Hugging Face rencontre Pollen Robotics : un nouvel horizon pour la robotique ouverte
Une fusion stratégique ouvre la voie à une robotique abordable et open source, marquant un tournant pour l’innovation made in France.

Voici la preuve vivante qu’il ne faut jamais sous-estimer le potentiel de la robotique associée à l’IA. Hugging Face, connu pour avoir révolutionné l’open source dans l’univers de l’intelligence artificielle, vient d’annoncer le rachat de Pollen Robotics. Plus de détails sur cette annonce sont disponibles sur le site Hugging Face. Et cette opération pourrait bien amorcer un virage historique pour la robotique grand public, et même professionnalisée.
Un mariage stratégique entre IA ouverte et robotique humanoïde
Dans le monde de l’entreprise, l’acquisition de Pollen Robotics par Hugging Face suscite un vif intérêt, et pour cause : on parle d’allier l’expertise en intelligence artificielle ouverte à une expérience de neuf ans dans la conception de robots humanoïdes. L’objectif affiché : démocratiser l’accès à la robotique, pour tout un chacun, depuis l’amateur passionné jusqu’aux grands laboratoires de recherche.
Cette annonce comporte également un enjeu financier important. Hugging Face, qui a levé plus de 395 millions de dollars auprès de fonds prestigieux (Google, Amazon, Nvidia, Salesforce ou encore Sequoia), mise désormais sur un nouveau marché : les robots assistants. L’essor de ce secteur en France et à l’international connaît déjà une accélération, tirée par les progrès de l’IA et par l’intérêt croissant pour les assistants automatisés dans les entreprises.
Si l’on se penche sur l’historique, il s’agit de la cinquième acquisition orchestrée par Hugging Face. Après Gradio, XetHub et quelques autres projets, l’arrivée de Pollen Robotics marque un pas de plus vers la constitution d’une suite d’outils et de produits centrés sur la robotique, les modèles de fondation et la recherche avancée.
Qui est Hugging Face ? Éclairage sur une licorne de l’IA
Lorsqu’on évoque Hugging Face, beaucoup pensent immédiatement à ses solutions de traitement du langage naturel ou à sa communauté de développeurs spécialisée dans le machine learning. L’entreprise, fondée par Clément Delangue (CEO), Julien Chaumond (CTO) et Thomas Wolf (CSO), compte aujourd’hui plus de 7 millions d’utilisateurs. Sa plateforme héberge une multitude de modèles, de jeux de données et d’applications, qu’on appelle « spaces », accessibles gratuitement ou en mode freemium.
En 2024, Hugging Face lance « LeRobot », une bibliothèque de code open source conçue pour faciliter la robotique ouverte. L’idée émerge à la suite du recrutement de Rémi Cadène, ancien de chez Tesla, qui aurait travaillé sur le projet Optimus (un robot humanoïde développé par Tesla). LeRobot permet de centraliser des modules, des algorithmes de contrôle et des protocoles de communication pour construire et programmer des robots à moindres coûts.
Or, depuis le lancement de LeRobot, Hugging Face Hub s’est transformé en plaque tournante incontournable pour la robotique open source : tutoriels, forums, modèles de simulation, ressources VR… Les atouts de l’entreprise reposent sur sa forte communauté et sa philosophie collaborative. Pour les acteurs du secteur juridique ou financier, notons que Hugging Face adopte volontiers des licences ouvertes type MIT ou Apache, tout en restant vigilant sur les enjeux de respect de la vie privée et de sécurité des utilisateurs.
En 2025, la France compte plusieurs « licornes » du secteur technologique, dont Hugging Face. Une licorne se définit comme une entreprise valorisée à plus d’un milliard de dollars. Cette catégorie inclut des noms divers (Doctolib, Mirakl, etc.) et contribue au rayonnement de l’innovation hexagonale à l’international.
Le rachat de Pollen Robotics : un rapprochement logique
Fondé en 2016, Pollen Robotics a fait ses armes dans la robotique humanoïde open source, avec une équipe de passionnés menée par des ingénieurs issus de l’Inria (notamment Matthieu Lapeyre et Pierre Rouanet). Leur robot phare, Reachy, a connu plusieurs versions, la dernière en date étant Reachy 2, conçue pour s’intégrer dans les laboratoires et les centres de recherche.
