Renforcement des positions d'Océalia avec le contrôle de Piveteau
Océalia engage des discussions pour acquérir Piveteau, renforçant son réseau logistique en Charente et optimisant sa compétitivité.

Changement de cap en Charente. Océalia, poids lourd coopératif du négoce agricole, ouvre des discussions pour prendre le contrôle majoritaire du groupe familial Piveteau. Au-delà d’un simple rapprochement, l’opération dessine un maillage logistique inédit entre silos intérieurs et ports atlantiques, tout en préservant l’ADN des deux maisons. Les enjeux sont industriels, commerciaux et sociaux.
Reprise majoritaire d’océalia sur piveteau : une négociation structurante pour le négoce agricole
Le 9 septembre 2025, Océalia a officialisé l’ouverture de discussions en vue d’une prise de participation majoritaire au capital du groupe Piveteau, basé à Val des Vignes en Charente.
La manœuvre vise à consolider des positions déjà fortes dans le négoce de céréales et d’intrants, en s’appuyant sur une complémentarité d’implantations et de métiers. Océalia revendique 1 600 salariés, 7 000 adhérents et un chiffre d’affaires de 933 millions d’euros. Piveteau, entreprise familiale de quatrième génération, compte 80 salariés et a généré 82 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024.
Cette entrée en négociation ne vaut pas décision finale. Elle lance la phase d’audit et de discussions exclusives: un passage obligé pour cadrer le périmètre, la gouvernance et le calendrier d’exécution. L’absence de communication réglementaire formelle à ce stade traduit un positionnement prudent, conforme aux usages des deals non encore signés.
Piveteau : identité maintenue et organisation opérationnelle
Océalia annonce que Piveteau conservera son identité, ses marques et ses sites. Les équipes en place sont maintenues, afin d’assurer la continuité client et la stabilité des flux.
En pratique, l’intégration se jouera dans la durée, par l’alignement progressif des achats, du financement des stocks et de la logistique de collecte. Ce schéma vise à capitaliser sur l’expertise locale de Piveteau, tout en injectant le pouvoir d’achat et la profondeur commerciale d’Océalia.
Points de repère sur l’opération envisagée
Nature : prise de contrôle majoritaire d’un acteur régional du négoce céréalier.
Périmètre Piveteau : six filiales (Piveteau et fils, Demograins, PMS Agri, Chantegrains, Grains d’Aquitaine, ALVS), 80 salariés, 82 millions d’euros de chiffre d’affaires 2024.
Garantie d’indépendance de marque : identité conservée et maintien des équipes.
Objectif industriel : densifier le réseau d’origination, fluidifier la logistique régionale et portuaire, élargir la gamme de services aux agriculteurs.
Un duo charentais aux actifs déjà interconnectés
Les deux groupes ne partent pas d’une feuille blanche. Ils partagent des infrastructures et des projets commerciaux qui ont éprouvé leur capacité à travailler ensemble.
- Silos mutualisés à Châteaubernard près de Cognac, identifiés localement sous l’appellation Grenier du Roy.
- Accès portuaire via Sica Atlantique à La Rochelle et Tonnay-Charente, plateforme clé pour l’export des grains.
- Aquitabio, outil commun de commercialisation des céréales bio, levier de diversification.
Cette interconnexion d’actifs est un accélérateur d’intégration: elle réduit le temps de mise en commun des flux et aligne rapidement les schémas logistiques, du silo de plaine au terminal portuaire.
Aquitabio : un levier opérationnel sur le bio régional
Le canal Aquitabio facilite la collecte, le tri, la certification et la mise en marché de céréales biologiques. En agrégant volumes et débouchés, il offre un pouvoir de négociation renforcé et un accès stable aux acheteurs.
Pour Piveteau, l’adossement à un canal structuré bio réduit l’aléa commercial. Pour Océalia, la consolidation de ce flux conforte son positionnement de fournisseur multi-segments, incluant conventionnel, bio et productions différenciées.
L’accès à des capacités portuaires fluides permet de capter la prime export sur certaines campagnes. Un schéma logistique maîtrisé, de la collecte au navire, réduit les coûts unitaires et sécurise les délais, deux facteurs déterminants pour les traders et les industriels. Pour les coopératives et négociants, la visibilité sur la congestion portuaire et les slots d’embarquement conditionne le prix d’enlèvement proposé aux agriculteurs.
Océalia en chiffres et trajectoire depuis la fusion de 2016
Océalia est né en 2016 du rapprochement de Charentes Alliance et Corea, donnant naissance à un acteur régional majeur avec 700 millions d’euros de chiffre d’affaires à la création (Sud Ouest, 2016).
En 2020, la coopérative a enregistré 780 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un résultat net de 6,1 millions d’euros (Sud Ouest, décembre 2020). Le modèle défendu reste celui d’une agriculture de la troisième voie : production performante, innovante, et mieux-disante en matière d’impact, sans se limiter aux filières strictement biologiques.
