2 500 euros en EHPAD public, davantage dans le privé, et environ 1 260 euros au domicile pour une personne dépendante. Le coût du grand âge s’étire, et le financement ne suit plus la cadence. Entre budgets publics sous contrainte et arbitrages patrimoniaux, les familles cherchent des voies de financement plus fines, parfois hors des sentiers battus.

Coûts réels de la dépendance en 2023-2025: le décrochage budgétaire s’accentue

Le poste hébergement pèse de plus en plus lourd. Les dernières références publiques situent le tarif mensuel moyen en EHPAD à environ 2 500 euros dans le secteur public, et au-delà de 3 000 euros dans le privé.

Une étude plus récente indique également des niveaux autour de 2 200 euros dans le public et 2 800 euros dans le privé. Les écarts viennent des millésimes, du périmètre des dépenses retenu et des profils des établissements, mais l’orientation est nette: les prix progressent et la tension sur le pouvoir d’achat s’accroît (Drees, 2024 et 2025).

Hors établissement, la facture du maintien à domicile reste contenue, mais non négligeable. L’INSEE évalue à environ 1 260 euros par mois les dépenses pour une personne âgée dépendante, en intégrant l’aide humaine et les aménagements d’usage.

Le coût horaire moyen des services d’aide à domicile est d’environ 25 euros, une partie pouvant être compensée par les aides publiques. Malgré tout, la différence de niveau de prestation entre une prise en charge en établissement et à domicile explique que le maintien à domicile ne couvre pas toutes les situations.

Repères financiers utiles pour budgéter

Fourchettes de coûts couramment observées, à confronter aux aides disponibles et aux ressources personnelles.

  • EHPAD public: autour de 2 200 à 2 500 euros par mois selon les sources et les périodes.
  • EHPAD privé: environ 2 800 euros par mois, et souvent au-delà de 3 000 euros dans de nombreux établissements.
  • Maintien à domicile: environ 1 260 euros par mois, avec un coût horaire moyen de 25 euros pour l’aide à domicile.

Dans cette mécanique budgétaire, l’écart entre besoin et capacité de financement se creuse. Le débat public se déplace donc vers de nouvelles sources de solvabilisation, en particulier la mobilisation du patrimoine immobilier, tout en scrutant l’évolution des aides publiques.

Financements publics: enveloppes maîtrisées et outils ciblés pour amortir la facture

Le cadre budgétaire 2025 confirme une hausse modérée des crédits pour la santé et la solidarité d’environ 2 pour cent par rapport à 2024. Les allocations dédiées au grand âge restent donc pilotées dans une enveloppe contrainte, ce qui limite la capacité à absorber des hausses de coûts persistantes.

Dans le panel d’aides, l’Allocation personnalisée d’autonomie soutient les plans d’aide à domicile. Son montant moyen autour de 500 euros par mois pour les bénéficiaires à domicile constitue un amortisseur partiel, sans toutefois couvrir la totalité des dépenses liées à une perte d’autonomie lourde. Les situations en établissement comme à domicile requièrent par ailleurs une instruction fine par les conseils départementaux.

Pour l’adaptation de l’habitat, MaPrimeAdapt' peut aller jusqu’à 15 000 euros pour les ménages modestes, avec une logique d’adéquation du logement aux besoins spécifiques de la personne âgée. Ce levier n’est pas universel, mais il réduit le coût initial de travaux souvent indispensables: salle d’eau sécurisée, suppression des marches, renforcement de l’éclairage, barres d’appui.

Côté fiscalité, les résidents imposables en EHPAD peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt de 25 pour cent des dépenses d’hébergement, plafonnée à 10 000 euros par an. Ce mécanisme, parfois mal connu, joue un rôle de soulagement partiel, à condition d’être imposable et de conserver des revenus suffisants pour en profiter pleinement.

Enfin, depuis le 1er juillet 2025, une expérimentation dans 23 départements teste une participation forfaitaire unique pour les soins et la dépendance en EHPAD, afin de lisser les restes à charge et d’améliorer la lisibilité des coûts pour les familles (Pour-les-personnes-agees.gouv.fr, 2025).

L’APA finance une partie du plan d’aide à domicile selon le niveau de perte d’autonomie. MaPrimeAdapt' vise l’adaptation du logement et ne se substitue pas à l’APA. La réduction d’impôt en EHPAD porte sur l’hébergement, sous conditions d’imposabilité. Vérifier les seuils, cumulabilités et plafonds permet d’éviter le saupoudrage et d’optimiser le parcours de financement.