La nouvelle du rachat vient renforcer la vision de Hugging Face : « Rendre la robotique abordable, ouverte et respectueuse de la vie privée ». En pratique, cela implique que le code source des robots (systèmes d’exploitation, algorithmes de guidage, etc.) reste librement accessible et personnalisable. C’est un modèle économique qui se rapproche de celui du software open source : on mise sur des services et sur la communauté plutôt que sur un hardware propriétaire et fermé.
Cette orientation attire à la fois les laboratoires universitaires, soucieux de faire évoluer les robots sans être limités par des verrous techniques, et les entreprises qui recherchent des plateformes rapidement industrialisables. Pollen Robotics apporte à Hugging Face une expertise éprouvée, tant dans la conception matérielle que dans l’intégration de composants électroniques personnalisés.
Bon à savoir : la valorisation d'une entreprise open source
Comment valorise-t-on une entreprise dont la majorité des ressources sont en libre accès ? La réponse se trouve souvent dans la création d’un écosystème (services pro, contrats d’assistance, partenariats). Les investisseurs analysent principalement la croissance de la communauté, la notoriété des produits et la capacité à monétiser des offres premium ou des services associés.
Focus sur Reachy 2 : un humanoïde de nouvelle génération
Au cœur de l’accord, Reachy 2 s’annonce comme la vitrine de ce que peut apporter la robotique couplée à l’IA. Il est déjà adopté par divers instituts et laboratoires, comme Cornell ou Carnegie Mellon, pour des applications d’enseignement, de recherche ou d’expérimentation en intelligence artificielle incarnée.
En pratique, Reachy 2 se présente sous la forme d’un humanoïde modulaire. Il inclut deux bras (sept degrés de liberté chacun, dotés de la technologie Orbita pour faciliter des mouvements précis), une base mobile équipée d’omni-roues pour se déplacer en douceur et un dispositif de téléopération en réalité virtuelle. Il peut manipuler jusqu’à trois kilos, ce qui lui permet de mener des expériences tangibles (tests de préhension, interactions en environnement contrôlé, etc.).
Pour les laboratoires en France, le prix affiché avoisine les 70 000 $ (approx. 64 000 € selon le taux de change courant). La commercialisation se fait directement via mail (sales@pollen-robotics.com), ce qui illustre l’orientation B2B et l’adaptation du produit aux besoins spécifiques des institutions académiques et industrielles.
L’histoire de la bibliothèque LeRobot
En parallèle, la fusion de Pollen Robotics avec Hugging Face renforce le succès fulgurant de la bibliothèque LeRobot. Lancée au printemps 2024, LeRobot est sous la responsabilité de Rémi Cadène, dont le parcours chez Tesla a laissé entrevoir de solides connaissances dans la robotique appliquée. Rapidement, LeRobot est devenu un référentiel incontournable, atteignant plus de 12 000 étoiles sur GitHub et alimenté par une communauté internationale grandissante.
Les fonctionnalités de LeRobot sont multiples : guides d’assemblage de robots, modules de simulation pour tester virtuellement des scénarios, outils d’apprentissage automatique pour calibrer des modèles de commande, etc. Tout ce contenu est référencé sur Hugging Face Hub, qui héberge également de nombreux dépôts liés au projet, ainsi qu’une banque grandissante de datasets pour la robotique.
Le déploiement de LeRobot s’est accompagné d’initiatives destinées à abaisser les coûts : commercialisation d’un bras robotique à moins de 100 $, tutoriels de formation et événements communautaires. Pour les observateurs du secteur, cette stratégie de partage collaboratif ouvre la voie à une adoption massive de la robotique domestique.
La chronologie inversée : deux années, des jalons décisifs
Plutôt que de retracer l’histoire dans l’ordre, jetons un regard « à rebours » pour illustrer la montée en puissance de la robotique open source chez Hugging Face.
2025
- Mars : Nvidia dévoile GR00T N1, premier modèle de fondation open source pour robots humanoïdes, déployé sur LeRobot.
- Mars : Partenariat LeRobot et Yaak pour lancer Learning to Drive (L2D), énorme base de données multimodales.
2024
- Novembre : Nvidia soutient Hugging Face pour optimiser la collecte de données pour LeRobot.
