La récente intégration de La Brigade de Buyer au sein du Groupe SEB suscite de nombreuses interrogations et ouvre des pistes de réflexion, tant pour les passionnés de cuisine haut de gamme que pour les acteurs économiques.

Au fil des ans, De Buyer s’est imposée comme une marque de référence pour les ustensiles culinaires, et ce mouvement stratégique pourrait bien accélérer son rayonnement national et international.

Un tournant stratégique pour l’industrie culinaire

Le rachat de La Brigade de Buyer par le Groupe SEB marque une évolution majeure dans le secteur du petit équipement domestique et professionnel. La Brigade de Buyer, forte de 290 collaborateurs répartis sur trois sites de production en France, voit ainsi son ancrage industriel confirmé. Son site historique au Val-d’Ajol, dans les Vosges, emploie à lui seul 180 salariés.

Déjà très présente sur les tables de nombreux cuisiniers professionnels et amateurs, De Buyer s’est illustrée par sa capacité à innover tout en perpétuant un savoir-faire artisanal. L’enseigne est reconnue pour ses batteries de cuisine en acier et en cuivre, ses mandolines de précision ou encore son fameux « Tube » pour la pâtisserie. Les aficionados de la marque saluent la robustesse et la fiabilité de ces produits, souvent transmis de génération en génération.

Le Groupe SEB, quant à lui, se place parmi les leaders mondiaux du secteur. Il est notamment connu pour sa gamme de produits ménagers et professionnels couvrant tous les besoins du foyer. Avec le rachat de De Buyer, il consolide son pôle « premium » et renforce sa présence auprès des chefs et écoles de cuisine à travers le monde.

Dans l’univers culinaire, un positionnement « premium » signifie proposer des produits de très haute qualité, fabriqués avec des matériaux durables et dotés d’une finition soignée. Les marques premium attirent autant les professionnels exigeants que les amateurs passionnés.

Pour beaucoup d’observateurs, cette acquisition n’est donc pas un hasard : elle répond à une logique de complémentarité commerciale et technique. L’expertise de La Brigade de Buyer dans l’ustensile haut de gamme épouse parfaitement la stratégie de croissance du Groupe SEB, qui entend consolider son offre en direction des chefs cuisiniers et des artisans les plus réputés.

Qui est La Brigade de Buyer ?

Sous la bannière La Brigade de Buyer se cachent plusieurs marques phares du secteur culinaire et de la coutellerie :

  • De Buyer : fondée en 1830, labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant », elle fournit des ustensiles reconnus dans plus de 95 pays.
  • Rousselon Dumas-Sabatier : installée à Thiers, elle perpétue la tradition coutelière française avec des couteaux forgés synonymes de précision.
  • Scaritech : tournée vers la boulangerie-pâtisserie, elle fabrique notamment la Grignette, outil indispensable pour les boulangers.
  • N2J (marque Pebbly) : valorise une approche écoresponsable pour des ustensiles destinés aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers.

En 2024, la performance économique de La Brigade de Buyer s’est concrétisée par un chiffre d’affaires évalué à 70 millions d’euros, soit pratiquement le double de ce qu’il était quelques années auparavant. Ce succès se base notamment sur une relation étroite avec les chefs et les écoles de cuisine du monde entier. L’entreprise procède à des phases de test et de recherche-développement en partenariat direct avec ces professionnels, ce qui lui permet d’anticiper les tendances et de peaufiner ses innovations.

Bon à savoir : la tradition De Buyer

De Buyer fabrique des ustensiles depuis près de deux siècles, et la marque est aujourd’hui appréciée des plus grands chefs. Ses poêles en acier, par exemple, nécessitent une culotteuse (un culottage) initiale pour être performantes, mais elles gagnent en anti-adhérence naturelle au fil du temps et assurent une cuisson parfaitement maîtrisée.

Au fil des années, Edify – holding industrielle qui détenait La Brigade de Buyer depuis 2015 – a accompagné cet essor. Selon les propos de ses dirigeants, l’objectif était de soutenir la marque dans sa conquête de marchés internationaux, tout en maintenant la production en France, gage d’authenticité et de qualité. Le passage sous l’égide du Groupe SEB n’entend pas casser cette dynamique, bien au contraire.

Le rôle d’Edify et la transition vers SEB

Depuis son arrivée au capital en 2015, Edify a joué un rôle déterminant. La holding a investi dans la modernisation des lignes de production et dans des opérations de marketing ciblées, notamment à destination des grands comptes professionnels. L’objectif : renforcer la notoriété de La Brigade de Buyer tout en préservant son image de marque haut de gamme.

