À Tarascon, NGE franchit un cap en rachetant Saceem, leader uruguayen du BTP. L’opération, annoncée début octobre 2025, donne au groupe français une assise immédiate en Amérique latine, avec un effectif cumulé renforcé et des références techniques déjà partagées. Au-delà du périmètre, l’enjeu est stratégique : transformer l’international en relai de croissance pérenne et rentable.

NGE en Amérique latine : une opération structurante autour de Saceem

Quatrième acteur du BTP en France, NGE accélère sa trajectoire hors de l’Hexagone par l’acquisition de Saceem, entreprise uruguayenne de référence, basée à Montevideo et employant 1 800 salariés. Cette opération confirme l’ambition internationale du groupe installé à Tarascon et constitue, à ce stade, sa plus importante croissance externe à l’étranger.

Le périmètre racheté est significatif. Fondée en 1951 et dirigée par Alejandro Ruibal, Saceem a développé des expertises pointues en ouvrages d’art, routes, ports, hydraulique et bâtiments industriels. Son chiffre d’affaires 2024 s’établit autour de 300 millions d’euros, soit une progression d’environ +130 % depuis 2015, portée par la dynamique infrastructurelle uruguayenne et des références régionales solides.

Saceem : profil et position de marché

En Uruguay, Saceem s’est imposée comme un acteur pivot des chantiers complexes. La combinaison d’un historique de plus de 70 ans, d’une ingénierie locale robuste et d’une empreinte multisectorielle positionne l’entreprise comme un catalyseur d’accès aux marchés voisins pour un industriel européen.

Pour NGE, l’intérêt est double : accès immédiat à des équipes expérimentées et portefeuille commercial crédible dans une zone où la demande en infrastructures résilientes progresse.

Calendrier et autorisations réglementaires

L’accord a été validé par l’autorité de la concurrence uruguayenne, ouvrant la voie à une finalisation annoncée d’ici fin octobre 2025. Le prix n’a pas été divulgué.

Les estimations sectorielles évoquent une valorisation de plusieurs centaines de millions d’euros, au regard du profil de Saceem et de son carnet d’affaires. L’annonce publique est intervenue le 1er octobre 2025 (Boursorama, 1er octobre 2025).

L’essentiel chiffré de l’opération

Points clés communiqués par les parties et la presse économique :

  • Effectifs Saceem : 1 800 salariés.
  • CA Saceem 2024 : environ 300 M€.
  • Autorisation concurrence : obtenue en Uruguay.
  • Finalisation : attendue d’ici fin octobre 2025.
  • Valeur transactionnelle : non publiée.

Le contrôle des concentrations uruguayen vise, comme en Europe, à prévenir les effets anticoncurrentiels d’une acquisition sur un marché pertinent national. L’examen porte notamment sur la structure des parts de marché, les barrières à l’entrée, les effets coordonnés et les gains d’efficience potentiels. L’aval obtenu signifie que, dans le cas d’espèce, l’opération ne soulève pas d’objection concurrentielle majeure.

Cartographie élargie : l’Uruguay comme hub et le Paraguay en accès

NGE est présent dans 21 pays. En Amérique latine, le groupe opère déjà en Uruguay, au Pérou, au Mexique et au Panama.

Avec Saceem, NGE s’ouvre le Paraguay où l’entreprise uruguayenne détient des contrats en cours. L’Amérique latine devient dès lors la première zone internationale pour NGE en contribution d’activité, devant l’Afrique.

Ce repositionnement géographique reflète un mouvement de fond : la région attire des capitaux dans les transports, l’hydraulique, l’énergie et les aménagements industriels. La stabilité institutionnelle de l’Uruguay et les programmes de modernisation au Pérou et au Paraguay constituent des relais de projets récurrents, souvent structurés en PPP.

Uruguay, Pérou, Mexique, Panama : quatre points d’appui, un corridor d’opportunités

Le déploiement de NGE s’articule autour de chantiers de référence pilotes :

  • Uruguay : expertise multi-ouvrages et logistique portuaire, appuyées par la base historique de Saceem.
  • Pérou : projets de protection côtière et hydraulique, en raison de l’exposition au phénomène El Niño.
  • Mexique : opportunités dans les réseaux et les infrastructures urbaines, en phase avec la croissance démographique.
  • Panama : perspective d’ouvrages associés aux hubs logistiques et à la résilience climatique.

Le Paraguay s’ajoute comme marché adjacent, offrant des besoins en infrastructures routières et hydrauliques sur un cycle pluriannuel.

