À Trouville-la-Haule, Transport Lemaistre Hervé met la clé sous la porte. Le tribunal de commerce de Bernay a prononcé, le 25 septembre 2025, la liquidation judiciaire de cette PME familiale du transport de conteneurs. Huit mois après l’ouverture d’un redressement judiciaire, la décision scelle l’arrêt définitif d’une activité ancrée autour du port du Havre et de l’axe normand.

Liquidation judiciaire de TLH : fin d’activité actée à Bernay

Le jugement de liquidation judiciaire rendu par le tribunal de commerce de Bernay met un terme à l’histoire de Transport Lemaistre Hervé (TLH), créée en 2013 et implantée à Trouville-la-Haule, dans l’Eure. L’entreprise opérait principalement sur le segment des conteneurs maritimes au départ du port du Havre, avec une activité complémentaire en transport conventionnel. À son pic d’activité, la structure employait une dizaine de salariés.

Cette issue judiciaire intervient après une période de tension aiguë sur la trésorerie. La société, comme nombre d’acteurs du transport routier de marchandises, a subi une progression des charges difficile à absorber, dans un marché où la renégociation des tarifs ne suit pas toujours la même cadence que les hausses de coûts.

TLH en bref : repères à retenir

Quelques éléments essentiels pour situer la décision de liquidation judiciaire du 25 septembre 2025.

  • Siège : Trouville-la-Haule (Eure).
  • Année de création : 2013.
  • Métiers : transport de conteneurs maritimes, transport conventionnel.
  • Port d’attache opérationnel : Le Havre.
  • Effectifs : environ une dizaine de personnes à l’apogée.
  • Procédure : redressement judiciaire puis liquidation judiciaire le 25 septembre 2025.

Qui est TLH : ancrage havrais et métier conteneurs

TLH s’est développée sur un métier où les cycles sont rythmés par la conjoncture maritime et la logistique portuaire. Le transport de conteneurs, très sensible aux volumes import-export et aux équilibres de capacités, impose une forte discipline opérationnelle et une gestion serrée des coûts variables. Le positionnement de TLH près du Havre, premier port français pour les conteneurs, constituait un avantage de proximité mais aussi une exposition directe aux fluctuations des trafics et des prix.

Procédure collective : du redressement à la liquidation

Placée en redressement judiciaire il y a presque huit mois, l’entreprise n’a pas pu restaurer une rentabilité suffisante pour assurer sa continuité d’exploitation. Le tribunal a donc opté pour la liquidation judiciaire, décision qui met fin à l’activité et ouvre la voie aux opérations de réalisation des actifs et de traitement des créances selon l’ordre de priorité prévu par la loi.

Comptes en berne dès 2023 : accumulation des dettes et effet prix

D’après les éléments communiqués, le résultat net de 2023 s’est détérioré et les dettes ont progressé. Les raisons sont classiques pour le secteur : un panier de coûts en forte tension, composé essentiellement de carburant, de maintenance, d’assurances et de masse salariale. Quand la demande se tasse ou progresse trop lentement, l’effet de ciseau s’installe et grève les marges.

La période 2024-2025 n’a pas été uniforme. Si certains indicateurs macro ont pointé une reprise modérée de l’activité, l’embellie n’a pas permis d’alléger la pression financière pour des entreprises déjà fragilisées. Dans ce contexte, une PME familiale comme TLH, fortement exposée à des flux conteneurs volatils, a vu sa trajectoire contrainte par des délais de paiement, des coûts unitaires élevés et un pouvoir de négociation limité face aux donneurs d’ordre.

Coûts carburant et masse salariale : un effet de ciseau sectoriel

Le carburant demeure la ligne budgétaire la plus volatile, capable d’éroder plusieurs points de marge quand il s’apprécie plus vite que les tarifs de transport. À cela s’ajoutent des coûts de main-d’œuvre en hausse, inhérents aux dynamiques de recrutement et de fidélisation des conducteurs, dans un secteur où la tension RH est structurelle. Les ajustements tarifaires, souvent annuels ou semestriels, répondent rarement avec la réactivité nécessaire.

