Premiers repères pour comprendre les résultats 2024 d’AXA

AXA vient de dévoiler un bilan solide pour l’exercice 2024, avec un chiffre d’affaires en hausse et une rentabilité opérationnelle confortable. Au-delà des chiffres, ces résultats traduisent une stratégie « Unlock the Future » qui amplifie l’essor des principales lignes d’activité (dommages, vie, santé et gestion d’actifs).

Dans les paragraphes qui suivent, nous démêlons l’ensemble de ces données pour livrer un diagnostic financier complet et clair, accessible à tous.

Diagnostic global de la performance

Sur l’année 2024, AXA a généré 110 milliards d’euros de primes brutes et autres revenus, soit une progression de 8 % sur un an. Cette hausse résulte d’une combinaison d’effets tarifaires soutenus et de volumes globalement solides. Au niveau opérationnel, le groupe enregistre un résultat de 8,1 milliards d’euros, en croissance de 7 % à taux de change constant.

Dans le détail, l’assurance dommages (ou « Property & Casualty ») pèse près de 56,5 milliards d’euros de primes, en progrès notable, tandis que la branche vie et santé se distingue par sa forte dynamique, à hauteur de 52 milliards d’euros. En parallèle, la gestion d’actifs (1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires) connaît aussi une embellie, soutenue par l’appréciation des marchés et la hausse de la collecte nette. Enfin, la rentabilité nette ressort à 7,9 milliards d’euros, reflétant l’amélioration progressive de la situation économique, ainsi qu’un contexte de sinistralité maîtrisé.

Au niveau du bilan, le ratio de Solvabilité II (SCR) se stabilise à 216 %, enregistrant tout de même un léger recul par rapport aux 227 % de 2023. Cette variation s’explique principalement par l’écartement des spreads obligataires et par les rachats d’actions. Malgré ce repli, le groupe affiche toujours un confortable niveau de capitalisation. Les capitaux propres clôturent à 49,9 milliards d’euros, en légère hausse sur la période. Enfin, la trésorerie disponible en holding (4 milliards d’euros) reste largement suffisante pour accompagner les futurs investissements.

Ratios financiers essentiels

AXA présente une marge d’exploitation de 7,36 % et une rentabilité nette de 7,18 % traduisant une bonne efficacité opérationnelle, un ratio combiné dommages de 91,0 % témoignant d’une souscription profitable, et un ratio de solvabilité II à 216 % confirmant la solidité financière du groupe.

Pour prendre la juste mesure de la performance, quelques ratios clés sont à retenir :

  • Marge d’exploitation = Résultat opérationnel / Chiffre d’affaires = 8,1 milliards / 110 milliards ≈ 7,36 %. Ce ratio traduit l’efficacité globale des activités d’AXA dans la création de valeur opérationnelle.
  • Rentabilité nette = Résultat net / Chiffre d’affaires = 7,9 milliards / 110 milliards ≈ 7,18 %. Ce niveau témoigne d’un équilibre satisfaisant entre marges techniques et contrôle des charges.
  • Ratio combiné dommages = 91,0 % sur l’ensemble de l’exercice, en amélioration de 2,1 points par rapport à 2023. Sous la barre de 100 %, ce ratio reflète une souscription profitable dans la branche P&C.
  • Ratio de solvabilité II = 216 %. Bien qu’en retrait, il demeure largement au-dessus du minimum réglementaire et conforte la solidité financière du groupe.

Du côté de la branche Vie & Santé, les marges de service restent soutenues et la valeur des affaires nouvelles se maintient autour de 2,3 milliards d’euros, soit une marge moyenne de 4,4 %. Même constat positif pour les métiers de la gestion d’actifs, avec un ratio d’exploitation amélioré à 68 % (contre 71,6 % en 2023), reflet d’une meilleure maîtrise des charges par rapport aux revenus.

La marge sur service contractuel (CSM) correspond au bénéfice « non acquis » sur les contrats d’assurance vie et santé, qui sera progressivement reconnu dans le compte de résultat. Elle résulte notamment de la différence entre les flux de primes prévues et les coûts estimés (sinistralité, commissions) sur la durée de vie des contrats.

