Valbiotis a parcouru un chemin singulier pour passer d’une structure de recherche à une véritable société commerciale. Les résultats financiers de l’exercice 2024 illustrent cette métamorphose. Le passage de la R&D à la commercialisation s’est avéré capital pour la société, avec un chiffre d’affaires certes modeste, mais porteur de grandes ambitions pour les années à venir. Cet article propose une exploration détaillée des comptes 2024, tout en décryptant les tendances, les ratios clés et les opportunités d’amélioration possibles.

État des lieux : un panorama financier en mutation

Le premier constat porte sur une hausse notable des charges, en lien avec la montée en puissance de la commercialisation, face à un chiffre d’affaires qui débute modestement à 175 k€ (contre 4,73 M€ un an plus tôt). Cette baisse en valeur absolue s’explique essentiellement par l’absence des paiements forfaitaires reçus précédemment de Nestlé Health Science, qui avaient fortement gonflé le chiffre d’affaires de 2023.

Malgré ce recul apparent, il est essentiel de rappeler que Valbiotis se concentre désormais sur la mise en marché de ses propres produits, notamment Valbiotis®PRO Cholestérol et Valbiotis®PRO Santé métabolique. Les efforts de transformation interne, le renforcement de l’équipe commerciale et le repositionnement stratégique ont naturellement mobilisé d’importantes ressources, entraînant une réallocation budgétaire dans l’organisation de la société.

L’année 2024 a donc été un tournant : d’une orientation R&D à un ancrage plus commercial, la société doit démontrer la pertinence de son modèle sur le long terme. Ainsi, le résultat net ressort à -10,03 M€, en recul par rapport aux -7,37 M€ de l’exercice précédent. Cette différence négative traduit les coûts de lancement et les investissements pour soutenir la commercialisation. Toutefois, la direction confirme sa confiance dans le potentiel des lancements successifs prévus, notamment la mise sur le marché attendue de TOTUM•854 au deuxième trimestre 2025.

Points marquants de l’exercice 2024

Avant de plonger dans la mécanique du compte de résultat, il convient de revenir sur les faits saillants de l’année écoulée. Valbiotis a opéré un virage stratégique majeur : passer d’une société de recherche et développement à une entreprise génératrice de revenus autour des compléments nutritionnels. Cet objectif, amorcé par le lancement de Valbiotis®PRO Cholestérol en mai 2024, s’est poursuivi début 2025 avec Valbiotis®PRO Santé métabolique.

L’organisation interne a été consolidée : la part des collaborateurs dédiés au marketing, aux ventes et à la promotion médicale a connu une forte progression, passant de 11 % fin 2023 à 50 % fin 2024. Cette mutation se reflète notamment dans l’accroissement du coût des ventes (+14,5 %), car de nouvelles ressources en production, logistique et industrialisation ont été déployées pour garantir la disponibilité des produits.

Sur le plan clinique, l’exercice 2024 a vu l’aboutissement de deux étapes-clés : la finalisation de l’étude de phase II/III INSIGHT pour TOTUM•854 (un produit destiné à réduire la pression artérielle systolique) et la confirmation de l’efficacité de Lipridrive® (substance active de Valbiotis®PRO Cholestérol). Au-delà du potentiel scientifique, ces avancées ont rapproché Valbiotis de perspectives commerciales plus larges, aussi bien en France qu’à l’international.

La rupture du partenariat en juin 2024 a constitué un tournant stratégique pour Valbiotis. Nestlé Health Science avait, par le passé, versé des paiements forfaitaires importants liés à des étapes de R&D. L’arrêt de ce partenariat a réduit fortement les revenus non récurrents, ce qui explique en partie la baisse du chiffre d’affaires entre 2023 et 2024.

Pour soutenir cette dynamique, la gouvernance a également évolué : l’arrivée de Stanislas Sordet (Directeur Administratif et Financier) et de Sébastien Poncet (Directeur business unit France) au sein du Directoire confirme la volonté d’adosser la stratégie à des experts opérationnels, capables de piloter la croissance et de répondre aux enjeux de commercialisation.

Décryptage du compte de résultat 2024

Le compte de résultat présenté par Valbiotis pour l’année 2024 offre une vision précise des efforts consentis pour accélérer la mise sur le marché de ses compléments nutritionnels. Nous allons analyser, poste par poste, les grandes lignes afin de dégager les principales tendances.

Chiffre d’affaires: Avec 175 k€ en 2024, Valbiotis affiche un démarrage réaliste de ses ventes directes. Le retrait par rapport à 2023 s’explique avant tout par la fin des paiements reçus dans le cadre de la collaboration avec Nestlé Health Science (qui avaient gonflé le chiffre d’affaires 2023 à 4,73 M€). Ce « retour à la normale » marque la transition vers un modèle centré sur la croissance organique des produits en propre.

