l’acquisition de huit sites supplémentaires en Europe du Nord : six en Belgique, un en Allemagne et un aux Pays-Bas, selon une communication relayée par la presse spécialisée. Cette vague de transactions matérialise l’objectif affiché de devenir leader européen sur le segment du camping résidentiel.

Le choix géographique est cohérent avec le portefeuille clients. « L’Allemagne était un choix logique, car 50 % des clients néerlandais sont allemands, avec un attrait historique pour la France », explique Simon Crabbe.

Sur le site allemand, situé à proximité de Hambourg et s’étendant sur 60 hectares, le groupe prévoit 1 million d’euros d’investissements par an à partir de 2026, de quoi rénover 70 parcelles sur un total d’environ 600. En Belgique, un budget global de 5 millions d’euros est prévu pour moderniser les six sites.

Cette accélération s’inscrit dans une feuille de route dévoilée dans la presse économique en août 2025, évoquant la volonté de doubler la taille du groupe en Europe du Nord par rachats successifs. Dans les faits, le groupe poursuit une logique d’intégration d’actifs indépendants, souvent sous-investis, afin de les faire monter en gamme et d’ancrer son modèle de revenus récurrents.

Pays-Bas, Allemagne, Belgique : priorités d’intégration 2025-2026

  • Standardiser l’offre résidentielle et les services à forte récurrence.
  • Moderniser les parcelles pour soutenir la montée en gamme.
  • Renforcer la commercialisation auprès des clientèles d’Europe du Nord.
  • Déployer progressivement les initiatives durables sur l’ensemble des sites.

La base néerlandaise de Siblu génère historiquement des flux touristiques allemands. Ouvrir un site près de Hambourg capitalise sur ces proximités de marché tout en créant un sas d’entrée vers la clientèle domestique allemande. Cette continuité est soulignée par le PDG, qui rappelle la forte affinité des Allemands pour les séjours en France.

Modèle économique récurrent : loyers, locations et marge

Au cœur du moteur financier se trouve un abonnement foncier et une monétisation de la haute saison. Les clients achètent un mobil-home au catalogue et louent une parcelle à l’année dans l’un des 43 campings, accessibles jusqu’à 270 jours par an.

Le loyer annuel d’emplacement se situe généralement entre 6 000 et 7 000 euros. Pour l’amortir, le propriétaire peut louer son bien, notamment en haute saison, où une semaine se négocie autour de 1 000 euros.

Singularité du modèle : Siblu perçoit l’équivalent de huit semaines de location en haute saison, indépendamment du volume de locations réellement enregistré. Il s’agit de la principale source de revenus du groupe, plus contributive que la marge sur la vente de mobil-homes ou les activités de bar et restauration.

Le parc agrégé compte 17 000 emplacements, dont environ 15 000 appartiennent à des propriétaires privés. Siblu conserve une petite part de mobil-homes en propre pour la location, avec l’objectif affiché de ne pas concurrencer les propriétaires.

La politique d’animation, héritée du passé de voyagiste, contribue à la fidélisation et au sentiment communautaire. L’entreprise mobilise des effectifs saisonniers significatifs, soit 2 330 équivalents temps plein à l’été 2024, ce qui reflète la saisonnalité structurelle du secteur.

Redevances propriétaires : flexibilité et revente

Les propriétaires gardent la main sur l’usage de leur bien et choisissent de gérer les locations de manière autonome ou via Siblu. « Notre objectif est de maximiser la valeur pour les propriétaires », affirme Simon Crabbe. L’actif peut être revendu à tout moment, sans limite de durée, ce qui soutient l’idée d’une propriété pérenne plutôt que d’une concession restreinte.

Le principe d’« équivalent de huit semaines » en haute saison garantit une base de revenus quel que soit le taux d’occupation réel. Cette mécanique décorelle en partie l’exploitation des aléas de remplissage et renforce la prévisibilité de la trésorerie. Elle complète le loyer annuel d’emplacement, autre pilier récurrent.

Capex, trajectoire de revenus et dynamique sectorielle

Le chiffre d’affaires de Siblu a progressé de 117 millions d’euros en 2016 à 310 millions en 2024, avec une prévision de 330 millions en 2025, selon le PDG. Cette avancée s’appuie sur des dépenses d’investissement ciblées, avec un effort de 40 millions d’euros prévu en 2025 et un ticket moyen d’environ 15 000 euros par parcelle pour mettre les sites au standard visé.

Le contexte sectoriel est porteur en France : la fréquentation des campings a augmenté de 2,5 % à l’été 2025 par rapport à 2024 (Franceinfo, août 2025). Le tourisme pèse un poids majeur dans l’économie française, et l’hôtellerie de plein air a généré environ 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024 en France, d’après des données publiquement disponibles (INSEE/DGE). Cette toile de fond valide le positionnement résidentiel de Siblu, particulièrement auprès des clientèles d’Europe du Nord qui contribuent à allonger la saison.

Métriques Valeur Évolution
Chiffre d’affaires 2016 117 M€ n.c.
Chiffre d’affaires 2024 310 M€ n.c.
Prévision de CA 2025 330 M€ n.c.
Capex 2025 40 M€ n.c.
Capex par parcelle 15 000 € env. n.c.
Emplacements totaux 17 000 n.c.
Parc détenu par des propriétaires 15 000 n.c.
Loyer annuel d’emplacement 6 000 à 7 000 € n.c.
Semaine haute saison 1 000 € env. n.c.
ETP saisonniers été 2024 2 330 n.c.

