Transformer le visage de plusieurs communes françaises tout en consolidant un projet financier d’envergure : voilà l’aboutissement de la récente opération réalisée par Icade et le Groupe Casino. Selon l’annonce d'Icade, ce sont neuf premiers sites, sur les onze initialement prévus, qui rejoignent le portefeuille de la société immobilière pour un montant de 32 millions d’euros. Cet article revient en détail sur les tenants et les aboutissants d’une transaction qui conjugue ambitions urbanistiques, enjeux financiers et perspectives légales.

Une alliance pour réinventer des territoires

L’acquisition de neuf biens par Icade auprès du Groupe Casino dépasse le simple cadre d’une transaction immobilière. Il s’agit d’un dispositif global visant la requalification de plusieurs zones réparties dans des villes comme Marseille (Bouches-du-Rhône), Montpellier (Hérault), Angers (Maine-et-Loire) ou encore Villefranche-sur-Saône (Rhône). Les emplacements concernés comprennent des parkings, des fonciers non bâtis, des murs et d’autres composantes attenantes à des établissements commerciaux.

À travers cette revalorisation, Icade entend s’attaquer à un défi majeur : redessiner les entrées de villes françaises, afin d’y créer des quartiers mixtes et d’y ajouter des services au plus près des besoins de la population. L’opération met également en lumière l’ambition du Groupe Casino de réduire sa dette financière et de préserver la vitalité de ses enseignes de distribution.

Au total, plus de 3 000 logements pourraient voir le jour sur ces emplacements, tandis que 29 000 m² de surfaces commerciales seraient reconstitués ou modernisés, en accord avec la volonté de verdir et de revitaliser les abords urbains.

Un aperçu du plan ReShapE d’Icade

Le projet d’acquisition finalisé par Icade s’intègre directement dans son plan stratégique ReShapE. Lancé pour donner une orientation écologique et innovante à la promotion immobilière, ReShapE s’articule autour de la construction de la “ville de 2050”. Concrètement, il s’agit de développer des logements et infrastructures de manière réfléchie, résiliente et en harmonie avec la nature environnante.

Avec cette transaction, Icade entend transformer le foncier existant plutôt que d’aller artificialiser de nouveaux terrains, répondant ainsi aux exigences législatives et sociétales, notamment en matière de réduction de l’empreinte écologique. Chaque requalification se veut un levier d’attractivité pour la municipalité concernée, grâce à des investissements dans la mobilité urbaine, la performance énergétique et le cadre de vie.

Les chiffres-clés d'Icade

Fin 2024, le patrimoine total d’Icade (hors et en quote-part des co-entreprises) s’élevait à 6,4 milliards d’euros. Son chiffre d’affaires économique sur la même période a atteint 1,2 milliard d’euros. L’entreprise est cotée sur Euronext Paris et bénéficie de l’appui solide du groupe Caisse des Dépôts, son principal actionnaire.

En parallèle, cette acquisition illustre la capacité de la société à tisser des alliances avec d’autres acteurs, qu’ils soient institutionnels (CDC Habitat) ou privés (Groupe Casino), de manière à mutualiser les ressources et les compétences. Icade bénéficie ainsi de l’expertise commerciale de Casino, tandis que ce dernier peut s’appuyer sur le savoir-faire de la branche promotion immobilière d’Icade pour valoriser ses actifs.

Quand immobilier et distribution se rejoignent

Cette transaction de 32 millions d’euros n’est pas sans conséquence pour le Groupe Casino. Spécialiste de la grande distribution et acteur majeur du commerce de proximité en France, Casino ambitionne de renforcer sa compétitivité tout en menant à bien son programme de désendettement.

En effet, dans le cadre de son Plan Renouveau 2028, Casino souhaite concentrer ses efforts sur des magasins à taille humaine, plus proches des centres-villes et davantage orientés vers les services d’e-commerce et la logistique de livraison. La vente de ces neuf sites s’inscrit donc dans une stratégie plus large, qui consiste à alléger le bilan financier de l’entreprise. L’enjeu est majeur, car Casino fait face à des obligations et à des dettes financières contractées dans le passé, notamment par sa filiale Quatrim.

La filiale Quatrim du Groupe Casino est un véhicule financier créé pour regrouper certaines dettes obligataires. Réduire l’endettement de cette entité permet à Casino de clarifier sa situation vis-à-vis de ses créanciers et d’accompagner au mieux la transformation de ses activités de distribution.