- Août : Publication d’un tutoriel pour construire des robots low-cost.
- Mai : La bibliothèque LeRobot s’impose comme référence majeure en robotique open source (plus de 12 000 étoiles GitHub).
- Mars : Arrivée de Rémi Cadène chez Hugging Face, transfuge de Tesla.
La dynamique du marché : 100 000 robots personnels en 2025 ?
Selon une prédiction de Clem, un influent analyste du secteur, au moins 100 000 robots personnels seraient précommandés cette année. Les robots personnels, jadis considérés comme de simples gadgets, deviennent progressivement des assistants évolués capables d’interagir avec leur environnement, de détecter et d’analyser des données, voire d’aider dans des tâches de maintenance ou de logistique.
Pour Hugging Face, la consolidation de Pollen Robotics représente un accès direct à ce marché en plein essor. Les investissements dans ce domaine se multiplient en France, portés par des programmes d’incubation et le soutien d’institutions publiques (BPI France, plans France 2030, etc.). D’un point de vue légal, on assiste à l’émergence de normes spécifiques sur la sécurité et la cybersécurité des robots, afin de réguler leur usage aussi bien dans les environnements domestiques que professionnels.
Au-delà de la simple fabrication, la robotique open source implique la création de composants entièrement modifiables : plans mécaniques, schémas électroniques, firmware, logiciels. Les adeptes et les entreprises peuvent donc innover librement, tout en bénéficiant d’un cadre communautaire qui permet un foisonnement de solutions adaptées à différents secteurs (santé, éducation, logistique, divertissement, etc.).
Le saviez-vous ?
Pourquoi 100 000 robots en 2025 est-il un chiffre significatif ? Parce qu’il marque un seuil à partir duquel les économies d’échelle commencent à faire baisser les coûts de production et de R&D. À ce niveau, l’industrialisation devient rentable et accélère l’innovation sur la scène internationale, y compris en France.
Aspects juridiques et financiers : un marché sous surveillance
L’ouverture technique de la robotique pose certaines questions sur les plans législatif et réglementaire. D’abord, en ce qui concerne la propriété intellectuelle : jusqu’où les licences open source peuvent-elles s’étendre lorsqu’il s’agit de matériel ? En France, les brevets concernant le hardware restent protégés, alors que le logiciel, lui, peut être distribué sous licence libre. Dans le cas de Hugging Face et de Pollen Robotics, la volonté d’ouverture reste claire, mais des parties spécifiques de la conception de Reachy 2 (comme les designs mécaniques ou les circuits critiques) peuvent faire l’objet de dépôts de brevets.
Du côté des assurances, l’essor des robots domestiques exige de nouvelles clauses de responsabilité. Les incidents potentiels, bien que rares, soulèvent la question de la couverture en cas de dommages matériels ou corporels. Les compagnies d’assurance s’intéressent de près à ce segment, car la présence de robots dans un domicile ou une entreprise implique un contexte d’interaction nouvelle et parfois difficile à anticiper.
Financièrement, l’acquisition de Pollen Robotics par Hugging Face indique que le groupe élargit son spectre d’activités. Si la transaction ne révèle pas de montant officiel, on peut supposer que l’opération s’inscrit dans la suite logique des levées de fonds importantes de Hugging Face, qui se doit désormais de diversifier ses produits pour maintenir sa valorisation et répondre aux attentes de ses investisseurs.
Vers une convergence IA-robotique au service des entreprises
Dans un monde économique en quête d’automatisation, la combinaison de l’IA et de la robotique est souvent citée comme un vecteur de transformation majeur. Les organisations cherchent à optimiser les flux logistiques, la production ou encore la relation client via l’usage de robots intelligents. L’open source permet une personnalisation adaptée, sans que les entreprises ne se retrouvent piégées par des solutions propriétaires onéreuses.
L’acquisition de Pollen Robotics vient donc consolider une tendance qui va bien au-delà de la simple expérimentation de laboratoire. Des équipes pluridisciplinaires — ingénieurs, data scientists, chercheurs en IA, mais aussi juristes et spécialistes de la conformité — travaillent désormais main dans la main pour assurer la mise en place de robots aux normes, sécurisés et respectueux de la vie privée.