Les partenariats public-privé en Amérique latine reposent fréquemment sur des modèles de disponibilité, de péage ou de paiement à l’avancement. Trois points contractuels sont déterminants pour un industriel européen :

  • Risque change : indexations contractuelles et clauses de révision de prix adossées aux devises de référence.
  • Force majeure climatique : définition précise des événements El Niño/La Niña et mécanismes d’indemnisation.
  • Garanties de paiement : mise en place de fiducies et de comptes ségrégués pour sécuriser les flux.

La solidité juridique des PPP varie selon les pays. L’Uruguay se distingue par une sécurité contractuelle renforcée, ce qui explique l’intérêt des investisseurs long terme.

Synergies techniques et références de chantiers

NGE et Saceem ne partent pas d’une feuille blanche. Les deux entreprises ont déjà coproduit des projets emblématiques combinant ingénierie, conduite de travaux et gestion de risques climatiques. Cette antériorité de coopération réduit le risque d’exécution post-acquisition et offre des synergies rapides sur les équipes.

Projets ferroviaires en Uruguay : 264 kilomètres modernisés

Les deux partenaires ont contribué à la réalisation d’une voie ferrée de 264 km en Uruguay. Au-delà du kilométrage, la valeur de ce retour d’expérience réside dans la maîtrise des interfaces : terrassement, génie civil, ouvrages d’art, signalisation et coordination des sous-traitants. Pour NGE, c’est un atout opérationnel. Pour Saceem, c’est l’accès à des méthodes et outils de pilotage éprouvés à l’échelle européenne.

Pérou : digues et protections de berges contre El Niño

Au Pérou, les deux groupes travaillent sur des digues de plusieurs kilomètres, destinées à renforcer la résilience des territoires côtiers face aux crues et aux tempêtes associées à El Niño. Ces chantiers illustrent l’intégration de critères ESG dans la conception et l’exécution : matériaux optimisés, réduction des émissions chantiers et pérennité de l’ouvrage.

Construction verte : pratiques affirmées chez Saceem et NGE

Éléments mis en avant par les entreprises :

  • Certifications LEED sur des ouvrages réalisés par Saceem, gage de performance environnementale.
  • Intégration ESG assumée par NGE dans la conception et la réalisation des projets.
  • Réduction des émissions via l’optimisation logistique et le réemploi des matériaux lorsque c’est possible.

NGE : diversification confirmée, capacité à piloter des chantiers complexes

En France, NGE a renforcé son socle d’expertises dans les infrastructures, les réseaux et les services. Cette diversification, couplée à une discipline d’exécution, alimente un chiffre d’affaires groupe de 4,6 milliards d’euros en 2024. Le groupe s’est également illustré par des opérations de croissance ciblées, afin d’épaissir ses compétences dans l’assainissement et les télécoms.

Les appels d’offres en Amérique latine valorisent les références d’ouvrages comparables. Avoir réalisé des tronçons ferroviaires ou des protections de berges long-courrier est déterminant pour :

  • répondre aux critères de qualification technique et de capacité financière,
  • réduire les primes de risque sur le budget,
  • optimiser le planning par des méthodes déjà éprouvées.

La combinaison NGE-Saceem coche ces prérequis, améliorant la compétitivité du duo sur des lots complexes régionaux.

Gouvernance, capital et mécanismes de financement

La structure actionnariale de NGE est un facteur clé de stabilité. Le groupe est contrôlé à 72 % par ses fondateurs, managers et salariés, et à 28 % par le fonds français Montefiore. Ce schéma favorise une gouvernance entrepreneuriale, attentive aux retours sur capitaux investis et à l’innovation.

Montefiore : ancrage au capital et soutien à l’expansion

Investisseur depuis 2018, Montefiore a apporté au fil des ans plus de 200 millions d’euros pour soutenir la croissance, notamment à l’international et en R&D. La présence d’un actionnaire financier régulé par l’AMF renforce la capacité du groupe à structurer des opérations transfrontalières et à financer des capex d’entrée sur nouveaux marchés.

Modèle actionnarial : intéressement salarié et alignement long terme

Avec un actionnariat salarié autour de 10 % du capital, NGE associe ses équipes à la performance. Ce dispositif contribue à l’attractivité RH et favorise la rétention des compétences. Pour des projets au long cours, cet alignement est un facteur de qualité d’exécution et de maîtrise des coûts.