En parallèle, Casino Immobilier restera impliqué dans la gestion quotidienne du portefeuille cédé. Selon l’accord conclu, la filiale immobilière du distributeur aura un rôle de gestionnaire pendant quatre ans, conservant son expertise sur les emplacements pour en optimiser l’exploitation opérationnelle.

Reconfigurer les entrées de ville : un enjeu majeur

L’un des volets clés de ce partenariat porte sur la transformation des entrées de ville, souvent constituées de zones commerciales vieillissantes ou de friches plus ou moins valorisées. Redessiner ces espaces devient une priorité :

  • Modernisation des façades et amélioration du cadre urbain ;
  • Création de logements pour répondre à la demande croissante ;
  • Renaturation des parcelles pour préserver la biodiversité ;
  • Intégration de services et d’infrastructures de mobilité douce.

Icade annonce d’ailleurs vouloir donner une place prépondérante aux questions environnementales. Les programmes à venir viseront notamment une optimisation de la performance énergétique des bâtiments et la réintroduction d’espaces verts. Les deux sites qui seront développés en collaboration avec le groupe CDC Habitat (à Marseille et Montpellier Sud) illustrent parfaitement cette démarche, puisqu’ils ambitionnent de conjuguer habitat résidentiel, locaux commerciaux et espaces partagés dans une optique d’aménagement durable.

Les “entrées de ville” désignent les zones situées aux abords immédiats d’une agglomération, généralement marquées par la présence de grands axes routiers et de centres commerciaux. Elles constituent souvent la première image qu’un visiteur perçoit de la commune, d’où l’importance de leur revalorisation à des fins esthétiques et économiques.

L’impulsion de la Zéro Artificialisation Nette (ZAN)

En France, le concept de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) a pris une importance cruciale ces dernières années. La loi Climat et Résilience fixe pour objectif de diminuer la consommation d’espaces naturels et agricoles pour préserver la biodiversité et les sols. Cette approche encourage fortement la reconversion de friches ou d’anciens sites industriels/commerciaux, plutôt que la construction sur des terrains vierges.

L’opération Icade-Casino s’inscrit ainsi dans cette logique. En misant sur la restructuration de zones déjà utilisées, on évite d’empiéter sur de nouveaux espaces et on améliore la qualité urbaine existante. Les 3 050 logements prévus sur les parcelles permettront de redensifier les communes concernées sans amplifier l’artificialisation des sols.

Plan Renouveau 2028 du Groupe Casino

Le Plan Renouveau 2028 aspire à faire du Groupe Casino un leader de la proximité et du digital, tout en poursuivant la rationalisation de ses coûts et la réduction de son endettement. Ce plan vise la modernisation du réseau de magasins, l’expansion de sa logistique e-commerce et la cession d’actifs non stratégiques pour renforcer sa structure financière.

Sur le plan légal, la politique ZAN implique également de stricts contrôles administratifs et environnementaux. La mise en œuvre de projets immobiliers sur ces terrains devra se conformer à des normes précises en matière de construction, de gestion de l’eau, de mobilité et d’urbanisme.

Les partenariats institutionnels d’Icade : l’exemple de CDC Habitat

Dans le cadre de ces opérations de requalification, Icade n’agit pas seule. Deux des neuf sites acquis (situés à Marseille et dans le sud de Montpellier) seront développés en partenariat avec CDC Habitat. L’objectif est de réunir l’expertise de deux acteurs publics/para-publics majeurs de l’immobilier français pour :

  • Promouvoir la mixité des usages (logements, commerces, espaces verts) ;
  • Améliorer l’accessibilité et la connectivité des quartiers ;
  • Renforcer l’offre de logements sociaux ou intermédiaires, si besoin ;
  • Gagner en efficacité lors de la phase de conception et de suivi des travaux.

CDC Habitat, filiale de la Caisse des Dépôts, est le premier bailleur de France. Son implication permet de répondre à des objectifs de logement abordable et de garantir une gestion pérenne des immeubles construits.

Lorsque Icade et CDC Habitat interviennent ensemble, elles collaborent étroitement avec les mairies, les métropoles ou les intercommunalités concernées. L’ambition est d’adapter les aménagements aux réalités de terrain et d’obtenir les autorisations nécessaires (permis de construire, études d’impact, etc.) dans un souci d’intérêt général.

Focus sur la dynamique d’Icade Promotion

En plus de son activité de foncière, Icade opère via sa branche Icade Promotion, qui développe et commercialise des programmes de logements, de bureaux et d’équipements. Cette double compétence (foncière et promotion) confère à l’entreprise une position singulière pour mener de front la rénovation, la gestion et la commercialisation de quartiers entiers.