Dans les laboratoires d’entreprises, l’usage de plateformes open source est un gage de flexibilité. On peut intégrer différents capteurs, recourir à des algorithmes de vision par ordinateur ou de reconnaissance vocale (fourni par Hugging Face, comme DeepSeek R1 ou OpenAI Whisper) pour donner plus d’autonomie au robot. Le tout, avec la certitude de pouvoir modifier librement le code si les besoins évoluent.
Un coup d’œil sur Pollen Robotics et ses motivations
Les fondateurs de Pollen Robotics, dont Matthieu Lapeyre et Pierre Rouanet, proviennent du laboratoire Flowers de l’Inria, pionnier de la robotique développementale. L’aventure Pollen Robotics a commencé avec la conviction que les machines humanoïdes auraient un rôle déterminant pour la recherche et la société, agissant comme pont entre l’IA logicielle et le monde physique.
Si la société s’est démarquée dans des concours de renom (la seconde place au ANA Avatar XPRIZE en 2022), elle a également conquis le cœur de plusieurs instituts prestigieux (CNRS, CEA, Accenture…). Pollen Robotics a choisi très tôt la voie de l’open source, permettant à ses clients et partenaires d’itérer sur le design pour créer des solutions entièrement customisées.
En rejoignant Hugging Face, Pollen Robotics gagne en visibilité et en moyens. Dans le même temps, Hugging Face bénéficie de l’expertise hardware de l’équipe française, propulsant la plateforme LeRobot vers un niveau supérieur, où la simulation ne se limite plus au virtuel, mais se concrétise dans la manipulation d’objets physiques.
La robotique humanoïde ne vise pas seulement à imiter la forme humaine. Elle cherche à reproduire la souplesse et la polyvalence de nos mouvements, à explorer des environnements conçus pour l’homme et à interagir naturellement avec les utilisateurs. Les défis incluent l’équilibre, la manipulation d’objets et l’adaptation continue à un environnement en perpétuelle évolution.
Retour sur les précédentes acquisitions de Hugging Face
Pour bien cerner la cohérence stratégique de Hugging Face, un détour par ses acquisitions passées s’impose. Avant de s’intéresser aux robots, l’entreprise a consolidé sa présence dans les outils IA centrés sur l’expérience développeur, l’optimisation de la mise en production et la gestion des données.
Parmi les rachats notables figurent Gradio, une plateforme permettant de créer des interfaces d’IA rapidement, ou encore XetHub, axé sur la gestion de données en versionning. Ces acquisitions témoignent de la volonté de Hugging Face de couvrir l’intégralité de la chaîne de valeur en IA : de la création de modèles à l’exploitation concrète dans des applications prêtes à l’emploi.
L’arrivée de Pollen Robotics s’inscrit logiquement dans cette logique globale. En étoffant son offre pour inclure non seulement le software, mais aussi le hardware, Hugging Face devient une référence tout-en-un pour quiconque souhaite développer, entraîner et déployer des systèmes intelligents, qu’ils soient virtuels ou matériels.
La communauté DIY et la démocratisation de la robotique
Un aspect souvent souligné dans les discussions autour de LeRobot, c’est la communauté des constructeurs DIY (Do It Yourself). Les tutoriels et vidéos partagées sur YouTube ou Discord montrent des passionnés concevant leurs propres robots à partir d’éléments en open source, parfois imprimés en 3D. Ils échangent leurs trouvailles, corrigent mutuellement leurs erreurs et s’entraident pour résoudre des problèmes techniques complexes.
Le soutien de Hugging Face se traduit par des subventions, des partenariats éducatifs, et une mise en avant des projets de la communauté sur le Hub. Dans les lycées et les universités, la robotique open source devient un vecteur d’apprentissage privilégié, combinant mécanique, électronique, programmation et intelligence artificielle. La perspective de pouvoir construire son propre robot sans se ruiner séduit un large public, allant des makers amateurs aux ingénieurs chevronnés.
Avec l’arrivée de Pollen Robotics, la communauté DIY disposera d’exemples concrets tirés de Reachy 2 : schémas de conception, modules d’interaction, bibliothèques de mouvements… Les limites entre « simple expérimentation » et « robot de laboratoire professionnel » tendent à s’estomper, ce qui conforte la vocation de la plateforme Hugging Face comme point de rencontre entre amateurs et experts.
