À Rouen, Cocorico & Co accélère sa trajectoire de croissance en rachetant la brasserie normande Les Deux Amants. Avec cette opération ciblée, la PME bascule du duo jus-cidre vers un portefeuille complet intégrant la bière artisanale bio. L’enjeu est clair : renforcer sa présence nationale, capitaliser sur des circuits CHR et soutenir un ancrage local normand très affirmé.

Acquisition à Rouen : Cocorico & Co reprend Les Deux Amants

Cocorico & Co, fondée en 2016 par Jean-Marie Ravel d’Estienne et Timothée Lecoq, franchit une nouvelle étape en rachetant Les Deux Amants, brasserie artisanale bio installée à Val-de-Reuil dans l’Eure. Ce rapprochement s’ajoute à une première opération réalisée deux ans plus tôt avec le producteur de cidres et poirés La Chouette, et marque l’entrée officielle du groupe dans la bière artisanale, aux côtés des jus et nectars Le Coq Toqué et des sodas craft Guinguette.

La cible, créée en 2017 par Bruno Couchaud et Anne-Charlotte Bertrand, s’est développée sur des bières biologiques aux styles classiques et contemporains. L’usine est dimensionnée pour des volumes significatifs tout en restant artisanale, avec une production annuelle d’environ 5 000 hectolitres et un mix orienté vers le CHR via les fûts. La cohérence avec l’ADN de Cocorico & Co est forte : produits bio, circuits courts quand c’est possible, terroir normand et montée en gamme.

Pour l’équipe dirigeante, la logique est autant commerciale qu’industrielle. Les circuits de distribution sont compatibles, l’offre est complémentaire, et l’entreprise normande peut désormais s’adresser à des acheteurs grand compte avec une profondeur de gamme accrue, du jus à la bière, en passant par le cidre.

« Nous allons mutualiser nos réseaux de distribution et notre force commerciale pour distribuer nos gammes bio en Normandie, à Paris et sur l’ensemble du territoire », déclare Jean-Marie Ravel d’Estienne. L’ambition à cinq ans : s’installer parmi les acteurs identifiés des boissons artisanales biologiques françaises.

Repères factuels sur l’opération

• Cible : Les Deux Amants, brasserie artisanale bio, fondée en 2017 à Val-de-Reuil (Eure).
• Acquéreur : Cocorico & Co, PME basée à Rouen, fondée en 2016.
• Portefeuille après opération : Le Coq Toqué (jus, nectars), Guinguette (sodas), La Chouette (cidres, poirés), Les Deux Amants (bières).
• Production annuelle de la brasserie : 5 000 hl environ, majorité en fûts pour le CHR.
• Objectif post-reprise : 4 M€ de chiffre d’affaires, environ 20 salariés.

Gouvernance et financement : Sigma entre au capital

La transaction s’accompagne d’une évolution du capital de Cocorico & Co avec l’arrivée d’un nouvel investisseur : le family office Sigma. Il rejoint les investisseurs historiques, dont le Bee Family Office basé à Paris, le fonds Normandie Participations et deux business angels. Les fondateurs conservent la majorité aux côtés de Pierre-Henri Agnès, cofondateur de La Chouette, assurant la stabilité de la gouvernance et la continuité stratégique.

Le plan de financement s’appuie sur une dette bancaire portée par BNP Paribas, la Caisse d’Épargne Normandie et le Crédit Agricole Normandie. Cette architecture classique pour une croissance externe de PME combine fonds propres additionnels et levier bancaire ciblé. Le recours à plusieurs établissements limite le risque de concentration, tout en laissant la flexibilité nécessaire pour l’intégration industrielle et commerciale.

La cible, décrite comme rentable, permet à Cocorico & Co de changer d’échelle. L’entreprise annonce doublé de taille à l’issue de l’opération, ce qui pose des jalons clairs : pilotage fin des stocks multi-marques, harmonisation qualité des filières bio, et élargissement de la force de vente.

Un family office gère des actifs pour une ou plusieurs familles, avec un horizon d’investissement souvent long et une logique patrimoniale. Dans une PME agroalimentaire, il apporte des fonds propres, un réseau, et parfois des compétences de structuration. L’entrée de Sigma soutient la consolidation sectorielle tout en préservant la maîtrise opérationnelle par les fondateurs.

Les Deux Amants : profil industriel et ancrage normand

Créée en 2017, la brasserie Les Deux Amants s’est positionnée sur des bières 100 % bio. Le cofondateur Bruno Couchaud, diplômé en microbiologie, a engagé une reconversion professionnelle autour d’un projet artisanal à exigence scientifique. La gamme couvre plusieurs styles reconnus, avec un souci de régularité et de qualité sensorielle.