Autres produits opérationnels: À hauteur de 4,47 M€, ces produits incluent essentiellement le solde du paiement initial (upfront) versé autrefois par Nestlé Health Science, retraité selon les normes IFRS, ainsi que le crédit d’impôt recherche (CIR) d’environ 0,79 M€. Cette dernière aide fiscale demeure essentielle pour une entreprise historiquement axée sur la R&D.

Coût des ventes: Évalué à 2,34 M€, il progresse de 14,5 % par rapport à 2023. Cette hausse reflète le développement des processus industriels et la structuration de la logistique pour accompagner l’entrée en commercialisation des premiers produits.

Dépenses de R&D: Elles reculent de 35,1 %, à 4,64 M€. Cette baisse résulte principalement de la clôture de plusieurs études cliniques et de la diminution progressive des frais de personnel affectés à la recherche. L’achèvement de phases cliniques majeures permet à l’entreprise de rediriger une partie de son budget vers la vente et le marketing.

Vente et marketing: Les dépenses dans ce domaine bondissent à 4,36 M€ (+116 % environ), reflet de la constitution d’une force de vente (16 Attachés à la promotion médicale) et du renforcement des équipes marketing et communication. Cette hausse est cohérente avec l’objectif de booster la visibilité et les ventes de la gamme Valbiotis®PRO en France.

Frais généraux: Ils s’établissent à 3,1 M€, contre 2,16 M€ en 2023. La mise en place d’un nouvel ERP (logiciel de gestion) et l’adaptation de la structure aux nouvelles ambitions de l’entreprise expliquent en grande partie cette hausse.

Résultat opérationnel: Il atteint -10,42 M€, en baisse par rapport à l’an dernier (-7,18 M€). Valbiotis subit mécaniquement la charge de ses investissements humains et logistiques. Les coûts de structure et de lancement restent considérables, tandis que les ventes sont encore à un stade initial.

Résultat net: À -10,03 M€, il reflète la période de transition stratégique et commerciale. Les espoirs reposent désormais sur la montée en puissance des produits commercialisés, ainsi que sur l’éventuelle signature de nouveaux partenariats à l’international, ce qui pourrait améliorer significativement les revenus futurs.

Bon à savoir : le CIR

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est un dispositif français qui permet aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt calculé sur la base des dépenses de R&D éligibles. Il vise à encourager la recherche et l’innovation dans l’Hexagone. Chez Valbiotis, cette aide fiscale a représenté près de 0,79 M€ en 2024, une somme non négligeable au vu de sa stratégie de développement.

Calcul et interprétation de quelques ratios financiers

Pour bien cerner la santé financière de Valbiotis, il est utile de calculer certains ratios clés, tout en gardant à l’esprit que la société est en phase d’extension commerciale. Les performances peuvent donc être momentanément éloignées des normes sectorielles, compte tenu du stade de développement de ses produits.

Marge brute
Pour une entreprise classique, la marge brute se calcule en soustrayant le coût des ventes du chiffre d’affaires, puis en divisant ce résultat par le chiffre d’affaires. Dans le cas de Valbiotis, la situation est un peu particulière : le chiffre d’affaires (175 k€) reste inférieur au coût des ventes (2,34 M€), d’où une marge brute négative.

Formule simplifiée: (Chiffre d’affaires - Coût des ventes) / Chiffre d’affaires. Ici, (175 - 2 340) / 175 ≈ -12,4 (soit -1 240 %).

Dans un contexte de lancement de produits, on constate souvent un décalage entre les revenus générés et les coûts de production, en particulier quand l’entreprise investit massivement dans son stock, son industrialisation et la logistique.

Marge d’exploitation (ou marge opérationnelle)
Ce ratio se calcule en divisant le résultat opérationnel par le chiffre d’affaires. Avec -10,42 M€ de résultat opérationnel pour 175 k€ de CA, on obtient un ratio fortement négatif. Concrètement, la société n’a pas encore atteint l’équilibre sur son activité commerciale.

Formule: Résultat opérationnel / CA ≈ -10,42 M€ / 0,175 M€ = -59,54 (soit -5 954 %).

Rentabilité nette (résultat net / chiffre d’affaires)
Avec un résultat net de -10,03 M€ sur 175 k€ de chiffre d’affaires, la rentabilité nette se situe largement en territoire négatif. Cela souligne la nécessité pour Valbiotis d’augmenter ses ventes et de contenir ses coûts, afin de viser l’équilibre dans les années à venir.