Quand l’open source rencontre le marché B2B
Il est légitime de s’interroger sur la manière dont Hugging Face compte rentabiliser une offre 100 % open source, surtout dans un secteur où le hardware représente des coûts élevés. La stratégie pourrait reposer sur plusieurs volets : la vente de solutions clés en main, la prestation de services d’expertise et de support, ainsi que des partenariats industriels avec de grands groupes qui voient dans l’open source un gage de flexibilité et d’innovation continue.
En France, de grands acteurs comme Thales, Airbus ou Renault s’intéressent déjà à la robotique, que ce soit pour des applications de maintenance, d’inspection ou de collaboration homme-robot sur des chaînes de production. En étant propriétaire d’un écosystème technologique complet (LeRobot + Reachy + modèle open source), Hugging Face peut négocier des contrats d’envergure, tout en conservant la dimension communautaire qui fait sa renommée.
Sur un plan purement économique, l’alliance du gratuit et du payant n’est pas nouvelle. Red Hat, dans le secteur du logiciel, ou Arduino, dans l’électronique grand public, ont montré qu’un modèle d’affaires hybride (open source + services) peut se révéler très lucratif. Hugging Face est probablement en train d’étendre cette approche à la robotique, ce qui serait une première à une telle échelle.
Perspectives pour la R&D en France et dans le monde
L’annonce du rachat de Pollen Robotics soulève d’importants espoirs pour l’écosystème français. D’abord, elle témoigne d’une volonté de garder des projets de robotique de pointe sur le sol national, tout en étant propulsés à l’international grâce aux moyens financiers et techniques de Hugging Face. Ensuite, elle devrait encourager une nouvelle génération de start-up spécialisées, prouvant qu’il est possible de concilier innovation hardware et modèle open source.
Au niveau mondial, la robotique humanoïde bénéficie d’une dynamique croissante : Tesla a fait couler beaucoup d’encre avec son prototype Optimus, Boston Dynamics fascine avec ses robots acrobates, et SoftBank continue à développer Pepper pour l’accueil et le divertissement. Dans ce panorama, Hugging Face cherche à se distinguer par l’ouverture et la collaboration.
Avec la multiplication des spaces (applications IA prêtes à l’emploi sur le Hub), la R&D pourrait s’accélérer : imaginez un chercheur ou un ingénieur télécharger instantanément un nouveau module d’apprentissage, le tester sur un robot, et partager ses résultats en quelques jours à peine. Cette réactivité est capitale pour conserver une avance technologique, surtout dans un marché concurrentiel.
La parole aux dirigeants : visions croisées
Thomas Wolf, cofondateur et directeur scientifique de Hugging Face, a insisté sur la nécessité de garder un « cadre ouvert, abordable et respectueux de la vie privée » pour la robotique. Il s’agit selon lui de construire un futur où des particuliers, des universités et des entreprises peuvent créer leurs propres robots, sans dépendre d’un fabricant qui verrouille chaque composant ou chaque ligne de code.
De son côté, Matthieu Lapeyre, cofondateur de Pollen Robotics, souligne une logique de continuité. Son équipe, depuis le début, mise sur l’open source pour développer Reachy et permettre aux utilisateurs de l’améliorer. Rejoindre Hugging Face leur offre une caisse de résonance bien plus large, et un accès à des ressources de recherche et de déploiement considérables.
Ces prises de position révèlent un alignement fort : la robotique « nouvelle génération » n’a pas vocation à être dominée par quelques géants fermés, mais plutôt à prospérer grâce à une mutualisation mondiale des connaissances, à la manière de ce qui s’est passé pour les frameworks de deep learning (TensorFlow, PyTorch, etc.).
Les prochaines étapes pour Hugging Face et Pollen Robotics
À court terme, l’accent sera mis sur l’intégration des équipes Pollen Robotics au sein de Hugging Face. Les projets en cours (Reachy 2, bras robotique low-cost, etc.) continueront à se développer, mais sous l’égide du service R&D de Hugging Face Robotics, dirigé par Rémi Cadène.
L’un des défis consistera à rendre accessible la robotique open source non seulement aux grands laboratoires, mais aussi aux structures de taille plus modeste : PME, associations, makerspaces, etc. Cela implique une meilleure documentation, une plus grande variété de configurations matérielles et, surtout, des coûts d’assemblage réduits.