La distribution repose sur un maillage dominant Normandie et Île-de-France, avec des ventes majoritairement en fûts vers les cafés, hôtels, restaurants et l’événementiel. Le format fût, logiquement plus présent en CHR, sert d’accélérateur de notoriété locale, tandis que les bouteilles soutiennent la diffusion en épiceries fines et grands magasins. La montée en puissance sur Paris et sa région a été particulièrement structurante pour stabiliser les volumes.

Val-de-Reuil : site et savoir-faire microbiologique

Installée à Val-de-Reuil, la brasserie a développé des protocoles maîtrisés, avec des choix de matières premières et de levures adaptés à la certification bio. La formation scientifique de Bruno Couchaud a contribué à l’optimisation des procédés, tout en respectant les codes artisanaux. La continuité de son implication au sein de la brasserie facilite la transition vers l’actionnariat Cocorico & Co.

Portefeuille de bières bio : blonde, blanche, IPA et stout

La gamme couvre des bières blondes et blanches accessibles, une IPA plus aromatique et une stout plus maltée. Cette architecture permet d’adresser un spectre large de consommateurs, du néophyte au public averti, et de soutenir des cartes CHR avec un nombre limité de références.

À l’échelle craft, 5 000 hectolitres par an positionnent une brasserie sur un segment déjà structuré, compatible avec un réseau CHR et une présence régionale solide. L’enjeu est d’équilibrer l’outil de production, la rotation des stocks et la pression commerciale, sans perdre l’identité artisanale ni la constance des recettes.

Qui est Cocorico & Co : ADN et portefeuille de marques

Née en 2016, Cocorico & Co s’est d’abord fait connaître avec les jus et nectars Le Coq Toqué, avant d’intégrer les cidres et poirés La Chouette puis les sodas Guinguette. La reprise des Deux Amants élargit la palette aux bières, pour un catalogue entièrement orienté vers les boissons bio et le fait régional. L’entreprise normande revendique aussi une intégration amont, via l’exploitation d’un verger de 20 hectares à Amayé-sur-Seulles dans le Calvados, pour sécuriser une partie de ses approvisionnements en fruits et maintenir une identité de terroir régionale forte (source : AREA Normandie).

La PME s’appuie sur une équipe compacte et spécialisée, attentive aux enjeux agronomiques, à la sobriété des recettes et aux attentes de la distribution CHR. La promesse de marque combine qualité organoleptique, engagement environnemental et valorisation de l’origine normande.

Portefeuille de marques et circuits de vente

Quatre marques structurent désormais l’offre : Le Coq Toqué, Guinguette, La Chouette et Les Deux Amants. Le ciblage commercial est bien identifié : deux tiers des ventes en CHR, le reste en épiceries fines et grands magasins. Ce mix est cohérent avec un positionnement premium bio qui privilégie le conseil en point de vente et les dégustations à valeur ajoutée.

Le verger d’Amayé-sur-Seulles

• Superficie : 20 hectares situés dans le Calvados.
• Rôle : sécurisation partielle des approvisionnements en fruits pour les gammes jus et cidres.
• Intérêt stratégique : traçabilité, qualité, ancrage normand valorisé en CHR et en retail spécialisé.

Synergies commerciales et distribution : maillage CHR et retail spécialisé

La reprise des Deux Amants active un levier immédiat : la mutualisation des réseaux. Cocorico & Co prévoit de déployer les bières via ses circuits existants, en direct ou par des partenaires de distribution reconnus tels que Proxi Boissons, Ouest Boissons et Vin Richard. Ce maillage permet d’optimiser la couverture de la Normandie et de l’Île-de-France, d’accroître la capillarité dans le reste du territoire et de soutenir une activité export, aujourd’hui autour de 10 % de l’activité du groupe.

L’entreprise indique que 40 % de l’activité est réalisée en région parisienne, ce qui renforce l’intérêt d’une marque craft locale, compétitive sur la pression et crédible sur l’étiquette bio. Les bières en fûts, majoritaires sur la brasserie, s’insèrent naturellement dans la clientèle CHR existante de Cocorico & Co et ouvrent des opportunités de cross-selling avec les autres gammes.

Réseau de distributeurs : Proxi Boissons, Ouest Boissons et Vin Richard

En dehors de la vente directe, la puissance commerciale d’un acteur craft premium se mesure à l’accès aux distributeurs régionaux, qui apportent logistique, référencements et cadence de commande. L’alignement des gammes bio sur des réseaux comme Proxi Boissons, Ouest Boissons et Vin Richard permet de consolider la présence en CHR tout en maîtrisant les coûts de distribution sur un périmètre qui s’élargit au national.

Points d’attention opérationnels après une reprise

  1. Intégration des systèmes : alignement des références, étiquetage, normes bio et solutions logicielles de stocks.
  2. Harmonisation qualité : protocoles brassicoles, gestion des variations de lots, constance des recettes.
  3. Plan de marque : architecture de gamme, évitement des cannibalisations, storytelling cohérent.
  4. Pilotage des flux : saisonnalité CHR, gestion des fûts, retours et rotation en cave.
  5. Capacité commerciale : accompagnement des distributeurs, formation des équipes, animation des points de vente.