Formule: Résultat net / CA = -10,03 M€ / 0,175 M€ ≈ -57,3, ce qui correspond à -5 730 %. Ce niveau, certes élevé, s’explique par la structure de coûts et le fait que les produits viennent d’être mis sur le marché.

Exemple de lecture d’un ratio négatif

Une marge négative ne signifie pas forcément que l’activité n’a pas de potentiel. Cela peut indiquer que la société investit lourdement en équipements, en ressources humaines ou en actions commerciales, sans que les revenus ne suivent encore. Dans le cas de Valbiotis, l’explication tient à la période d’incubation des produits et à l’absence de gros partenariats financiers en 2024.

Ratio de trésorerie
Valbiotis disposait de 11,58 M€ de trésorerie à la clôture de l’exercice 2024. Bien que ce montant paraisse correct, il convient de noter que la société a déjà exprimé le besoin d’un nouvel emprunt pour assurer le financement au-delà du premier semestre 2026. L’encaissement du crédit d’impôt recherche 2023 (1,57 M€) devrait contribuer à renforcer marginalement la trésorerie en 2025.

La trésorerie constitue le socle de la liquidité de l’entreprise. Sans un niveau suffisant de cash, une société ne peut pas financer ses charges courantes, son développement ou sa R&D. Dans le cas de Valbiotis, s’assurer un matelas de trésorerie confortable est indispensable pour mener à bien ses lancements commerciaux et absorber d’éventuels aléas de marché.

Les points forts et les pistes de progrès

Dans un contexte de transition, l’analyse financière doit considérer la situation de Valbiotis sous un angle à la fois prudent et optimiste. Plusieurs éléments se dégagent clairement à la lecture des comptes et des faits marquants.

Forces

  • Une approche novatrice : Valbiotis se positionne sur le marché porteur des compléments alimentaires cliniquement validés. Le lien entre nutrition et prévention des maladies métaboliques offre un potentiel de croissance significatif.
  • Portefeuille de produits diversifié : Avec TOTUM•63, TOTUM•854, Lipridrive®, Valbiotis®PRO, la société dispose déjà de solutions matures ou en passe de l’être, ce qui mutualise les risques et élargit la clientèle potentielle.
  • Structuration interne adaptée : L’augmentation du personnel dédié à la vente et au marketing montre une réactivité stratégique qui pourrait accélérer la montée en puissance du chiffre d’affaires.
  • Recherche de partenaires à l’international : Valbiotis ne s’interdit pas de conclure de nouvelles alliances hors de France. Les perspectives de collaborations internationales pourraient booster la notoriété et les ventes.

Faiblesses

  • Perte nette importante : Les -10,03 M€ en 2024 soulignent un déséquilibre entre les revenus naissants et les charges de plus en plus lourdes.
  • Forte dépendance à la croissance du CA : La rentabilité future dépend principalement de la réussite commerciale rapide. Les retards ou l’intensité concurrentielle pourraient pénaliser l’atteinte des objectifs 2027 et 2030.
  • Financement à surveiller : Malgré une trésorerie de 11,58 M€, l’horizon de financement au-delà de 2026 reste conditionné par l’obtention d’emprunts et/ou par la progression des ventes.

Leviers d’amélioration

  • Optimiser la marge brute : Avec une production encore limitée, le coût unitaire reste élevé. Augmenter les volumes peut permettre de mieux absorber les charges fixes et d’approcher rapidement un point mort commercial.
  • Renforcer le marketing ciblé : Les professionnels de santé et les pharmacies sont des canaux importants. Continuer à informer et à convaincre ces prescripteurs fera croître la notoriété des produits.
  • Poursuivre la maîtrise des dépenses : Bien que la société ait déjà baissé ses frais de R&D, le poids des frais de structure reste élevé. Un arbitrage budgétaire fin demeurera nécessaire pour soutenir la commercialisation tout en conservant la capacité d’innover.

Zoom sur la stratégie et les perspectives de Valbiotis

L’entreprise a dévoilé ses ambitions à horizon 2027 et 2030 :

  • Un chiffre d’affaires de plus de 25 M€ à l’horizon 2027, avec un EBITDA positif sur le périmètre français.
  • Un objectif de 100 M€ de CA en 2030, dont au moins 30 % à l’international, accompagné d’une marge d’EBITDA comprise entre 25 et 30 %.

Pour atteindre ces jalons, Valbiotis capitalise sur :

  • La multiplication des références dans sa gamme Valbiotis®PRO : à ce jour, deux produits sont sur le marché (Cholestérol et Santé métabolique). Le lancement de TOTUM•854 au deuxième trimestre 2025 viendra compléter l’offre.
  • Une gamme complémentaire Valbiotis®PLUS, destinée au bien-être au quotidien, avec déjà une dizaine de produits prévus.
  • La recherche de partenariats à l’international : Valbiotis n’exclut pas de renouer avec des acteurs majeurs en dehors de l’Hexagone pour accélérer la diffusion de ses solutions nutritionnelles.