Chiffres-clés à retenir

Le modèle résidentiel de Siblu s’appuie sur quelques jalons quantitatifs qui structurent la croissance et la visibilité des revenus.

  1. CA 2024 à 310 M€ et objectif 2025 à 330 M€.
  2. 17 000 emplacements, dont 15 000 détenus par des propriétaires privés.
  3. Capex 2025 de 40 M€, environ 15 000 € par parcelle.
  4. Huit campings rachetés en juin 2025 en Europe du Nord.
  5. Hausse de 2,5 % de la fréquentation des campings à l’été 2025 en France.

FNHPA : fréquentation 2025 en hausse

Nicolas Dayot, président de la FNHPA, souligne le rôle des touristes d’Europe du Nord dans l’allongement de la saison. L’augmentation de la fréquentation à l’été 2025, rapportée à +2,5 %, conforte l’approche de Siblu axée sur un usage étalé dans l’année et moins dépendant des week-ends ou des ponts.

Transition énergétique et innovations opérationnelles

Siblu a formalisé une cible à -30 % d’émissions carbone par emplacement d’ici 2030. « Le gaz est le principal pollueur dans un camping. Le remplacer par l’électrique réduit l’empreinte », insiste le PDG. La trajectoire passe par des actions cumulatives : bascule énergétique des usages, solaire sur toits de mobil-homes, gestion de l’eau optimisée, matériaux recyclés pour les aménagements.

Le groupe incite les propriétaires à installer 14 panneaux en toiture. La production moyenne visée se situe autour de 6 000 kWh par unité, avec un revenu complémentaire d’environ 55 euros par mois pour le propriétaire.

D’ici fin 2025, 500 mobil-homes doivent être équipés. L’excédent d’électricité est réinjecté dans le réseau interne du camping et, selon le PDG, cinq ans suffisent pour couvrir l’investissement initial grâce aux revenus générés.

Au-delà du solaire, Siblu annonce un plan d’investissement de 15 millions d’euros sur dix ans pour ses initiatives de durabilité. Le programme comprend l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques, des stations d’épuration par filtres plantés de roseaux, des parkings en plastique recyclé, ainsi que des systèmes de chauffage de piscines à basse consommation. En 2022, 55 % des mobil-homes vendus étaient d’occasion, ce qui favorise l’économie circulaire.

Ces orientations se lisent en cohérence avec les priorités publiques récentes. En juillet 2025, un comité interministériel a rappelé le rôle du tourisme comme levier de croissance. En mai 2025, la ministre de la Culture Rachida Dati a annoncé un programme « Été culturel » incluant les campings, renforçant la dimension de services et d’animation qui constitue un marqueur de l’offre Siblu.

Solaire et équipements : incitation financière pour les propriétaires

  • Option panneaux solaires pour générer un revenu mensuel régulier.
  • Réinjection de l’excédent dans le réseau interne des campings.
  • Objectif de déploiement de 500 unités solaires d’ici fin 2025.
  • Cible de performance carbone : -30 % par emplacement d’ici 2030.

Siblu se positionne sur des campings indépendants souvent sous-investis, dans un contexte où le foncier est décrit comme une « ressource finie ». La montée en gamme passe par des investissements par parcelle et une standardisation des services, afin de résister à la pression des plateformes de réservation en s’appuyant sur la récurrence propriétaire.

Feuille de route 2030 : maillage renforcé et ancrage français

Le groupe vise 80 campings à l’horizon 2030, en se concentrant sur la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Belgique. Des discussions sont en cours pour trois sites dans le Sud, dont un au nord de La Rochelle.

La carte de France de Siblu présente encore des zones à combler entre la Normandie et Calais. À court terme, la direction estime pouvoir acquérir une vingtaine de campings en France sur cinq ans, tout en poursuivant la courbe d’intégration européenne enclenchée en 2025.

Naxicap Partners, au capital depuis 2019, soutient cette accélération par acquisitions. L’équation opérationnelle est claire : un modèle orienté sur la récurrence, moins sensible aux aléas de remplissage à court terme, et une capacité d’upgrader rapidement des sites pour augmenter la valeur perçue par les propriétaires et l’attractivité des destinations.

À surveiller d’ici 2026

Trois indicateurs opérationnels aideront à mesurer l’exécution de la stratégie de Siblu.

  • Intégration des 8 sites rachetés et ramp-up des capex en Belgique et en Allemagne.
  • Taux d’équipement solaire des mobil-homes par site et économies d’énergie associées.
  • Cadence d’acquisitions en France, notamment sur les corridors littoraux encore peu couverts.

Quels effets d’entraînement pour les propriétaires et les territoires

Le double mouvement d’internationalisation et de verdissement du parc constitue une trajectoire lisible pour les investisseurs comme pour les propriétaires. La récurrence des revenus de Siblu, alimentée par l’équivalent de huit semaines de haute saison et les loyers d’emplacement, s’articule avec une politique d’investissements ciblés par parcelle. Pour les territoires, l’enjeu est double : allongement de la saison grâce aux clientèles d’Europe du Nord, et montée en gamme des équipements.

Reste à observer la vitesse d’intégration des sites acquis en 2025 et la capacité de Siblu à transformer ces actifs en communautés résidentielles performantes, tout en préservant l’équilibre entre propriétaires, visiteurs et environnement.