Dans une telle configuration, la sensibilité au point mort devient critique : un petit écart de remplissage ou de kilomètres à vide peut rapidement compromettre la rentabilité mensuelle. Pour TLH, la baisse de performance enregistrée dès 2023 a enclenché une dynamique d’endettement difficile à inverser.

Le redressement judiciaire vise à permettre la poursuite de l’activité et l’apurement du passif, sous contrôle du tribunal et d’un administrateur. Il peut aboutir à un plan de redressement, à une cession totale ou partielle, ou à une liquidation. La liquidation judiciaire intervient quand la situation est irrémédiablement compromise : elle entraîne l’arrêt de l’activité, la réalisation des actifs et la répartition des sommes aux créanciers selon l’ordre légal.

Indicateurs 2025 du transport : activité en légère hausse, emploi quasi stable

Au niveau national, les publications publiques font état d’une hausse modérée de l’activité du transport en 2025, avec des signaux contrastés selon les segments. Au premier trimestre 2025, le volume de production marchande du transport s’est accru de 0,4 % par rapport au trimestre précédent, tandis que l’emploi salarié dans le transport et l’entreposage s’affiche quasi stable à 1 552 700 salariés, en très léger repli de 0,1 % (SDES, T1 2025). Les Chiffres clés des transports 2025 confirment une progression annuelle légère pour le transport de marchandises (+0,6 %) et les services de transport (+0,5 %), quand le transport de voyageurs stagne à -0,1 % (CGDD, mars 2025).

Ces tendances illustrent un environnement macro en sortie de creux, insuffisant toutefois pour toutes les entreprises. Les structures les plus exposées à la hausse des charges et à la cyclicité des flux n’ont pas suffisamment profité de ce frémissement, surtout en l’absence de leviers rapides sur les contrats et les conditions d’achat.

Métriques Valeur Évolution
Volume de production marchande du transport (T1 2025 vs T4 2024) +0,4 % Hausse légère
Emploi salarié transports et entreposage (T1 2025) 1 552 700 -0,1 %
Transport de marchandises (2025) +0,6 % Progression annuelle
Services de transport (2025) +0,5 % Progression annuelle
Transport de voyageurs (2025) -0,1 % Quasi stagnation
Sécurité routière (décès en 2024) 3 432 n. c.
Défaillances d’entreprises en France (T3 2025) +5,2 % Progression

Lecture économique pour les PME du TRM

Le tableau suggère un retour progressif de l’activité sans bascule franche sur l’emploi. Pour les PME du TRM, cela signifie des carnets qui se regarnissent lentement mais ne compensent pas spontanément la dérive des charges fixes et variables. Sans effets de taille sur les achats et la maintenance, ni capacité à lisser les coûts énergétiques, l’écart concurrentiel s’amplifie entre acteurs.

Dans ce contexte, la discipline de trésorerie, la structuration des contrats et la gestion fine des kilomètres à vide deviennent déterminantes. Lorsque ces marges de manœuvre sont trop réduites, une reprise modérée ne suffit pas à inverser la trajectoire d’entreprises déjà fragilisées, comme l’illustre TLH.

Normandie : défaillances en progression et cas emblématiques

Le cas TLH n’est pas isolé. En Normandie, les défaillances d’entreprises de transport et d’entreposage ont progressé depuis le début de 2025. À l’échelle nationale, les publications spécialisées font état d’une augmentation de 5,2 % des défaillances au troisième trimestre 2025. Dans la région, les difficultés touchent des profils variés, de la PME orientée conteneurs à la logistique multi-activités.

Malgré tout, la branche résiste relativement mieux que d’autres secteurs. Des analyses professionnelles soulignent que le transport routier de marchandises échappe en partie à la tourmente, ce qui n’empêche pas la fermeture de structures vulnérables lorsque la hausse de coûts dépasse le seuil d’absorption tarifaire.

