À Labarthe-sur-Lèze, un passage de témoin historique s’opère. Le 7 octobre 2025, Paul Boyé Technologies, ETI familiale de référence dans le textile technique, a été intégralement rachetée par le norvégien NFM Group. Avec 300 salariés et 120 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, l’entreprise rejoint un acteur européen majeur des équipements de protection, sans renoncer à son ancrage industriel en France.

Chronologie et périmètre de l’opération

L’acquisition a été menée à son terme le 7 octobre 2025, à l’issue d’un processus validé par les autorités françaises. NFM Group prend 100 % du capital de Paul Boyé Technologies, signant l’entrée d’une maison centenaire dans un groupe européen au portefeuille élargi d’équipements de protection individuelle. Les cédants, Jacques et Philippe Boyé, se retirent après un demi-siècle aux manettes, satisfaits de voir l’entreprise poursuivre sa route.

Le message des héritiers est limpide : « Cette acquisition assure la pérennité de Paul Boyé, à laquelle nous sommes très attachés », affirment-ils. De l’autre côté, la direction de NFM insiste sur la logique stratégique. Walter Overland, PDG, y voit un renforcement du partenariat de long terme avec la France, présenté comme l’un des marchés de défense prioritaires du groupe, et confirme un engagement à préserver les capacités locales.

Gouvernance : nouveaux engagements

Mads E. Larsen, directeur général de NFM France et directeur de la stratégie du groupe, devient président de Paul Boyé Technologies. Sa feuille de route annoncée tient en une formule : respect du passé et ambitions innovantes. La nomination, qui s’inscrit dans la continuité de l’implantation française de NFM, doit permettre d’aligner la vision groupe et la culture technique de Paul Boyé.

Au plan opérationnel, NFM valide la pérennité des sites et des emplois en France. L’intégration s’effectue sans rupture industrielle visible, un point réitéré par le groupe norvégien pour sécuriser la base de fournisseurs publics et l’écosystème régional. Les contours financiers de l’opération ne sont pas communiqués.

Cap opérationnel confirmé

Points clés actés par les parties :

  • Prise de contrôle à 100 % du capital de Paul Boyé Technologies par NFM Group.
  • Validation du processus par les autorités françaises compétentes.
  • Maintien des capacités industrielles en France, avec une gouvernance alignée via NFM France.

Qui est Paul Boyé Technologies : héritage, savoir-faire et virage stratégique

Fondée en 1904 à Sète par Pierre Boyé, Paul Boyé Technologies s’est bâtie sur une expertise textile progressivement orientée vers la protection des forces de sécurité, des soignants et des opérateurs industriels. L’entreprise, aujourd’hui basée à Labarthe-sur-Lèze en Haute-Garonne, a réalisé 120 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024 et emploie 300 personnes.

Longtemps présente sur le segment civil, la société réalisait dans les années 1980 près de 50 % de son activité dans l’habillement grand public. Sous la pression concurrentielle internationale, elle a recentré son modèle sur la défense, la sécurité et la santé, avec des technologies orientées NRBC, balistique, tenues spécialisées et logistique d’entretien.

Sites et savoir-faire en France

Le dispositif industriel national s’articule autour de trois sites complémentaires, qui consolident la place de l’entreprise dans les marchés régaliens :

  • Labarthe-sur-Lèze Haut-Garonne. Site principal de 20 000 m², il regroupe bureau d’études et unité de confection pour équipements de protection.
  • Bédarieux Hérault. Usine de 10 000 m² dédiée aux solutions NRBC et balistiques, coeur technique de l’offre de protection spécialisée.
  • Le Vernet Haute-Garonne. 10 000 m² consacrés au maintien en condition opérationnelle des vêtements et EPI, avec des opérations quotidiennes de tri, lavage, réparation, retouche, broderie, reconditionnement et recyclage.