Malgré ces soutiens, la couverture des coûts reste partielle. D’où un basculement du débat: comment mobiliser des ressources privées, notamment immobilières, sans fragiliser la personne âgée ni la succession familiale au-delà du raisonnable.

Patrimoine résidentiel: un actif majoritaire chez les 65 ans et plus, mais peu liquide

Près de 70 pour cent des Français de plus de 65 ans sont propriétaires. La valeur moyenne des biens détenus par les ménages seniors se situe autour de 250 000 euros. Cet actif, souvent pierre angulaire d’un patrimoine construit sur plusieurs décennies, reste néanmoins difficile à transformer en liquidités sans vendre ou s’endetter, dans un contexte où l’accès au crédit se durcit avec l’âge.

Un rapport de référence appelle à repenser la pleine propriété pour libérer du capital sans éviction du logement. L’idée centrale: traiter le logement comme un actif mobilisable, et non uniquement comme un héritage intangible. Les auteurs pointent que le statu quo freine l’innovation financière et accroît la pression sur les finances publiques.

Freins usuels à la mobilisation du logement

La transformation du logement en ressources pour financer la dépendance se heurte à des obstacles multiformes.

  1. Attachement patrimonial: préserver l’héritage intact demeure une norme sociale forte.
  2. Accès au crédit restreint: critères bancaires plus stricts avec l’âge limitent les solutions d’endettement classique.
  3. Complexité juridique: les montages impliquant l’usufruit, la nue-propriété ou la propriété partagée exigent un accompagnement expert.

Ce diagnostic nourrit l’émergence de solutions hybrides, entre liquidité immédiate et maintien du droit d’usage, afin de financer des besoins récurrents comme les soins, l’aide humaine ou l’hébergement.

Montages pour libérer du capital: propriété partagée et démembrement en pratique

La propriété partagée consiste à scinder un bien en parts, ouvrant la possibilité de céder une fraction de la valeur à des investisseurs ou à la famille, tout en conservant le droit de l’habiter. Cette approche est signalée comme pouvant fournir jusqu’à 100 000 euros de liquidités pour financer la dépendance, tout en maintenant le droit de résidence.

Autre piste, le démembrement de propriété distingue l’usufruit du logement, c’est-à-dire le droit d’usage et de percevoir d’éventuels revenus, et la nue-propriété, qui correspond à la valeur future du bien. Céder la nue-propriété à ses enfants tout en conservant l’usufruit à vie peut générer une ressource financière, par exemple sous forme de rente convenue au sein de la famille, et fluidifier la transmission dans le temps. Selon des projections citées, ce type de montage pourrait concerner une fraction significative des seniors propriétaires d’ici 2030, créant des marges de manœuvre pour les aménagements ou l’aide à domicile.

Les acteurs locaux s’y intéressent également. Des organisations d’élus ont plaidé pour des incitations fiscales ciblées afin de sécuriser et encourager ces montages, jugés complémentaires des aides publiques. Le message est clair: sans mobilisation ordonnée du patrimoine, la solvabilisation de la dépendance restera incomplète.

Un démembrement correctement conçu peut permettre au senior de conserver l’usage du bien tout en monétisant une partie de sa valeur. L’équilibre repose sur trois paramètres: évaluation transparente, fiscalité maîtrisée et gouvernance familiale claire. L’objectif n’est pas de maximiser la liquidité à court terme, mais d’aligner durée d’usage, besoins de trésorerie et protection des proches.

Cas type: cession de nue-propriété à la famille

Un propriétaire âgé conserve l’usufruit de sa résidence principale et cède la nue-propriété à ses enfants contre le versement d’une rente. Cette organisation peut libérer des ressources régulières pour financer l’aide à domicile ou un hébergement en EHPAD, sans quitter immédiatement le logement. Au décès de l’usufruitier, les enfants deviennent pleinement propriétaires, ce qui clarifie la succession.

La montée en puissance de ces montages s’inscrit aussi dans une évolution culturelle. Les prises de position d’experts du secteur, en 2024, ont pointé que l’effort public ne suffira pas sans mobilisation des patrimoines privés. Sur les réseaux sociaux, des discussions récurrentes relaient la même interrogation: comment préserver la dignité et la sécurité financière des aînés, sans reporter intégralement la charge sur les budgets publics ni fragiliser les familles.