À plus long terme, on pourrait voir l’émergence d’un véritable écosystème de robots reposant sur le Hub Hugging Face, où modèles de vision, planification de trajectoire et reconnaissance de la parole coexisteraient avec une base technique commune. Les entreprises pourraient alors bénéficier de plug-ins modulaires, un peu à la manière des intégrations logicielles en open source, mais transposés à la robotique physique.
Pour aller plus loin : les enjeux éthiques et sociétaux
La question de l’éthique est inévitable dès lors que des robots humanoïdes s’intègrent dans la vie de tous les jours. Comment garantir le respect de la vie privée, si le robot embarque des caméras et des microphones ? Comment protéger les données collectées ? Sur ce point, Hugging Face a toujours défendu une approche dite « privacy by design », où le traitement des données se fait localement et où les flux sont chiffrés.
D’autres questions portent sur l’impact social : l’introduction de robots assistants dans les espaces de travail ou dans le secteur des services risque-t-elle d’entraîner des suppressions d’emplois ? Selon plusieurs experts en économie, la robotique ouvre surtout de nouveaux postes, liés au contrôle, à la maintenance et au développement de ces machines. Pour la France, il s’agit d’une opportunité de former et de recruter des profils qualifiés, capables de maîtriser l’intégralité de la chaîne de production et d’exploitation.
La transparence offerte par l’open source peut également réduire la méfiance du grand public : chacun peut vérifier le code, les algorithmes de perception ou de décision, et s’assurer qu’il n’existe pas de fonctionnalités cachées ou de pratiques abusives. Cette démarche a déjà fait ses preuves dans le monde du logiciel, et pourrait fort bien se propager à la robotique.
Un regard prospectif : révolution robotique ou simple évolution ?
Le rachat de Pollen Robotics par Hugging Face intervient dans un contexte global où les robots quittent progressivement les usines pour investir de nouveaux espaces (hôpitaux, commerces, maisons). On peut se demander si cette tendance amorce une révolution semblable à celle de l’ordinateur personnel.
Certaines barrières demeurent, comme le coût encore élevé de la robotique et l’absence de standards universels. Néanmoins, la mutualisation des efforts via l’open source accélère l’émergence de solutions standardisées. Les développements autour de la modélisation 3D, de la réalité virtuelle ou de la commande vocale pourraient favoriser l’éclosion d’un large écosystème, où tout un chacun serait capable d’adapter le robot à ses besoins spécifiques.
Pour les financiers, la question du retour sur investissement (ROI) reste cruciale. Toutefois, l’engouement pour l’IA, soutenu par des investissements massifs et la perspective de déploiements concrets, indique que le marché est mûr pour ce type de développement. D’autant plus que la France, forte de ses chercheurs et ingénieurs de haut niveau, souhaite consolider sa place dans la course à l’innovation.
Cap sur l’avenir : innovation, collaboration et croissance
En rachetant Pollen Robotics, Hugging Face confirme son ambition : étendre l’IA open source à la robotique physique, et en faire un levier de transformation pour les entreprises, les laboratoires et le grand public. La communauté LeRobot s’enrichit de prototypes concrets, tandis que les équipes de Pollen Robotics bénéficient d’une plateforme d’envergure internationale pour diffuser leurs solutions.
Ce modèle, alliant ouverture technique et soutien financier, pourrait inspirer d’autres acteurs à suivre le même chemin, en France et ailleurs. Si l’on y ajoute les avancées rapides dans le domaine du machine learning, la convergence entre hardware et software n’est plus un simple rêve : elle se concrétise dans des robots capables d’apprendre et d’interagir avec leur environnement de manière autonome.
Enfin, la France consolide son image de terre d’innovation, avec des startups et des scale-ups audacieuses, soutenues par des fonds et des politiques publiques en faveur de la R&D. L’histoire de Hugging Face et de Pollen Robotics témoigne de cette vitalité, où la robotique humanoïde n’est pas cantonnée aux films de science-fiction, mais bien sur le point de s’installer dans le paysage entrepreneurial, éducatif et domestique.
Un nouveau chapitre de la robotique open source s’écrit, plaçant la France en première ligne pour marier IA, innovation matérielle et ambition internationale.