Buffard Logistique France : une autre liquidation havraise

L’exemple de Buffard Logistique France, maison fondée en 1945 et récemment placée en liquidation judiciaire, illustre cette fragilité sur l’axe havrais. Cet acteur historique de la logistique, implanté au Havre, a lui aussi subi les chocs d’un marché plus sélectif et de coûts de fonctionnement à la hausse. La juxtaposition de dossiers comme Buffard Logistique France et TLH marque un signal d’alerte pour la chaîne conteneurs normande.

TRM24.fr : un TRM plus résilient que d’autres branches

Les contenus sectoriels publiés sur TRM24.fr rappellent que le TRM demeure plus résilient que d’autres activités face à la hausse des défaillances, grâce à la persistance des besoins de transport, à des volumes plus stables que l’industrie lourde et à la capacité d’ajuster rapidement l’offre. Cette résilience n’est toutefois pas un bouclier absolu lorsque l’endettement progresse et que les marges se contractent sur la durée.

Défaillances 2025 : signal national et résonance locale

Un chiffre à surveiller : +5,2 % de défaillances d’entreprises au T3 2025 en France. Ce mouvement, cité par des sources spécialisées, se reflète en Normandie. Il ne condamne pas le TRM, réputé plus résilient, mais fragilise les PME familiales les plus exposées aux coûts.

  • Normandie : hausse notable des procédures dans le transport et l’entreposage.
  • Le Havre : plusieurs entreprises touchées dans l’écosystème conteneurs.
  • PME : vulnérabilité accrue en l’absence de leviers sur l’énergie et la dette.

Port du Havre et chaîne conteneurs : impacts locaux de la fermeture

Autour du Havre, la fermeture de TLH interroge la continuité de service sur certains flux de conteneurs terrestres. À court terme, les donneurs d’ordre auront tendance à rebasculer les volumes vers des transporteurs disponibles. À moyen terme, la disparition d’un maillon local peut peser sur la fluidité des rotations et la qualité de service sur certaines liaisons, notamment en périodes de pointe.

Sur l’emploi, l’impact est d’abord micro-économique, à l’échelle d’une dizaine de postes, mais les effets d’entraînement existent pour les sous-traitants, loueurs, ateliers de maintenance, assurances et services associés. Dans un tissu régional où le transport routier et la logistique structurent l’accès aux terminaux maritimes, chaque disparition fragilise la capacité d’absorption face aux à-coups de la demande.

Emploi et sous-traitants : une reconfiguration discrète

Lors d’une liquidation, les actifs roulants peuvent être cédés, et des conducteurs expérimentés réintégrés par d’autres opérateurs. Cette recomposition atténue partiellement le choc social mais ne reconstitue pas instantanément l’empreinte opérationnelle locale d’une entreprise. Les clients doivent reparamétrer leurs flux, renégocier des créneaux et absorber des délais administratifs, autant d’éléments qui ajoutent de la friction dans la chaîne.

Le transport de conteneurs est corrélé aux flux maritimes et aux rotations portuaires, avec des cycles d’activité marqués et des fenêtres d’enlèvement strictes. Le transport conventionnel, plus diversifié, permet une allocation des moyens sur des flux industriels variés. Les deux segments n’offrent pas la même capacité de mutualisation ni la même sensibilité aux kilomètres à vide.

Après TLH, quelles priorités pour le TRM normand

La fermeture de TLH rappelle la vulnérabilité des PME familiales du TRM aux chocs de coûts. Les recommandations des spécialistes convergent : renforcer la diversification des activités, muscler la gestion du poste carburant et maintenir une discipline d’endettement pour absorber les variations de volumes. Dans une région où le port du Havre reste une colonne vertébrale, les initiatives publiques en matière de transport durable et d’outils de soutien peuvent constituer un filet stabilisateur, à condition d’un ciblage fin et d’une mise en œuvre réactive.

La dynamique 2025, encore timide mais positive sur l’activité, ouvre une fenêtre d’adaptation pour les opérateurs solides. Reste à transformer ce frémissement en revenu unitaire soutenable et en marges suffisamment robustes pour encaisser les prochains cycles.

Au-delà du cas TLH, c’est tout l’équilibre économique du transport conteneurisé normand qui se joue, entre pérennité des maillons locaux et capacité d’absorption des chocs de coûts.