Ehpad public ou privé: le différentiel de prix ravive les inégalités d’accès

Les écarts de tarifs entre établissements publics et privés se confirment. Les données disponibles indiquent que le privé pratique des prix supérieurs, avec des écarts de l’ordre de 20 pour cent et un niveau d’encadrement rapporté comme plus faible. Rapportés au budget d’un ménage retraité, ces différentiels deviennent décisifs, notamment pour les classes moyennes qui ne bénéficient ni des aides maximales ni de revenus confortables.

Ces variations, au-delà des moyennes nationales, se ressentent au moment du choix. Les familles arbitrent désormais selon des critères multiples: proximité géographique, qualité perçue, dispositifs d’aides activables, et solutions de repli pour demeurer plus longtemps au domicile. En parallèle, le nombre de places reste un paramètre clé: environ 728 000 places en 2023, un volume qui ne lève pas toutes les tensions liées aux listes d’attente pour certains territoires et profils de dépendance.

Plusieurs facteurs expliquent les écarts: coûts immobiliers et d’exploitation, stratégie de positionnement des établissements, niveau de services additionnels, et organisation interne des équipes. Les comparaisons doivent toujours rapprocher des profils équivalents de résidents et des périmètres de prestations comparables.

La lisibilité des restes à charge devient donc une priorité. L’expérimentation lancée à l’été 2025 autour d’une participation forfaitaire unique vise précisément à rendre le coût global plus compréhensible et à mieux répartir les efforts entre soins et dépendance. S’il est trop tôt pour en tirer des enseignements, la démarche répond à une demande de simplification exprimée de longue date par les familles et les gestionnaires.

Maintien à domicile: premier reflexe, mais pas toujours suffisant

Les ménages privilégient autant que possible le domicile adapté. Le budget type d’environ 1 260 euros par mois pour une personne dépendante permet d’acheter des services d’aide à la vie quotidienne, renforcés par des aménagements.

Dans un rapport public récent, une majorité de seniors se prononcent pour le domicile lorsqu’il est sécurisable et compatible avec leur état de santé. L’allocation d’autonomie et les aides à l’adaptation du logement jouent alors le rôle de piliers financiers.

Mais cette équation n’est pas universelle. En cas de forte dépendance, ou lorsque l’environnement ne permet pas une sécurisation suffisante, l’EHPAD reste incontournable.

Les familles organisent alors des parcours hybrides: domicile adapté le plus longtemps possible, puis entrée en établissement lorsque la charge devient trop lourde. Ce séquencement rend d’autant plus cruciale la gestion des liquidités dans le temps, pour éviter l’assèchement prématuré de l’épargne.

Pistes d’arbitrage au domicile

Trois dimensions à examiner pour sécuriser le maintien à domicile lorsque cela est possible.

  • Plan d’aide réaliste: calibrer les heures d’intervention au plus près des besoins quotidiens, et ajuster tous les trimestres.
  • Travaux prioritaires: cibler les aménagements à plus fort impact sur la sécurité et l’autonomie, en activant MaPrimeAdapt'.
  • Budget de long terme: projeter le coût sur 12 à 24 mois, en incluant l’APA, afin d’éviter les découverts de trésorerie en cours d’année.

La montée des solutions intermédiaires complète l’éventail: colocations intergénérationnelles, résidences services seniors, services d’aide renforcés. Ces alternatives ne remplacent pas l’EHPAD pour les pertes d’autonomie sévères, mais elles peuvent retarder l’entrée en institution et optimiser l’usage des aides, en réduisant le coût global pour la collectivité et les ménages.

Un équilibre financier à redessiner pour le grand âge

La France vieillit, avec 16 millions de personnes de plus de 65 ans en 2023 et une projection à 20 millions d’ici 2030. Le plan Grand Âge 2023-2027 affiche 3 milliards d’euros d’investissements, tout en posant la complémentarité avec les ressources privées. Les analyses sectorielles estiment que les solutions hybrides de mobilisation du patrimoine pourraient générer, sur un horizon long, un volume significatif de liquidités pour absorber une part des besoins, à côté des financements publics et familiaux.

La dynamique enclenchée par l’expérimentation EHPAD à l’été 2025 va dans le sens d’une simplification du coût et d’une meilleure répartition des charges. Reste à clarifier les règles et à sécuriser les montages de mobilisation du patrimoine, afin de protéger les intéressés et leurs proches. L’enjeu n’est pas seulement budgétaire: il est aussi social et légal, pour garantir une prise en charge digne, lisible et soutenable.

À l’heure des arbitrages, chaque euro doit compter, du budget public au toit familial qui devient, prudemment, une source de solvabilisation.