Au Havre, Buffard Logistique traverse une zone de fortes turbulences. Réputée comme la plus ancienne entreprise de logistique portuaire de la région, la société pourrait voir sa liquidation judiciaire prononcée lors d’une audience programmée le 8 octobre 2025 au tribunal de commerce de Bobigny. Entre tensions de trésorerie, salaires non versés en septembre et dossiers judiciaires superposés, l’entreprise bascule dans une phase décisive.

Bobigny le 8 octobre 2025 : vers une liquidation de Buffard Logistique France

L’échéance est fixée. Une audience est attendue à Bobigny pour statuer sur le sort de Buffard Logistique France, la structure opérant au Havre.

Selon des informations relayées par un média local, la liquidation devrait être confirmée à cette date, après plusieurs mois de tensions opérationnelles et financières. Parmi les signaux d’alerte, le non-paiement des salaires de septembre a fragilisé la relation de travail et mis les équipes en difficulté, alors même que la présence au poste est restée requise (source France Bleu).

La compétence de Bobigny s’explique par l’organisation juridique de certaines entités du groupe, alors que l’activité historique demeure ancrée au Havre. Cet enchevêtrement judiciaire est classique en période de restructuration avancée. La décision du 8 octobre pourrait enclencher la réalisation d’actifs et la prise en charge des salariés par les mécanismes prévus en cas de liquidation, sous réserve des modalités que fixera le jugement.

Rôle de Bobigny et effets attendus d’une liquidation

Pourquoi Bobigny : certaines entités juridiques de groupes multisites relèvent de juridictions franciliennes, y compris lorsqu’une base opérationnelle est régionale.

Effets immédiats : si la liquidation est prononcée, un liquidateur sera désigné pour recenser les actifs, vérifier les créances et organiser la cession éventuelle de tout ou partie des activités. Les contrats de travail pourront être transférés en cas de reprise partielle, ou rompus selon les règles applicables.

Buffard Logistique au Havre : 80 ans d’activité logistique

Fondée en 1945, Buffard Logistique s’est développée dans l’écosystème portuaire havrais, devenu l’un des hubs majeurs pour le fret maritime européen. L’entreprise a historiquement opéré des activités de transport et d’entreposage, disposant de 20 000 m² d’entrepôts. Sa longévité a fait d’elle une référence locale, avec une expérience unique des flux portuaires et des besoins d’entreprises industrielles et commerciales.

En 2009, un tournant managérial s’est produit avec la reprise par Daniel Bénard, à la suite du retrait du groupe Jamein. Ce changement de gouvernance a ouvert une phase de réorganisation, sans pour autant neutraliser les risques structurels qui se sont imposés avec le temps.

Buffard Logistique : points de repère chronologiques

  • 1945 : création, ancrage au Havre et spécialisation portuaire.
  • 2009 : reprise de la direction par Daniel Bénard après le retrait du groupe Jamein.
  • Août 2013 : ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
  • Début avril 2014 : reprise par SOREMI, opérateur positionné dans l’immobilier d’entrepôt.
  • Août 2024 : jugement de clôture pour insuffisance d’actif rendu par le tribunal de commerce du Havre, traduisant un écart entre dettes et actif disponible.
  • 8 octobre 2025 : audience à Bobigny visant la liquidation de Buffard Logistique France.

La clôture pour insuffisance d’actif met fin à une procédure lorsque l’actif récupérable ne permet pas de couvrir les coûts de liquidation et les créances. Elle ne préjuge pas de situations parallèles concernant d’autres entités du même groupe. Pour les créanciers, l’espoir de recouvrement s’en trouve fortement réduit. Pour les dirigeants, des responsabilités peuvent subsister selon les cas, sans que cela soit automatique.

De la reprise par SOREMI en 2014 aux déboires financiers actuels

La reprise début 2014 par SOREMI a permis de recentrer l’outil industriel sur la logistique et de valoriser les infrastructures existantes. Le pari consistait à stabiliser l’exploitation et à requalifier l’immobilier. Malgré cet ancrage d’actifs, la branche Buffard Logistique France n’a pas réussi à rétablir durablement sa rentabilité, selon les éléments connus.