Filiale à Madagascar : capacités intégrées

Depuis 1992, Paul Boyé Industries opère à Madagascar. La filiale emploie 2 000 collaborateurs sur 30 000 m² avec 55 lignes de production, pour une capacité d’environ 2 millions d’articles par an, principalement en habillement non technique. Cette brique industrielle, désormais intégrée à NFM Group, permet d’optimiser le couple coût-qualité sur les segments non critiques, tout en réservant aux sites français les productions à haute valeur ajoutée.

La protection NRBC couvre la gamme d’équipements destinés à protéger l’utilisateur contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. Elle mobilise des textiles et membranes spécifiques, des procédés d’assemblage contrôlés et des tests de performance complexes. La fabrication nécessite une traçabilité rigoureuse des matières, des protocoles de contrôle qualité avancés et des capacités d’industrialisation compatibles avec des besoins urgents en cas de crise.

Marché d’habillement du ministère de l’Intérieur : le revers de 2024

En 2024, Paul Boyé Technologies a perdu le marché d’habillement du ministère de l’Intérieur, estimé à 420 millions d’euros sur six ans, au bénéfice d’un groupement piloté par Marck & Balsan. Ce retrait sur un lot majeur a pesé commercialement, tout en accélérant le repositionnement sur les contrats techniques et les accords pluriannuels de production d’EPI.

NFM Group : empreinte européenne et ancrage français renforcés

Créé en 1996 en Norvège, NFM Group s’est imposé comme un fabricant d’équipements de protection pour les forces armées et les forces de l’ordre. Le groupe revendique 3 400 collaborateurs et a consolidé sa présence européenne ces dernières années, notamment par l’acquisition de la société allemande Hexonia en 2022. Cette stratégie d’extension géographique construit une base industrielle multiple en Europe.

En France, la présence existante s’appuie sur NFM France, implantée à Lorient dans le Morbihan. La filiale a enregistré un chiffre d’affaires de 1,05 million d’euros en 2024, et constitue un point d’appui pour le pilotage des opérations hexagonales et le dialogue avec les donneurs d’ordres.

Contrats publics récents : forces de sécurité intérieure

En octobre 2023, NFM Group, en partenariat avec l’entreprise britannique Coonen Protection, a signé un accord-cadre de quatre ans avec le ministère de l’Intérieur. Le contrat porte sur la fourniture maximale de 511 350 gilets pare-balles et 415 596 housses tactiques, au bénéfice de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale, des Douanes et de l’administration pénitentiaire. Ce calendrier contractuel étend la visibilité industrielle du groupe sur le territoire français.

Interrogé sur la portée de l’opération Paul Boyé, Walter Overland souligne un approfondissement des liens avec la France, présentée comme l’un des marchés de défense clés du groupe. L’importance de maintenir des capacités en France est affichée comme non négociable, pour conjuguer réponse aux besoins nationaux et robustesse de la chaîne d’approvisionnement.

Accord-cadre du ministère de l’Intérieur : mécanisme et implications

Un accord-cadre permet à l’administration de passer des commandes sur une période déterminée auprès d’un ou plusieurs fournisseurs, dans une enveloppe plafonnée. Pour l’industriel :

  • Visibilité pluriannuelle sur la charge, sous réserve d’ordres effectifs.
  • Exigences strictes en qualité et logistique pour servir Police, Gendarmerie, Douanes, administration pénitentiaire.
  • Capacité d’absorption industrielle indispensable pour gérer des volumes élevés d’EPI sensibles.

Synergies industrielles et sécurisation des chaînes d’approvisionnement

L’adossement de Paul Boyé à NFM Group assemble un puzzle industriel rare dans la filière EPI défense-sécurité. Les usines françaises de NRBC, balistique et MCO se combinent avec des capacités d’habillement non technique à Madagascar, et avec des sites du groupe en Norvège, Allemagne, Pologne, Bulgarie et États-Unis. Cette répartition géographique offre des voies de contournement en cas de tensions d’approvisionnement ou de pics de demande.