Grâce à son offre baptisée Ville En Vue, Icade Promotion se spécialise dans la reconversion de sites délaissés en projets mixtes. Cette offre répond à des enjeux multiples : créer des logements variés, consolider le tissu économique local, tout en réorganisant l’espace urbain avec des zones piétonnes, des pistes cyclables et des espaces paysagers.

En outre, la stratégie d’Icade Promotion inclut un suivi à long terme de la satisfaction des habitants et des commerçants, afin que les aménagements réalisés demeurent évolutifs et conformes à l’évolution des modes de vie.

Qui est Icade Promotion ?

Icade Promotion est la branche promotion immobilière d’Icade. Elle pilote des chantiers allant du logement étudiant au grand projet tertiaire. Présente dans de nombreuses régions de France, elle vise l’amélioration constante de la qualité de vie urbaine, avec un engagement particulier sur les questions environnementales et la sobriété foncière.

L’histoire et l’ADN du Groupe Casino

Avec plus d’un siècle d’existence, le Groupe Casino est étroitement lié à l’histoire de la distribution en France. Connu pour ses enseignes telles que Monoprix, Franprix, ou encore sa plateforme e-commerce Cdiscount, le groupe s’est forgé une solide réputation dans le commerce de proximité et la vente en ligne. Aujourd’hui, il exploite environ 7 500 magasins de proximité sur l’ensemble du territoire.

L’enseigne s’est également illustrée dans l’univers du non-alimentaire grâce à Cdiscount, lui permettant de se hisser au rang de deuxième acteur de l’e-commerce non-alimentaire en France. Cette diversification s’explique par la volonté de toujours répondre aux nouveaux modes de consommation, notamment l’explosion de l’achat en ligne et la demande de livraisons rapides.

Fort de 25 000 collaborateurs et d’un volume d’affaires net qui a atteint 12,5 milliards d’euros TTC en 2024, le Groupe Casino traverse néanmoins une période de réorganisation financière. La nécessité de réduire la dette, couplée à la volonté de consolider ses activités stratégiques, a poussé le groupe à se séparer d’une partie de ses actifs immobiliers. C’est ainsi que la transaction avec Icade prend tout son sens.

Le déroulement de l’acquisition

Avant de boucler l’acquisition de neuf sites, Icade et le Groupe Casino avaient conclu un accord ferme en décembre 2024 visant un total de onze biens immobiliers. Les conditions préalables, dont les vérifications administratives et légales, ont abouti à une première phase de finalisation, portant sur l’essentiel des emplacements prévus.

Les deux sites restants devraient être cédés à Icade d’ici au deuxième trimestre 2025, une fois toutes les autorisations obtenues et les clauses suspensives levées. Cette scission en deux temps permet de sécuriser le calendrier pour chaque acteur, en assurant un suivi rigoureux du montage financier et de la passation administrative.

Dans ce genre de projet, il est fréquent que la vente d’un lot immobilier s’étale sur plusieurs mois, voire plusieurs années, particulièrement lorsqu’elle implique des opérations de transformation urbaine à forte dimension stratégique. Le rôle des autorités locales est crucial, car de telles requalifications nécessitent souvent des modifications du Plan Local d’Urbanisme (PLU) et un examen approfondi par les élus et les riverains.

Aspects juridiques et financiers : un montage précis

La transaction d’un portefeuille immobilier de cette ampleur implique un dispositif contractuel complexe. Plusieurs éléments ont dû être pris en compte :

  • Clauses d’exclusivité : pour sécuriser la vente et éviter que le vendeur ne négocie avec un autre acquéreur simultanément ;
  • Garanties légales : sur l’état des bâtiments, la présence éventuelle de vices cachés, etc. ;
  • Conditions suspensives : obtention de permis de construire, validation du plan de financement, etc. ;
  • Engagement de gestion : Casino Immobilier s’est vu confier la gestion des sites pour une durée de quatre ans, un point essentiel pour assurer la continuité de l’exploitation existante.

En parallèle, les accords prévoient la possibilité pour le Groupe Casino de rentrer ultérieurement au capital des futures sociétés qui porteront les opérations de promotion immobilière pilotées par Icade. Ce mécanisme permet à Casino de rester associé aux bénéfices éventuels de la requalification, tout en bénéficiant d’une expertise externe pour la conduite des travaux et la commercialisation des espaces créés.