Ratio Calcul Observation Analyse
Marge d’exploitation Résultat opérationnel / Chiffre d’affaires = 8,1 / 110 ≈ 7,36 % En hausse par rapport à 2023 Reflet d’une meilleure maîtrise des coûts et d’un fort levier opérationnel
Rentabilité nette Résultat net / Chiffre d’affaires = 7,9 / 110 ≈ 7,18 % Résultat net soutenu par un contexte de marché favorable Montre l’équilibre entre performance technique et contrôle des charges
Ratio combiné (dommages) (Sinistres + frais) / Primes brutes = 91,0 % En baisse de 2,1 pts vs 2023 Indique une rentabilité technique supérieure aux normes du secteur
Ratio de Solvabilité II Capital éligible / Capital requis = 216 % En retrait de 11 pts (vs 2023) Reste élevé, assurant une marge de sécurité confortable
Ratio d’endettement Dette / (Dette + capitaux propres) = 20,6 % Légère hausse de +0,3 pt Taux gérable, reflétant une structure financière saine

Forces et faiblesses révélées par les chiffres

AXA se distingue par une croissance solide de son chiffre d’affaires (+8 %), un bilan robuste (ratio de solvabilité à 216 %), une sinistralité bien maîtrisée et une politique de distribution attractive, tout en devant gérer la baisse relative du ratio de solvabilité, la dégradation dans certaines lignes financières d’AXA XL et l’impact temporaire d’investissements technologiques accrus.

L’examen détaillé du compte de résultat 2024 d’AXA met en évidence plusieurs atouts majeurs, mais également quelques zones d’alerte :

Atouts

  • Hausse notable du chiffre d’affaires (+8 %) : le développement simultané de plusieurs lignes de métier consolide la position d’AXA sur ses marchés stratégiques, notamment dans la branche dommages des entreprises.
  • Bilan robuste : le ratio de solvabilité de 216 % est un gage de sécurité pour les investisseurs et les clients, permettant au groupe de répondre à d’éventuels chocs.
  • Amélioration de la sinistralité : une bonne maîtrise des coûts liés aux catastrophes naturelles et un pilotage tarifaire prudent, surtout dans l’assurance dommages particuliers.
  • Distribution attractive : dividende à 2,15 €/action et nouveau programme de rachat d’actions, démontrant la confiance de la direction dans les perspectives à moyen terme.

Points sensibles

  • Baisse du ratio de solvabilité : malgré un niveau confortable, le recul de 11 points par rapport à 2023 interroge sur la sensibilité du groupe aux mouvements de marché (spreads obligataires notamment).
  • Évolution défavorable chez AXA XL dans certaines lignes financières : malgré une croissance tarifaire, la rentabilité requiert une vigilance face à la « dégradation » des conditions de marché.
  • Investissements technologiques accrus : s’ils sont indispensables pour rester compétitif, ces coûts pèsent momentanément sur le résultat des holdings.

Bon à savoir sur la Solvabilité II

Le ratio de Solvabilité II reflète la capacité d’une compagnie à absorber un choc financier défavorable. Un ratio supérieur à 100 % indique que l’assureur dispose d’une marge de sécurité adéquate pour couvrir ses engagements, même en cas de volatilité extrême des marchés.

Comparaisons sectorielles et évolutions récentes

Dans le secteur de l’assurance français et européen, plusieurs acteurs ont également enregistré une hausse de leur chiffre d’affaires en 2024, mais AXA se distingue grâce à :

  • Un mix d’activités équilibré : l’entreprise n’est pas exposée à un unique créneau, ce qui l’aide à lisser la volatilité en cas d’aléas conjoncturels.
  • Une expansion géographique : particulièrement en Asie, en Amérique latine et en Europe continentale, là où le potentiel de croissance demeure conséquent, notamment en assurance santé.
  • Une capacité à mener des programmes de rachats d’actions : preuve d’une bonne gestion du capital, permettant à la fois de récompenser l’actionnaire et de signaler la solidité bilancielle à moyen terme.

Par ailleurs, la politique de gestion du capital (taux de distribution total de 75 % sur le résultat opérationnel) reste alignée sur les tendances du marché, où nombre d’assureurs européens ont opté pour une distribution mixte (dividendes + rachats d’actions). Cette approche accroît la flexibilité financière du groupe, qui peut consolider sa position sur des segments à forte rentabilité, tout en renforçant la satisfaction de l’actionnaire.

Recommandations et pistes d’amélioration

Malgré de bons résultats, AXA peut encore renforcer sa trajectoire bénéficiaire :

  1. Optimiser les coûts opérationnels : la transformation digitale, bien que stratégique, entraîne une hausse des dépenses. Affiner la gouvernance des projets IT pourrait limiter l’envolée des charges.
  2. Diversifier davantage la palette de produits : dans un contexte d’incertitudes économiques, proposer des offres couvrant les nouveaux risques (cyber, environnement, pandémies) demeure un relais de croissance essentiel.
  3. Intensifier la gestion des risques climatiques : l’impact modéré des catastrophes naturelles en 2024 ne doit pas masquer l’augmentation tendancielle de ces événements.
  4. Poursuivre la rationalisation des portefeuilles : la cession d’AXA Investment Managers à BNP Paribas, lorsqu’elle sera finalisée, doit être l’occasion de concentrer la structure sur les business les plus générateurs de marges pérennes.