Sur les transactions transfrontalières, trois volets sont scrutés par les directions finance et juridique :

  • Conformité fiscale internationale : respect des standards OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et lutte contre le transfert artificiel de bénéfices.
  • Consolidation et covenants : impacts sur la dette nette, les ratios et la structure bilancielle.
  • Clauses post-acquisition : garanties d’actif et de passif, mécanismes d’ajustement de prix et conditions suspensives locales.

Dans le cas NGE-Saceem, les parties indiquent un respect des régimes uruguayens et français. La transparence de gouvernance reste un attendu fort pour les parties prenantes.

Trajectoire financière et emploi : effets attendus en 2025-2028

Avec l’intégration de Saceem, NGE anticipe une hausse de 78 % de ses revenus à l’international, portant ce périmètre à 700 millions d’euros. À moyen terme, l’objectif est d’atteindre 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires hors de France d’ici 2028. À l’échelle du groupe, l’activité pourrait dépasser 6 milliards d’euros à cet horizon.

En 2024, l’international représentait 15 % des revenus de NGE. La bascule latino-américaine doit mécaniquement accroître cette part, tout en améliorant le profil de croissance organique via la captation de marchés récurrents en ferroviaire, hydraulique, ports et bâtiments industriels.

Emploi et compétences : maintien des équipes et montée en gamme

L’acquéreur indique viser la préservation des 1 800 emplois de Saceem, avec des synergies par transferts de compétences et de méthodes. Des programmes de formation croisée sont prévus, notamment en BIM et en IA pour l’optimisation de la planification et des coûts.

Au-delà de l’intégration, NGE affirme vouloir investir dans des secteurs en croissance de la région : énergies renouvelables, transports durables et infrastructures résilientes au climat. Ces axes recoupent les appétits des bailleurs publics et privés, tout en s’alignant avec les standards ESG.

Demande soutenue en infrastructures : lecture macro

L’Amérique latine nécessite des investissements annuels massifs en infrastructures, évalués à environ 150 milliards de dollars selon la Banque interaméricaine de développement. Cette profondeur de marché attire les majors internationales et conforte la stratégie d’implantation locale via des acquisitions.

Faits marquants marché et ambition NGE

  • International : 700 M€ visés post-opération, cap à 1 Md€ d’ici 2028.
  • Groupe : CA 2024 à 4,6 Md€; croissance tirée par la diversification.
  • Compétences : priorités BIM et IA pour optimiser coûts et délais.
  • Régional : LatAm première zone internationale en contribution.

Ces éléments, rapportés par la presse spécialisée, positionnent NGE face aux grands acteurs mondiaux avec une approche d’agilité et d’ancrage local (Batiactu).

Concurrence et positionnement : un challenger offensif

Le groupe provençal se place en challenger agile dans un univers dominé par des géants. Sa stratégie consiste à multiplier les points d’appui locaux, à capitaliser sur des références techniques tangibles et à offrir une capacité d’exécution compétitive. Dans la communication du groupe, la volonté de stimuler la concurrence est assumée, avec l’objectif de capter des lots complexes, y compris face à des acteurs historiques.

Qui est NGE : trajectoire, ADN et champs d’intervention

NGE, pour Nouvelles Générations d’Entrepreneurs, a été fondé par Joël Rousseau et Antoine Metzger à partir d’une base provençale. Le groupe emploie désormais plus de 26 000 personnes à travers le monde et couvre un spectre large : terrassement, génie civil, ouvrages d’art, réseaux, ferroviaire, hydraulique et services. En France, NGE intervient notamment sur des projets structurants, y compris la rénovation d’infrastructures lourdes et des aménagements techniques à forte intensité d’ingénierie.

Cap 2028 : feuille de route et points de vigilance

La trajectoire dévoilée est claire : faire de l’Amérique latine un pilier de l’international, avec un objectif d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires hors France à l’horizon 2028. La consolidation de Saceem constitue un levier immédiat.

Les premiers travaux conjoints réussis en Uruguay et au Pérou réduisent le risque d’exécution et crédibilisent le plan industriel. Les équipes, l’ingénierie et la gouvernance financière sont au rendez-vous.

Reste à piloter finement l’équation économique : gestion des chaînes d’approvisionnement, exposition au change, discipline contractuelle sur les PPP, et maintien des standards ESG. En bref, une expansion offensive mais structurée, conçue pour durer.

Si l’opération se boucle comme annoncé, NGE aura scellé un ancrage latino-américain qui rebat les cartes de sa croissance internationale.