NFM affirme vouloir maintenir en France les compétences critiques. Un point repris publiquement par la direction du groupe, qui y voit un gage de continuité pour les donneurs d’ordres régaliens et une réponse aux attentes de souveraineté industrielle, notamment sur la protection NRBC et les fournitures sensibles.

Impacts chiffrés sur l’emploi et les sites en 2025

L’opération s’accompagne d’un engagement de maintien des sites et de la base d’emplois en France. Paul Boyé emploie 300 salariés et conservera ses trois implantations en Haute-Garonne et Hérault. À court terme, l’intégration vise davantage une convergence des priorités industrielles qu’une transformation organisationnelle, tout en alignant les approvisionnements et la qualité des process.

Pour les marchés publics, la lecture est claire : la combinaison des portefeuilles NFM et Paul Boyé peut renforcer la capacité de réponse aux appels d’offres majeurs, en couvrant du NRBC à la balistique, des tenues techniques au MCO, avec une profondeur de production multi-sites.

Le maintien en condition opérationnelle des équipements textiles combine nettoyage industriel, contrôle d’intégrité, réparations, reconditionnement et traçabilité des interventions. Pour les donneurs d’ordres publics, il garantit la disponibilité des équipements dans la durée. Pour l’industriel, il implique des flux logistiques précis, des bancs de contrôle et une gestion fine des pièces détachées et consommables.

Marchés et portefeuilles : un rééquilibrage en cours

Si la perte du marché d’habillement du ministère de l’Intérieur en 2024 a constitué un coup d’arrêt commercial, Paul Boyé a conservé des positions significatives et sécurisé de nouveaux flux :

  • Armée française : fourniture d’uniformes.
  • Sapeurs-pompiers : tenues antiparticules.
  • Santé Publique France : accord pluriannuel en 2025 pour produire 90 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par an.

Ces relais soutiennent le remplissage des sites et lissent les variations conjoncturelles. À l’échelle du groupe, l’accord-cadre de 2023 sur les gilets pare-balles et housses tactiques consolide l’exposition de NFM auprès des forces de sécurité françaises, en cohérence avec les priorités régionales.

Santé Publique France : cadence et périmètre

L’accord pluriannuel notifié en 2025 confie à Paul Boyé la production annuelle de 90 millions de masques, chirurgicaux et FFP2. Cette volumétrie soutenue contribue à stabiliser l’outil industriel, tout en entretenant des chaînes d’approvisionnement adaptées aux exigences sanitaires et aux standards de qualité. L’information de durée et de valeur n’est pas communiquée.

En cumul, ces marchés soulignent une stratégie de diversification maîtrisée autour de segments régaliens et de santé, avec des spécifications techniques et des volumes capables d’amortir les capacités françaises.

Les achats d’EPI par les administrations s’effectuent fréquemment via des accords-cadres multi-attributaires et des marchés subséquents. Les points structurants pour un fabricant :

  • Qualification technique et conformité aux normes avant remise d’offre.
  • Capacité de production démontrable et plan de sécurisation des matières.
  • Preuves de performance et tests indépendants, notamment pour NRBC et balistique.
  • Traçabilité et souveraineté partielle exigées selon la sensibilité des lots.

Points de vigilance réglementaires pour l’export d’EPI défense

Sans viser spécifiquement une entreprise, les flux export d’EPI liés à la défense peuvent relever de contrôles renforcés. À anticiper :

  • Régimes de licences d’exportation selon la nature des produits.
  • Conformité aux listes de contrôle applicables aux équipements balistiques ou NRBC.
  • Vérifications de destination et d’utilisation finale, en lien avec les autorités concernées.

