Unseenlabs est une start-up bretonne qui effectue une surveillance maritime depuis l’espace. Elle guette les bateaux qui préfèrent passer sous le radar, afin de renforcer la lutte contre la pêche illégale, le trafic de drogue et la pollution marine. Cette semaine, elle a envoyé un septième satellite en orbite pour poursuivre cette mission.

Lancement du septième satellite d’Unseenlabs

Unseenlabs est à l’origine d’une constellation de satellites français qui traque les navires criminels en mer, depuis l’espace. Elle vient de lancer son septième satellite.

Le satellite BRO-7 a été mis en orbite basse mardi par la mini-fusée Electron de Rocket Lab, lancée depuis la Nouvelle-Zélande. Ce déploiement intervient un mois après le lancement de BRO-6 par la fusée Falcon 9 de SpaceX.

Unseenlabs utilise sa constellation de petits satellites pour détecter et localiser la source des signaux radiofréquences (RF) commerciaux émis par les navires, même s'ils ont éteint leurs transpondeurs AIS (système d'identification automatique). Les signaux RF proviennent d'un large éventail d'émetteurs, allant des radios VHF push-to-talk aux balises AIS, en passant par les communications mobiles par satellite et les transmissions radar maritimes.

La constellation est conçue pour fournir des données sur le trafic maritime. « Nous sommes en mesure de suivre n'importe quel navire, n'importe où, n'importe quand », indique le site web d’Unseenlabs.

Surveiller les activités malhonnêtes en mer depuis l’espace

Les navires impliqués dans la pêche illégale, le trafic d'êtres humains et la contrebande, par exemple, éteignent leurs signaux AIS pour dissimuler leur position. Mais dès qu'ils branchent l'AIS, pour quelque raison que ce soit, le signal du navire peut être capté et ensuite associé à une signature électromagnétique.

« On peut caractériser les émissions ; c'est-à-dire appliquer une signature unique à chaque navire », explique Clément Galic, président d'Unseenlabs, qu'il a cofondé avec ses frères Jonathan et Benjamin en 2015. « Cela permet de suivre leur trajectoire », poursuit-il.

Les satellites en orbite, qui apportent une précision de localisation de 1 à 5 kilomètres, couvrent déjà le monde entier. L’augmentation de la flotte permet donc d'amplifier la fréquence des « acquisitions » de signaux lors du passage au-dessus des zones d’intérêt. « En deux acquisitions au maximum, on peut voir tout ce qui se passe en Méditerranée », précise Clément Galic. « La radiofréquence est la première couche d'analyse de la surveillance maritime. Nous avons une vision exhaustive d'une très grande zone : 100 à 1 000 fois plus grande qu'un satellite optique », développe-t-il.

Un marché juteux et une entreprise en pleine croissance

Unseenlabs a été créée à Rennes, en Bretagne, en 2015. Elle a commencé à obtenir des financements du ministère français de la Défense en 2018, via son fonds Definvest. Ensuite, elle a réussi à Géolocalisation par satellite : spectaculaire levée de fonds d'unseenlabs.

L'entreprise dit posséder la « flotte de satellites indépendants la plus développée au monde pour détecter les signaux RF ». Plus de la moitié de son activité est internationale, servant à la fois le secteur public et le secteur privé.

En 2021, son chiffre d'affaires a dépassé les 5 millions d'euros. Les prévisions pour cette année sont deux fois plus élevées. Par ailleurs, Unseenlabs a fait passer ses effectifs de 10 à 35 personnes en seulement 18 mois.

« Ce que j'aimerais, c'est un peu plus de commandes publiques françaises », confie Clément Galic. Selon lui, c’est possible, puisque le gouvernement a prévu 1,5 milliard d'euros pour l’aéronautique dans son plan de relance Covid de 100 milliards d'euros.

Les cofondateurs espèrent avoir une douzaine de satellites en orbite d'ici à la fin de l'année, et jusqu'à 20 satellites d'ici à 2025. « L'objectif est de parvenir à une surveillance maritime quasi permanente des activités RF dans le monde entier », déclare Jonathan Galic.

Le marché des RF, en pleine expansion, est quant à lui évalué entre 2 et 4 milliards d'euros pour le secteur maritime. 

Pénurie de lanceurs

Rien ne semble arrêter Unseenlabs, qui n’a qu’un seul rival : l’entreprise américaine HawkEye 360. Toutefois, les ambitions de l'entreprise française sont « dépendantes de la disponibilité des lanceurs », indique Clément Galic. « Avec la crise actuelle, ce n'est pas gagné, mais nous sommes prêts. Nous espérons accélérer mais cela ne va pas aussi vite que nous le souhaiterions », explique-t-il.

Car Unseenlabs travaille avec les fabricants aérospatiaux américains SpaceX et Rocket Lab, mais aussi avec la société française Arianespace - le premier fournisseur de services de lancement commercial au monde, créé en 1980. Cette dernière traverse une période difficile. En effet, elle est fortement impactée par la guerre en Ukraine. Le lancement des fusées Soyouz (de fabrication russe) qu’elle exploite à Baïkonour a été suspendu et la production de Yuzhnoye (qui fabrique les moteurs des fusées européennes Vega et Vega C à Dnipro, en Ukraine) a également été interrompue.

Clément Galic affirme que l'entreprise souhaite travailler de plus en plus avec Arianespace ; or Ariane 5 doit être remplacée par Ariane 6 au début de l'année prochaine, et Unseenlabs ne peut attendre qu'Ariane 6 et Vega C soient opérationnelles, notamment parce que le lancement de satellites hors de France « est très compliqué ». Les frères se rendent donc à l’évidence : même si la technologie d'Arianespace est bonne, elle ne dispose pas de suffisamment de lanceurs « pour couvrir tous [les] besoins » d’Unseenlabs.