Durant cette période, La Brigade de Buyer n’a cessé de diversifier ses produits : ustensiles professionnels pour la pâtisserie, nouvelle gamme de couteaux, mandolines ajustées à l’évolution des tendances culinaires… Chaque lancement reposait sur une étude approfondie du marché, associée à la volonté de conserver l’ADN de la marque : robustesse, ergonomie et respect des traditions.

En 2023, plusieurs indicateurs laissaient déjà présager un tournant. Avec un chiffre d’affaires de 66 millions d’euros à l’échelle globale, et une ambition toujours forte sur les marchés étrangers, La Brigade de Buyer commençait à intéresser de grands groupes internationaux. Le Groupe SEB, déjà présent sur les segments du culinaire professionnel et grand public, y a vu l’opportunité de conforter sa stratégie de croissance.

Selon Guilhem Pinault, PDG de De Buyer, l’arrivée du Groupe SEB se veut rassurante. Le management en place, majoritairement vosgien, reste aux commandes. L’équipe actuelle, à l’origine des succès de ces cinq dernières années, est donc préservée. Au-delà de la stabilité interne, l’intégration au Groupe SEB ouvre des perspectives d’investissements accrus, qui pourraient générer de nouveaux emplois sur le site du Val-d’Ajol.

La transition chez De Buyer avait atteint un palier : la marque était arrivée à maturité sur certains marchés, mais conservait un potentiel de croissance à l’international. Le soutien d’un acteur mondial comme SEB est un accélérateur efficace pour adresser de nouveaux segments et investir dans la R&D.

Un rapprochement gagnant-gagnant pour SEB et De Buyer

Cette acquisition possède une forte dimension stratégique pour le Groupe SEB. Déjà leader mondial dans le secteur du petit équipement domestique, SEB cherchait à consolider son pôle « professionnel et premium ». La Brigade de Buyer, reconnue pour sa maîtrise des articles culinaires de haute facture, complète idéalement la gamme de produits SEB. Les synergies sont multiples :

  • Recherche et Développement : Les deux entités peuvent mutualiser leurs compétences pour développer de nouvelles gammes, adaptées aux besoins spécifiques des chefs.
  • Réseau de distribution étendu : De Buyer bénéficiera de l’important maillage commercial de SEB, ce qui devrait dynamiser son expansion sur les marchés émergents.
  • Visibilité accrue : La notoriété internationale de SEB offre à De Buyer une fenêtre de promotion plus large, notamment en Asie ou en Amérique latine.

A contrario, SEB pourra s’appuyer sur le savoir-faire traditionnel de De Buyer pour rehausser certaines de ses lignes de produits, en mettant en avant l’expertise « Made in France » et un design épuré. Cette collaboration devrait donc non seulement consolider la part de marché de SEB dans le premium, mais aussi donner un nouvel élan à La Brigade de Buyer pour aller séduire un public encore plus vaste.

Bon à savoir : complémentarité des gammes

SEB dispose d’un portefeuille de marques très diversifié (Tefal, Rowenta, Krups, WMF…). De Buyer, avec ses articles de tradition, vient apporter une touche artisanale et haut de gamme, attirant les consommateurs recherchant l’excellence culinaire.

Analyse financière approfondie du groupe

Au-delà des marques et des savoir-faire, il est essentiel de scruter la solidité financière du nouvel ensemble. Les chiffres 2020-2023 communiqués mettent en lumière plusieurs tendances :

Chiffre d’affaires : En 2023, le Groupe SEB – auquel De Buyer est désormais rattaché – a réalisé un CA de 852 millions d’euros, contre 822 millions en 2022. Cela représente une progression de 3,6 %. Malgré une légère baisse observée en 2022 (–20,1 % de croissance par rapport à 2021), le groupe a su se redresser.

Marge brute : Elle s’établit à 228 millions d’euros en 2023, soit un taux de marge brute de 26,8 %. On note qu’en 2022, ce taux était à 33,3 %, ce qui implique un certain resserrement des marges. Toutefois, ce repli peut s’expliquer par la hausse des coûts des matières premières ou de l’énergie, contexte que l’ensemble de l’industrie a subi.

EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization) : Un indicateur précieux pour mesurer la rentabilité opérationnelle. En 2023, l’EBITDA du groupe atteint 47,1 millions d’euros (soit 5,5 % du CA). Cette légère progression par rapport à 2022 (5,3 %) témoigne d’une bonne maîtrise des charges, malgré un environnement économique tendu.

Résultat net : Il s’élève à 32,9 millions d’euros en 2023, en hausse par rapport aux 32,3 millions de 2022. Cette stabilité globale du résultat net confirme l’aptitude du groupe à tirer profit de ses investissements. Les résultats d’exploitation, quant à eux, restent solides à 44,9 millions d’euros.