Consolidation défense européenne : effets pour les fournisseurs français

L’absorption de Paul Boyé par NFM s’inscrit dans une dynamique européenne de concentration des capacités sur les segments critiques de la protection individuelle. Le mouvement répond à un double impératif : robustesse industrielle et réactivité. La complémentarité des sites français de Paul Boyé avec les usines de NFM en Europe et aux États-Unis alimente une chaîne plus résiliente, tout en préservant les compétences de pointe en France.

Des analyses spécialisées y voient un renforcement du leadership de NFM sur ces métiers, avec un accent mis sur la continuité industrielle côté français. La combinaison des expertises, en particulier sur la protection NRBC, répond à des besoins en hausse chez les forces de sécurité et les armées. La confirmation publique que des capacités clés demeurent en France est un marqueur rassurant pour les décideurs publics et les territoires industriels concernés.

Lecture marché : demande en hausse en 2025

En 2025, la filière défense-sécurité en Europe fait face à une demande soutenue pour les EPI, portée par des tensions géopolitiques et une vigilance accrue sur les chaînes d’approvisionnement. Le rapprochement NFM-Paul Boyé consolide un portefeuille de solutions qui va du gilet pare-balles à la tenue NRBC, en passant par les masques destinés aux besoins sanitaires. Cette couverture large produit un effet d’amortisseur sectoriel, limitant l’exposition à un seul segment.

La dynamique d’innovation peut aussi s’alimenter d’initiatives françaises dédiées aux technologies stratégiques, comme les programmes French Tech 2030 et French Tech Next40/120, qui accélèrent l’émergence de solutions industrielles de pointe. Il n’existe toutefois aucune information indiquant une intégration immédiate de Paul Boyé ou de NFM à ces dispositifs. Ces programmes constituent un environnement propice, sans lien contractuel annoncé à ce stade.

Signaux partagés par les acteurs et cadrage sectoriel

Deux signaux dominent. D’un côté, la continuité en France : NFM confirme l’importance du marché français et le maintien de capacités locales, élément essentiel pour des appels d’offres sensibles et des besoins de proximité industrielle. De l’autre, la consolidation européenne : l’ajout de Paul Boyé à l’architecture de NFM élargit les combinaisons industrielles et logistiques, du prototypage à la série, jusqu’au MCO.

Le cap affiché par la nouvelle gouvernance de Paul Boyé est d’ordonner les priorités industrielles en conservant l’ADN technique, notamment sur le NRBC, et en s’appuyant sur des marchés pluriannuels qui offrent une visibilité de production. Cet impératif de focalisation s’ajoute à une gestion des matières premières et des tests de conformité de plus en plus exigeants, dimension désormais structurante pour les EPI régaliens.

« L’acquisition de Paul Boyé renforce notre partenariat à long terme avec la France », rappelle la direction de NFM Group, en écho aux déclarations publiquement relayées. La date de finalisation, le périmètre capitalistique et l’intention de maintenir les capacités françaises ont été confirmés par des médias spécialisés, qui évoquent une montée en puissance du groupe sur le segment de la protection individuelle en Europe (source spécialisée).

Feuille de route 2025-2026 sous la houlette de Mads E. Larsen

Les prochains mois s’annoncent structurants. La présidence de Mads E. Larsen devra orchestrer la priorisation des lignes produits, l’alignement qualité-procès au sein du groupe et la synchronisation des sites français avec les autres unités européennes. Les performances post-acquisition seront scrutées, avec un intérêt particulier pour la montée en cadence des contrats pluriannuels et la stabilité des effectifs en Occitanie.

Un point de vigilance portera sur l’équilibre entre innovation et exécution industrielle dans un environnement de demande soutenue. Le socle est en place : gouvernance clarifiée, visibilité commerciale sur plusieurs années et appui d’un groupe paneuropéen. Reste à traduire ces atouts en gains opérationnels mesurables, sans diluer l’ADN technique de Paul Boyé.

Cap sur une intégration maîtrisée, où l’ancrage français demeure la clé de voûte de l’ensemble.