Les tensions de gestion et l’endettement ont pesé sur l’entreprise, dans un contexte de marché chahuté. La crise sanitaire a rebattu les cartes des chaînes d’approvisionnement, puis la facture énergétique et la normalisation de la demande ont mis sous pression les marges des logisticiens. Chez Buffard, les difficultés se sont cristallisées au point de produire des décisions judiciaires successives, dont la clôture pour insuffisance d’actif en août 2024 au Havre, et l’audience prévue à Bobigny pour octobre 2025.

Pour d’éventuels repreneurs, l’atout clé demeure la surface d’entreposage au Havre, au plus près des terminaux maritimes et axes routiers de desserte. Néanmoins, la réactivation d’un modèle économique viable supposerait des engagements précis, une maîtrise fine des coûts et une segmentation commerciale adaptée aux cycles de volumes portuaires.

Atouts et fragilités d’un site logistique portuaire

Atouts : proximité des terminaux, densité d’affrètement, interconnexions multimodales, accès clients import-export.

Fragilités : volatilité des flux conteneurisés, coûts fixes immobiliers, exposition aux cycles énergétiques, et dépendance à l’évolution des redevances et des services portuaires.

Procédures collectives en 2024-2025 : un climat judiciaire sous tension

Le cas Buffard s’inscrit dans un paysage où les procédures collectives ont progressé. À Bobigny, les professionnels du droit des entreprises en difficulté ont constaté une vague de dépôts de bilan en 2024, observation rappelée lors de l’audience solennelle de rentrée du 22 janvier 2025. Au plan national, les défaillances d’entreprises ont augmenté de plus de 10 % en 2024 par rapport à 2023, avec un impact marqué sur les transports et la logistique.

La pression sur les juridictions se mesure également à l’aune des moyens publics mobilisés. Le rapport d’activité 2024 de l’Inspection générale de la justice fait état de 77 saisines et 77 rapports rendus, reflétant l’intensité des demandes d’évaluation et de contrôle sur des dossiers sensibles, économiques ou non, publiées fin juillet 2025 par le Ministère de la Justice (Ministère de la Justice, IGJ, 24 juillet 2025).

À un niveau plus opérationnel, la publication d’un arrêté du 29 août 2025 relatif à des cessations de fonctions et à des nominations de régisseurs d’avances et de recettes à la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Bobigny illustre la continuité d’activité administrative des juridictions franciliennes dans une phase où les flux de dossiers demeurent soutenus.

Métriques Valeur Évolution
Défaillances d’entreprises en 2024 vs 2023 Plus de 10 % Augmentation
Saisines IGJ en 2024 77 Activité soutenue
Audience de Buffard à Bobigny 8 octobre 2025 Décision attendue
Salariés concernés au Havre Environ 50 Situation précaire

Le tribunal examine la cessation des paiements et l’impossibilité manifeste de redressement. Le juge entend les observations du dirigeant, de l’administrateur ou mandataire judiciaire si présent, et des représentants du personnel. En cas d’ouverture de liquidation, il désigne un liquidateur, fixe le régime applicable aux contrats de travail et arrête le périmètre des actifs à céder.

Emploi et continuité d’activité : risques sociaux immédiats

Buffard Logistique emploie une cinquantaine de salariés au Havre. Le non-paiement des rémunérations en septembre 2025 a mis en lumière l’extrême tension de trésorerie. La nécessité de maintenir la présence au travail a créé une situation de déséquilibre, particulièrement sensible dans les métiers où la continuité de service conditionne la relation client.

Dans ce type de configuration, l’issue judiciaire oriente la prise en charge sociale. La désignation d’un liquidateur, si elle intervient, ouvre la voie aux dispositifs protecteurs classiques, y compris la garantie des salaires le cas échéant, selon les modalités prévues par la loi et sous réserve des décisions du tribunal. L’enjeu de court terme reste d’organiser la transition pour les équipes, en évitant une rupture brutale des parcours professionnels et en préservant les savoir-faire logistiques.