Les chiffres communiqués par le groupe font état d’un chiffre d’affaires de 933 millions d’euros et d’un collectif de 1 600 salariés et 7 000 adhérents. En mai 2025, une rencontre avec la Chambre d’agriculture de la Charente a porté sur la diversification des productions et l’adaptation aux aléas climatiques, confirmant les priorités stratégiques affichées.
La troisième voie cherche à concilier rendements et exigences environnementales sans dogmatisme. Elle s’appuie sur la modulation des intrants, l’agrivoltaïsme raisonné, le pilotage fin des cultures par l’agroéquipement et des itinéraires techniques adaptés parcelle par parc. L’objectif est de sécuriser le revenu des exploitations tout en améliorant l’empreinte agronomique sur le long terme.
Feuille de route d’innovation et diversification
Océalia multiplie les pistes d’innovation: accompagnement de la transition agronomique, nouvelles valorisations de productions, et signaux prix issus d’autres filières exportatrices. Les données régionales sur les vins en vrac (DRAAF Occitanie, juillet 2025) soulignent l’intérêt d’indicateurs inter-filières pour calibrer les stratégies de ventes et saisir les fenêtres de marché.
L’articulation entre cultures de plein champ, filières bio et segments en croissance (oléagineux, protéines végétales) restera un marqueur des prochains exercices, avec une nécessité: sécuriser la logistique à chaque maillon.
Impact attendu sur la filière céréalière en nouvelle-aquitaine
L’adossement de Piveteau à un groupe coopératif multifilières change d’échelle le pilotage des flux. Les principaux effets anticipés portent sur la compétitivité prix, la fiabilité des enlèvements et la couverture des risques sur les marchés.
- Achat groupé d’intrants : négociation renforcée auprès des fournisseurs d’engrais, semences et agroéquipements.
- Optimisation des silos : meilleure capacité de séchage et de triage à façon, allègement des goulets d’étranglement à la récolte.
- Accès export : amélioration des arbitrages entre marchés domestiques et internationaux, selon les prix et les parités de fret.
- Continuité commerciale : un front-office stable chez Piveteau pour préserver la relation agriculteurs-clients.
Effets sur l’emploi et le maillage logistique
Le maintien des équipes Piveteau constitue un signal social important en Charente. À court terme, la priorité est de pérenniser les postes liés à la collecte, au triage et à la maintenance des installations.
À moyen terme, des postes d’appui pourraient se développer sur la qualité, la cybersécurité des processus industriels et la gestion des risques, au fur et à mesure de l’intégration des systèmes.
Enjeux industriels immédiats sur la campagne
1. Flux moisson : synchroniser les fenêtres de séchage et de ventilation entre sites pour réduire les coûts énergétiques.
2. Qualité : unifier les référentiels d’analyses (PS, humidité, protéines) pour faciliter les arbitrages inter-silos.
3. Contractualisation : proposer des contrats à prix garantis et des options de couverture simplifiées pour les adhérents et clients producteurs.
4. Traçabilité : harmoniser les systèmes d’information pour suivre les lots du champ à l’expédition.
Gouvernance et cadre légal : balises à surveiller jusqu’à la signature
La nature de l’opération, une prise de contrôle majoritaire d’un groupe familial par une coopérative, appelle une exécution par étapes. Les trois séquences clés seront l’audit de due diligence, la négociation des accords (prix, garanties, périmètre) et la consultation des instances des deux groupes.
Selon les seuils de chiffre d’affaires et les parts de marché sur les bassins concernés, une notification à l’Autorité de la concurrence pourra être exigée. Elle vise à s’assurer qu’aucune entrave significative à la concurrence ne se forme sur les marchés de la collecte, du stockage ou de la vente d’intrants.
Les services déconcentrés et l’écosystème institutionnel charentais, régulièrement mobilisés sur la filière agricole, constituent un environnement propice au dialogue, comme en témoignent les actualisations des services de l’État en Charente à l’été 2025. Les listes officielles des transporteurs publiées par le ministère de l’Agriculture en septembre 2025 signalent aussi l’importance d’un maillage logistique certifié sur la filière.
En France, une opération de concentration doit être notifiée si certains seuils de chiffre d’affaires sont franchis. Le contrôle porte sur l’effet de l’opération sur la structure de marché.
Le dossier inclut les parts de marché, les zones de chalandise, la nature des produits et l’analyse des effets horizontaux et verticaux. En agro, l’attention se porte sur la collecte, les infrastructures de stockage et les débouchés export.
Repères détaillés sur piveteau et ses métiers
Piveteau a construit une intégration courte autour des cultures de la région avec six filiales: Piveteau et fils, Demograins, PMS Agri, Chantegrains, Grains d’Aquitaine et ALVS.
La chaîne de valeur couvre l’approvisionnement des exploitations, la collecte et le triage à façon, jusqu’à la transformation et la vente de pièces détachées. Ce périmètre concentre des savoir-faire techniques précieux: gestion fine des caractéristiques qualité, optimisation des opérations de tri, et services après-vente pour l’atelier et le parc matériel.