Au vu de ces ambitions, la direction se veut confiante, convaincue que l’essor du marché des compléments alimentaires scientifiquement validés apportera un relais de croissance durable. Toutefois, la société doit encore prouver sa capacité à rentabiliser rapidement ses investissements, notamment en sécurisant des volumes de vente suffisants pour couvrir ses charges fixes.

Qui est Valbiotis ?

Valbiotis est un laboratoire français, né à La Rochelle en 2014, qui concentrait initialement ses efforts sur la R&D dans le domaine des compléments de santé pour prévenir les maladies métaboliques et cardiovasculaires. L’entreprise bénéficie du label « Entreprise Innovante » de BPI France et d’un soutien financier européen via des fonds FEDER. Aujourd’hui, elle se réinvente comme un acteur commercial orienté vers la prévention nutritionnelle.

Recommandations opérationnelles et stratégies à envisager

Le bilan de l’exercice 2024 montre que les piliers de la croissance future de Valbiotis sont en place. Malgré un résultat net négatif, la société dispose de sérieux atouts pour réussir dans un marché en pleine expansion. Afin de consolider ses ambitions, voici quelques recommandations clés :

1. Accentuer la notoriété produit

La réduction du LDL cholestérol, la régulation de la pression artérielle ou le maintien d’un bon métabolisme sont autant de problématiques majeures pour la population française. Il est crucial de communiquer efficacement auprès des professionnels de santé, des médias spécialisés et des influenceurs du secteur bien-être. Un plan marketing multicanal (réseaux sociaux, approches terrain, publicité ciblée) peut renforcer la réputation de la marque.

2. Stabiliser les partenariats stratégiques

La rupture avec Nestlé Health Science a montré la vulnérabilité liée à un partenariat unique. Diversifier les alliances, notamment à l’international, serait un moyen de sécuriser des revenus complémentaires, de développer la R&D en cofinancement et de donner une envergure mondiale à la gamme Valbiotis®PRO. Les grands groupes de la nutrition ou les laboratoires pharmaceutiques pourraient être des partenaires naturels.

3. Optimiser la chaîne de production

Afin de tendre vers une marge brute positive, Valbiotis doit accroître ses capacités industrielles, soit en internalisant une partie de la fabrication, soit en améliorant les conditions d’achat et de distribution. La négociation des coûts de matières premières, la standardisation de certaines étapes de production et l’automatisation des processus logistiques peuvent contribuer à diminuer le coût unitaire.

4. Renforcer la trésorerie et la structure de financement

Les discussions avec les établissements bancaires et les investisseurs doivent être maintenues, voire intensifiées, afin de sécuriser des lignes de crédit ou des augmentations de capital en temps voulu. Cette sécurisation financière est indispensable pour poursuivre les investissements, tant en R&D qu’en marketing, sans mettre en péril l’équilibre de la société.

5. Déployer l’innovation continue

Le marché des compléments alimentaires est concurrentiel, et la technologie TOTUM•63 ou TOTUM•854 doit sans cesse être confortée par de nouvelles études, des optimisations de formules ou des preuves de concept élargies (par exemple, de nouveaux bénéfices santé prouvés). Cette dynamique scientifique reste un atout distinctif fort pour séduire les consommateurs et les professionnels.

Les compléments alimentaires forment un marché en pleine croissance, avec des géants historiques et des start-up innovantes. Pour Valbiotis, la différenciation repose sur la rigueur scientifique et la preuve clinique des effets bénéfiques de ses produits. Cultiver cet avantage concurrentiel représente un levier primordial pour consolider sa position.

Entrevoir l’avenir avec persévérance

Face à un exercice 2024 marqué par une perte nette et des défis de trésorerie, Valbiotis conserve néanmoins un potentiel considérable grâce à sa gamme de produits, à ses validations cliniques solides et à une équipe dirigeante renforcée. Les objectifs fixés à 2027 et 2030 illustrent une volonté de s’implanter durablement sur le secteur porteur de la prévention des risques métaboliques et cardiovasculaires. Si l’entreprise parvient à concilier maîtrise des charges, expansion internationale et montée en puissance rapide des ventes, elle pourrait confirmer sa place de choix parmi les acteurs innovants de la nutrition santé.

Dans un univers en constante évolution, Valbiotis illustre la trajectoire d’une biotech devenue entreprise commerciale, déterminée à conjuguer rigueur scientifique et recherche de rentabilité durable.