L’EBITDA (ou EBE, Excédent Brut d’Exploitation en français) est un indicateur qui mesure la rentabilité opérationnelle d’une entreprise en excluant les impacts des investissements, de la fiscalité et de la structure financière. Il donne un éclairage sur la performance intrinsèque et la capacité à générer du cash.

Gestion du Besoin en Fonds de Roulement (BFR) : En 2023, le BFR global du groupe est de 133 millions d’euros, en nette amélioration par rapport à 172 millions en 2022. Le BFR d’exploitation, négatif à –8,6 millions, indique une capacité accrue à faire face aux besoins de trésorerie à court terme. Cette optimisation s’explique par une réduction des délais de paiement clients (17,7 jours en 2023) et une meilleure gestion des stocks (15,7 jours de CA en 2023).

Autonomie financière : Le taux d’autonomie financière (37,8 %) reste relativement solide, même s’il a baissé depuis 2022 (45,1 %). Les fonds propres atteignent 122 millions d’euros en 2023, reflétant une structure de capital encore saine. La trésorerie, quant à elle, s’établit à 672 k€. Bien que modeste, elle est partiellement compensée par la capacité d’autofinancement (36,8 millions d’euros en 2023), preuve du potentiel d’investissement en interne.

Rentabilité : Avec une marge nette de 3,9 % et une rentabilité sur fonds propres de 26,9 %, le groupe présente un profil encourageant. Cette dynamique s’inscrit dans une stratégie de long terme : contrôler les coûts, maintenir des prix de vente compétitifs et s’appuyer sur des marques réputées pour générer une valeur pérenne.

Bon à savoir : un contexte compliqué

Les hausses de coûts et la volatilité des matières premières ont pesé sur la plupart des entreprises industrielles. Maintenir des marges positives dans ce contexte reste un challenge. La Brigade de Buyer, intégrée désormais à un groupe financièrement robuste, pourrait mieux faire face à ces défis.

Perspectives de croissance et d’innovation

Au-delà de la performance financière à court terme, le rapprochement entre La Brigade de Buyer et le Groupe SEB dessine de nouvelles opportunités. Les spécialistes de l’économie industrielle pointent plusieurs leviers de croissance :

  1. Développement de nouveaux produits : L’expertise de De Buyer en acier, inox et cuivre peut nourrir de futures lignes de poêles ou de casseroles sous d’autres marques du groupe. À l’inverse, SEB peut apporter son savoir-faire en électroménager pour proposer des ustensiles connectés ou à haut niveau de technicité.
  2. Internationalisation accélérée : Déjà présente dans 95 pays, La Brigade de Buyer va bénéficier des réseaux de distribution de SEB, notamment sur des zones comme l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique Latine, où la demande pour du « Made in France » est croissante.
  3. Montée en gamme : Les consommateurs sont de plus en plus à la recherche de produits durables et de qualité professionnelle. Le label « Entreprise du Patrimoine Vivant » de De Buyer séduit un public qui veut allier tradition et haute performance.

Les potentialités en R&D sont multiples : partant d’une expertise traditionnelle, La Brigade de Buyer collabore déjà avec des chefs renommés. Ensemble, ils testent et améliorent en continu les poêles, mandolines, couteaux et autres accessoires. L’adossement au Groupe SEB permettra d’introduire plus facilement de nouvelles technologies, comme des revêtements adaptés aux cuissons complexes ou des matériaux plus éco-responsables.

Du point de vue de l’emploi, le PDG de De Buyer, Guilhem Pinault, se veut optimiste. Il estime que les investissements futurs pourraient se traduire par une croissance des effectifs dans les Vosges, soutenant ainsi le dynamisme local. Une telle politique d’expansion irait de pair avec la hausse de la demande, notamment sur les marchés étrangers.

Les marques phares de la Brigade de Buyer

Pour comprendre l’envergure de cette opération, il est important de souligner la diversité des marques qui constituent La Brigade de Buyer. Chacune possède un positionnement spécifique, tout en partageant un ADN commun : l’exigence de qualité.

De Buyer est probablement la plus renommée. Ses ustensiles – poêles, casseroles, moules à pâtisserie – sont fabriqués dans la plus pure tradition vosgienne. Leur réputation de robustesse n’est plus à faire, et la marque jouit d’une popularité grandissante à l’international. Avec l’ouverture de nouveaux marchés, on peut imaginer des gammes adaptées aux habitudes culinaires locales (woks, tajines…).