Piveteau : stratégie et résultats
En 2024, le groupe a enregistré 82 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 80 salariés. Son ancrage à Val des Vignes et dans les communes voisines lui donne une proximité de collecte et une souplesse opérationnelle appréciées des exploitants.
Le maillage de filiales répond à des logiques de spécialisation et de service client. L’intégration à un groupe coopératif permettra de mieux lisser les pics d’activité saisonniers et d’accéder à des outils de couverture de marché plus robustes.
Dans le négoce de grains, la performance dépend d’un faisceau de micro-décisions : humidité à l’entrée, coût de l’énergie pour le séchage, remplissage des cellules, planification des expéditions, couverture du risque prix. Une organisation intégrée réduit les pertes et améliore la prime logistique payée par les acheteurs. À l’échelle d’un groupe, quelques points de base gagnés sur les coûts produisent un effet levier significatif sur la marge.
Rôle de la diversification et signaux de marché adjacents
La diversification des productions est un axe stratégique partagé par Océalia et la Chambre d’agriculture de la Charente, avec des travaux menés au printemps 2025. L’objectif: élargir le portefeuille au-delà des céréales dominantes et calibrer la rotation culturale pour stabiliser les revenus.
Dans cet esprit, certaines filières adjacentes fournissent des signaux de prix utiles. Les données régionales publiées en juillet 2025 sur le marché du vrac des vins en Occitanie illustrent comment des filières diversifiées, en lien avec l’export, influencent les stratégies de commercialisation de l’ensemble des productions végétales (DRAAF Occitanie, 2025). Ces informations contribuent à affiner les arbitrages entre débouchés, notamment pour les productions sous contrat.
La future entité combinée pourrait s’appuyer sur des outils d’aide à la décision pour synchroniser ventes physiques, stocks et couverture financière. Le but: réduire la volatilité de trésorerie et sécuriser les flux de marge.
Ce que la diversification change concrètement pour un négociant
- Étalement du risque : moindre exposition aux chocs de prix sur une seule culture.
- Usage optimisé des outils : sécheurs et trieurs valorisés plus longtemps dans la campagne.
- Nouveaux débouchés : contrats spécifiques avec l’alimentation animale, les industries de l’amidon et les filières bio.
- Prime qualité : segmentation des lots pour capter des plus-values à l’export ou en IGP.
Capacités logistiques, transport et qualité : un triangle stratégique
Le succès d’un rapprochement dans le négoce agricole tient à un triptyque opérationnel: stockage, transport et qualité. L’articulation des silos intérieurs et des terminaux portuaires de La Rochelle et Tonnay-Charente constitue un avantage concurrentiel, en particulier les années de forte pression export.
La disponibilité d’un réseau de transporteurs référencés certifie la continuité logistique entre moisson et embarquement. Elle accélère aussi les expéditions vers les meuniers et les fabricants d’aliments, améliorant la rotation des capitaux immobilisés en stocks.
La qualité, enfin, se joue au silo. En agrégeant les millions de tonnes traitées annuellement, quelques points de PS ou de protéines peuvent faire varier la prime de vente. L’intégration des référentiels et des protocoles d’analyse entre Piveteau et Océalia constituera un gain rapide et mesurable.
Calendrier et prochaines étapes : pragmatisme avant tout
Le processus suit un chemin classique. À court terme: due diligence, calage du périmètre, puis rédaction des accords. À moyen terme: synchronisation des systèmes, convergence des pratiques d’achats et calibrage des comités de pilotage communs.
Les structures charentaises partagées entre les deux groupes, et la pratique déjà éprouvée sur des actifs communs, réduisent le risque d’exécution. L’équation sociale est balisée par l’engagement de maintien des équipes. Le facteur clé devient alors la vitesse de mise en musique des synergies logistiques et commerciales.
1. Achats et intrants : mutualiser les volumes pour obtenir des conditions alignées, avec une grille unique de remises.
2. Qualité et traçabilité : harmoniser les logiciels de gestion de silo et les seuils d’acceptation, pour des lots interchangeables.
3. Logistique : planifier les flux portuaires et la réservation de contingents ferroviaires ou routiers à l’avance, en sécurisant les créneaux sur Sica Atlantique.
Cap industriel renforcé pour les céréales charentaises
Si elle est menée à son terme, la prise de contrôle majoritaire de Piveteau par Océalia devrait donner de la profondeur au négoce charentais, tout en laissant vivre la marque et les équipes qui en ont fait la réputation. Les actifs partagés, déjà en place, constituent un socle rare dans la profession pour accélérer l’intégration.
La cohérence stratégique est claire: densifier l’origination, sécuriser la logistique et mieux valoriser les productions dans un environnement de prix volatil. Les signaux de marché, des céréales aux vins, rappellent qu’une chaîne bien huilée est celle qui sait arbitrer vite entre débouchés.
En Charente, l’assemblage Océalia-Piveteau dessine une plateforme agricole robuste, au croisement de la proximité terrain et d’une ambition industrielle assumée.