Le CHR concentre des attentes de service et de régularité : stabilité des recettes, disponibilité des fûts, assistance technique et merchandising simple. Les brasseries craft performantes se distinguent par une logistique fluide et une communication claire avec le réseau de distribution, au-delà des seules médailles ou distinctions.

Taille et performances attendues : cap sur 4 M€ de chiffre d’affaires

À l’issue de la reprise, Cocorico & Co affiche une équipe d’une vingtaine de salariés et vise un chiffre d’affaires de 4 M€. La société indique que l’opération double sa taille et qu’elle s’appuie sur une cible rentable, de nature à soutenir la montée en régime commerciale. Les synergies s’enclenchent notamment sur le CHR, avec un mix pertinent entre fûts de bières, cidres, sodas et jus premium.

Cette trajectoire s’inscrit dans un environnement sectoriel dynamique. Une publication récente souligne que 69 % des entreprises créées au premier semestre 2018, hors micro-entrepreneurs, étaient encore actives cinq ans plus tard (Insee Première n°2070). Si Cocorico & Co et Les Deux Amants ont été fondées respectivement en 2016 et 2017, cet indicateur illustre la résilience des PME de l’agroalimentaire, particulièrement lorsqu’elles structurent leur distribution et sécurisent leurs approvisionnements.

En parallèle, les statistiques nationales récentes confirment la progression du nombre d’établissements dans le secteur des boissons et la diversité des tranches d’effectifs. Cet élargissement de la base productive s’accompagne d’un foisonnement d’acteurs craft régionaux, rendant plus critiques la différenciation, l’exécution commerciale et l’effet portefeuille multi-marques.

Échelle et productivité : lecture sectorielle

Le cap des 5 000 hl côté brasserie et l’objectif de 4 M€ côté groupe gagnent à être pilotés via des indicateurs d’activité ajustés : taux de service CHR, rotation des fûts, disponibilité des références, performances par réseau distributeur. À ce stade, Cocorico & Co s’appuie sur une base régionale robuste et des partenaires distributeurs déjà actifs, ce qui réduit la friction d’intégration pour la nouvelle gamme.

Les bilans d’établissements par secteur informent sur la densité entrepreneuriale et les écarts d’échelle. Pour une PME craft, l’enjeu est de se comparer à des pairs de taille similaire et de suivre des KPIs opérationnels concrets : cadence de brassins, taux de casse, rotation des stocks, disponibilité des références, et taux de pénétration par canal.

Normandie et bio : un positionnement porteur sur le marché français

La stratégie de Cocorico & Co repose sur un triptyque lisible : produits biologiques, ancrage normand, circuits CHR renforcés. L’exploitation d’un verger en propre structure la filière fruits et nourrit la proposition de valeur sur les jus et cidres. Côté bière, le rattachement à une brasserie artisanale bio de Val-de-Reuil renforce la cohérence géographique et le storytelling régional.

Du point de vue réglementaire et statistique, le Ministère de l’Économie oriente vers les ressources officielles permettant de suivre l’évolution industrielle, rappelant le rôle des statistiques sectorielles pour apprécier la dynamique des filières alimentaires. Cette grille de lecture aide les dirigeants à prioriser les investissements productifs et à calibrer les ambitions commerciales, en évitant les emballements de capacité non adossés à la demande.

À retenir pour les dirigeants

  • Effet portefeuille : réunir bières, cidres, sodas et jus bio améliore l’accès aux acheteurs CHR.
  • Ancrage régional : un terroir identifié renforce la valeur perçue à la pression et en épicerie fine.
  • Investisseurs alignés : la présence d’un family office et d’investisseurs régionaux stabilise l’actionnariat.
  • Dette bancaire : un pool de banques limite les risques et soutient l’intégration.
  • Organisation : l’harmonisation qualité et la logistique fûts sont des points de vigilance clés.

Cap opérationnel : intégration et déploiement commercial

La phase qui s’ouvre pour Cocorico & Co est résolument opérationnelle. L’entreprise ambitionne de capitaliser sur la demande croissante de boissons éco-responsables et sur la progression du marché français des bières artisanales. L’implication continue de Bruno Couchaud au sein des Deux Amants garantit la fidélité des recettes et une transition fluide des pratiques brassicoles.

Le groupe vise une exécution commerciale coordonnée : cross-selling multimarques en CHR, animation d’enseignes spécialisées, et élargissement progressif de la couverture nationale. La cohérence bio et l’empreinte normande constituent un socle différenciant, tandis que la structure financière mise en place par les investisseurs et les banques doit soutenir les investissements nécessaires à l’échelle gagnée.

La prochaine mesure du succès se lira dans la capacité du groupe à convertir ses atouts régionaux en avantage compétitif national, sans diluer l’ADN artisanal qui fait sa singularité.