Rousselon Dumas-Sabatier, basée à Thiers, perpétue l’art du couteau forgé. Ces lames haut de gamme sont prisées par les professionnels, mais aussi par les consommateurs en quête d’une coupe irréprochable. Dans l’offre SEB, ce type de couteaux pourra valoriser une tradition française séculaire, et se décliner dans des gammes spécifiques aux différents styles de cuisine du monde.

Scaritech est surtout connue dans le domaine de la boulangerie-pâtisserie. Son produit phare, la Grignette, symbolise l’ustensile artisanal par excellence. Les artisans boulangers apprécient la qualité de l’acier et la prise en main, deux atouts qui peuvent être étendus à d’autres segments si l’enseigne élargit sa gamme.

N2J sous la marque Pebbly, se concentre sur les ustensiles écoresponsables, faisant écho à une demande croissante des consommateurs pour des solutions plus respectueuses de l’environnement. Là encore, l’appui du Groupe SEB, pionnier en matière de développement durable pour l’électroménager, ouvre la voie à des projets communs et à une plus large diffusion de ces produits.

Focus sur le site du Val-d’Ajol

Niché dans les Vosges, le site du Val-d’Ajol est au cœur de l’histoire de De Buyer depuis presque deux siècles. Avec ses 180 salariés, il incarne un ancrage local fort et une transmission du savoir-faire de génération en génération. Les ateliers y sont spécialisés dans la transformation des métaux, la mise en forme et la finition, garantissant la qualité irréprochable qui fait la réputation de la marque.

L’arrivée du Groupe SEB peut être perçue comme un soulagement pour les salariés. Souvent, lors des rachats, la crainte de délocalisation ou de restructuration plane sur les sites industriels. Or, la direction du Groupe SEB insiste sur son attachement à la production locale. Elle estime que la valeur ajoutée de De Buyer réside dans cet héritage, difficile à reproduire ailleurs.

Guilhem Pinault a déclaré à plusieurs reprises que cette intégration serait un « arrimage », et non un bouleversement. En pratique, cela signifie que la chaîne de production, les machines et le savoir-faire resteront en place. Les investissements à venir devraient moderniser certaines installations, voire augmenter la capacité de production pour répondre à la demande grandissante.

Le label « Entreprise du Patrimoine Vivant » est décerné par l’État français à des entreprises dotées d’un savoir-faire artisanal et industriel d’excellence. Il valorise les métiers traditionnels et encourage la préservation d’une culture manufacturière souvent convoitée à l’étranger.

Une dynamique internationale en expansion

Le marché mondial de l’ustensile de cuisine connaît une croissance constante, portée par l’essor de la gastronomie et la montée en puissance des émissions culinaires. De Buyer, fort de ses exportations, souhaitait déjà conquérir de nouveaux continents. Le soutien logistique et marketing du Groupe SEB pourrait se révéler décisif.

D’un point de vue réglementaire, l’entreprise bénéficie aussi de la reconnaissance internationale du savoir-faire français. Les appellations « Made in France » ou « Fabriqué en France » conservent un attrait particulier, surtout dans le domaine culinaire, où la réputation de la gastronomie hexagonale n’est plus à prouver. Au-delà de l’Europe, les marchés asiatiques et américains s’avèrent particulièrement porteurs pour les produits premium.

L’axe d’export le plus prometteur demeure l’Asie, où la culture de la bonne cuisine se développe fortement. Les ménages des classes moyennes et supérieures sont de plus en plus enclins à investir dans des ustensiles durables et sophistiqués. Pour le Groupe SEB, déjà bien implanté dans ces territoires, la synergie avec De Buyer pourrait accélérer les ventes d’articles de niche, comme les poêles en cuivre.

Par ailleurs, la croissance à l’international passe par un réseau de distribution efficace. C’est là que SEB apporte un plus considérable. Grâce à ses succursales et partenariats, la marque De Buyer peut espérer gagner en visibilité dans les principaux salons professionnels et sur les plateformes de e-commerce mondiales.

Un horizon prometteur

Aujourd’hui, l’acquisition de La Brigade de Buyer par le Groupe SEB s’inscrit dans une logique de complémentarité et de consolidation. Cet arrimage financier et industriel offre à De Buyer une nouvelle vigueur, tout en permettant à SEB de se renforcer dans l’univers culinaire premium. Les retombées positives sont multiples : maintien de l’emploi local, potentiel de développement à l’export, enrichissement de l’offre produit, et synergies dans la recherche de nouvelles technologies.

Les signaux sont donc au vert pour que cet ensemble poursuive sa quête d’excellence et de rentabilité, dans un contexte mondial certes concurrentiel, mais toujours en quête d’innovations et de savoir-faire authentiques. Ce rapprochement illustre la force du patrimoine industriel français et ouvre de nouvelles pistes d’innovation pour répondre aux exigences d’un marché en constante évolution.