SIIC : le statut d’Icade

Icade est une Société d’Investissements Immobiliers Cotée (SIIC), un statut fiscal français privilégié qui lui permet d’exercer son activité de foncière à un taux d’imposition réduit. En contrepartie, Icade doit distribuer une partie importante de ses bénéfices sous forme de dividendes à ses actionnaires.

Un coup d’accélérateur au désendettement du Groupe Casino

Dans un contexte où la solidité financière revêt une importance décisive, la cession de ces actifs immobiliers est perçue comme un levier majeur pour apaiser la pression de la dette sur le Groupe Casino. Les fonds libérés par l’opération (32 millions d’euros pour les premiers sites) servent en partie à rembourser les prêteurs obligataires de Quatrim, allégeant ainsi le niveau d’engagements financiers.

D’un point de vue purement financier, la réduction de la dette consolide la position de Casino sur les marchés. Elle rassure également les investisseurs quant à la capacité du groupe à mener son plan de transformation. De surcroît, Casino Immobilier reste actif dans la gestion du portefeuille, ce qui lui offre une certaine maîtrise opérationnelle et un lien continu avec des emplacements stratégiques.

En parallèle, la revalorisation future des parcelles cédées pourrait se traduire à plus long terme par une valorisation mutuelle : Casino, s’il choisit de se repositionner dans le capital des sociétés de promotion, pourra tirer profit du gain de valeur immobilier généré par les programmes de réaménagement. Quant à Icade, elle bénéficie déjà d’une base foncière considérable pour déployer ses projets de construction.

Vers un modèle d’urbanisme durable et rentable

Ce partenariat souligne l’émergence d’un modèle économique où l’immobilier et la distribution travaillent de concert à la redéfinition des espaces commerciaux. Les grandes enseignes de distribution, conscientes de l’enjeu écologique et des nouvelles habitudes de consommation, recherchent désormais des solutions hybrides :

  • Développement de surfaces commerciales plus modulaires ;
  • Création d’offres de logement mixte pour valoriser le foncier ;
  • Mise en place de circuits courts pour l’approvisionnement.

Icade, de son côté, y gagne un rôle de “catalyseur urbain” : elle mutualise des compétences immobilières, juridiques et environnementales pour mener à bien des requalifications complexes, tout en s’appuyant sur la force de frappe commerciale et la connaissance terrain des grandes enseignes comme Casino.

Cette alliance démontre qu’une démarche de co-développement peut générer de la valeur pour toutes les parties prenantes : la collectivité locale, l’investisseur privé et l’opérateur de distribution.

Un horizon porteur de transformations pour la ville de demain

Avec la signature de cette opération, Icade confirme sa volonté de s’imposer comme un acteur majeur de la transformation urbaine en France, renforçant la synergie entre foncière et promotion immobilière. L’entreprise souhaite ainsi élaborer des quartiers entièrement repensés, intégrant bureaux, logements, espaces verts et services de proximité.

Pour le Groupe Casino, le recentrage sur le commerce de proximité ouvre la voie à un modèle plus agile, tourné vers la digitalisation et l’expérience client. L’accompagnement de Casino Immobilier dans la gestion du portefeuille permettra également de garantir une transition en douceur, préservant l’activité des commerces présents et anticipant les possibles mutations du marché.

Cette stratégie s’accorde avec les revendications des consommateurs, qui sont de plus en plus attentifs à la qualité urbaine et à la cohérence environnementale. Les friches commerciales, longtemps considérées comme des passifs, deviennent alors l’opportunité d’édifier de véritables quartiers urbains, ouverts et accessibles.

Des pistes à explorer

La seconde phase de l’opération, prévue pour le deuxième trimestre 2025, devrait aboutir à l’acquisition des deux derniers sites du portefeuille, consolidant un dispositif qui allie création de logements, renforcement du tissu commercial et réduction de la dette du Groupe Casino.

Au-delà du cas présent, cette transaction pourrait inspirer d’autres grands groupes de la distribution. Le redéploiement urbain et la mixité fonctionnelle sont devenus des maîtres-mots dans l’immobilier moderne : les acteurs économiques cherchent à libérer la valeur de leurs fonciers sous-exploités, tout en participant activement à la reconfiguration des territoires.

En définitive, Icade et le Groupe Casino ouvrent la voie à une collaboration féconde entre le secteur de la grande distribution et celui de la promotion immobilière. Les enjeux sont multiples : urbanistiques, écologiques, sociaux et financiers. En mariant l’expertise immobilière à la puissance d’un réseau de distribution, ces deux géants proposent un nouveau paradigme urbain tourné vers la durabilité et la complémentarité des usages.