Points d’attention pour les parties prenantes

  1. Salariés : s’informer des décisions à venir, conserver les justificatifs d’heures et de salaires, contacter les représentants du personnel pour le suivi des droits.
  2. Clients : vérifier les flux en transit et les modalités de récupération des marchandises éventuellement stockées sur site.
  3. Fournisseurs : formaliser les créances et suivre les communications du mandataire ou du liquidateur une fois désigné.

Autres signaux sectoriels : retail et services

La période actuelle compte d’autres dossiers emblématiques qui renforcent l’idée d’une fragilité accrue des modèles fortement exposés aux cycles, aux coûts fixes et aux mutations de consommation.

Jennyfer : liquidation et effectifs

Dans l’habillement, la marque de prêt-à-porter Jennyfer a demandé sa mise en liquidation judiciaire au printemps 2025 après un passage en redressement entre 2023 et 2024. L’entreprise employait 999 salariés pour un parc de 220 magasins. Ce cas illustre la difficulté à convertir un redressement judiciaire en relance pérenne lorsque les fondamentaux économiques ne sont pas rétablis.

Bobigny : hausse des dépôts de bilan en 2024

Sur le ressort de Bobigny, les professionnels du droit ont documenté une montée des ouvertures de procédures en 2024. Ce mouvement se répercute sur les plannings de chambres commerciales, la disponibilité des mandataires et la temporalité de décisions structurantes pour l’emploi et les chaînes d’approvisionnement locales.

Les logisticiens cumulent des coûts fixes élevés et une dépendance aux volumes. Les hausses d’énergie, l’irrégularité des flux post-crise et la pression concurrentielle sur les tarifs compressent les marges. Un choc de trésorerie, même court, peut bloquer le cycle d’exploitation et dégrader la relation avec les donneurs d’ordre.

Quels scénarios pour les actifs havrais de Buffard Logistique

En cas de liquidation, les 20 000 m² d’entrepôts constituent la principale variable d’ajustement économique. Une cession partielle ou totale pourrait intéresser des acteurs spécialisés dans l’entreposage portuaire ou des opérateurs intégrés qui cherchent à renforcer leur présence au Havre. La reprise d’actifs, distincte d’une reprise de société, permet de capter la valeur immobilière et logistique sans reprendre tout le passif.

Le marché havrais présente, par ailleurs, des opportunités d’optimisation de flux pour les opérateurs en mesure d’industrialiser la manutention, d’automatiser certaines zones et d’adapter les créneaux de réception-expédition aux contraintes navires-camions. Pour un investisseur industriel, la question pivot reste l’adéquation entre l’outil et les volumes clients confirmés, afin d’éviter un effet de ciseaux coûts-volumes.

Une reprise d’actifs en liquidation suppose un périmètre défini par le tribunal, un calendrier resserré et une exécution sans rupture des autorisations indispensables. Les questions d’environnement, de conformité ICPE le cas échéant, et de continuité des contrats de services clés doivent être anticipées. Les acquéreurs attendus sont souvent ceux qui maîtrisent déjà la chaîne portuaire.

Dernière étape judiciaire pour une entreprise patrimoniale

Si l’audience du 8 octobre 2025 confirme la liquidation de Buffard Logistique France, une page se tournera pour un acteur historique du Havre. La suite dépendra de la capacité à organiser une cession ordonnée des actifs, à sécuriser les parcours des salariés et à assurer la continuité des flux clients via des repreneurs ou des solutions alternatives. Dans un climat où l’activité des tribunaux a été très soutenue ces derniers mois, l’enjeu est d’apporter une clarification rapide aux parties prenantes.

Prochaine échéance, donc, le 8 octobre, avec un verdict attendu qui tranchera l’avenir judiciaire et industriel de Buffard Logistique au Havre.