Le ratio combiné additionne les sinistres et les frais de gestion rapportés aux primes perçues. Un ratio inférieur à 100 % indique que l’activité dégage un bénéfice technique avant même la prise en compte des revenus financiers. AXA atteint un niveau de 91 % en 2024, ce qui témoigne d’une bonne rentabilité sur ce segment.

Zoom sur AXA : un parcours et une vision

Créé à la fin des années 1980, le Groupe AXA est rapidement devenu l’un des principaux assureurs mondiaux. La fusion de multiples entités, sous la même bannière, a permis une montée en puissance rapide. Aujourd’hui, AXA se concentre sur des positions de premier plan en assurance dommage des entreprises, santé collective et épargne-retraite, tout en investissant dans la transformation digitale.

Lancé il y a quelques années, le plan stratégique « Unlock the Future » vise à accélérer la croissance organique rentable (développement en assurance dommages, vie, santé et renforcement dans les pays émergents) et à promouvoir l’excellence opérationnelle. Selon Thomas Buberl, Directeur Général, ce plan s’appuie sur un modèle qui favorise la fidélisation de la clientèle, l’innovation produit et l’anticipation des risques émergents (cyber, climatique). Les résultats 2024 viennent confirmer l’effet positif de cette feuille de route.

Le plan « Unlock the Future »

Initié pour la période 2024-2026, ce programme doit générer une croissance organique rentable, via un pilotage tarifaire affiné, des investissements technologiques ciblés et une politique rigoureuse en matière de distribution (dividendes et rachats d’actions). L’objectif affiché : accroître la rentabilité opérationnelle entre 6 % et 8 % par an, tout en préservant les niveaux de solvabilité.

Perspectives de marché et enjeux futurs

Dans l’immédiat, AXA semble bien placé pour atteindre ses cibles financières : rentabilité opérationnelle des capitaux propres comprise entre 14 % et 16 %, croissance du résultat opérationnel par action entre 6 % et 8 %, et génération de 21 milliards d’euros de trésorerie organique cumulée. La réalisation de ces objectifs dépendra néanmoins de :

  • La volatilité des taux d’intérêt et des spreads obligataires, qui influence directement le coût du capital et la valorisation des contrats à long terme.
  • La fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles, facteur de risque majeur pour l’assurance dommages.
  • Les progrès en transformation numérique, permettant de réduire les coûts de fonctionnement et d’améliorer l’expérience client.
  • La finalisation de certaines cessions (telles que celle d’AXA Investment Managers à BNP Paribas) et la réaffectation des capitaux libérés.

Le numérique permet de personnaliser l’offre, d’automatiser la souscription et d’accélérer la gestion des sinistres. Pour AXA, ces innovations renforcent la satisfaction client et réduisent les tâches chronophages. Cependant, ces investissements technologiques pèsent aussi sur les résultats à court terme. L’enjeu est de trouver un juste équilibre entre coûts et retombées à moyen/long terme.

Points de vigilance sur l’année en cours

Si l’exercice 2024 se conclut sur des résultats encourageants, quelques facteurs incitent à la prudence pour l’exercice 2025 :

  • Adaptation aux nouvelles réglementations : la mise en place de la réforme fiscale de l’OCDE et d’exigences prudentielles plus strictes peut accroître la complexité opérationnelle.
  • Concurrence tarifaire : la hausse des prix en assurance automobile, notamment sur certains marchés européens comme le Royaume-Uni, pourrait entraîner une érosion des volumes si l’inflation pèse trop sur le pouvoir d’achat.
  • Volatilité géopolitique : des tensions sur les matières premières ou des risques systémiques peuvent bouleverser la répartition des actifs et engendrer des fluctuations sur les portefeuilles.

Malgré ces réserves, les signaux fondamentaux demeurent positifs : la stratégie d’AXA continue de prôner la discipline tarifaire, l’optimisation du mix-produit et l’excellence opérationnelle, assurant la soutenabilité à moyen terme de ses engagements.

IFRS 17 modifie la reconnaissance des revenus et des marges pour les contrats d’assurance en les basant sur le service rendu. IFRS 9, quant à elle, redéfinit la classification et la valorisation des actifs financiers. Ces deux normes influencent la lecture du compte de résultat et du bilan, tout en imposant de nouveaux modes de suivi interne pour piloter la performance.

Un nouveau chapitre à envisager

En somme, AXA affiche une santé financière solide en 2024, portée par une croissance équilibrée dans ses segments stratégiques et soutenue par une discipline tarifaire efficace. Les quelques fragilités apparentes (baisse du ratio de solvabilité, pressions sur certains segments) sont compensées par la force du modèle et les perspectives de croissance du plan « Unlock the Future ».

Cette analyse rappelle à quel point la solidité du bilan, la maîtrise des ratios et l’orientation client demeurent les piliers incontournables d’une stratégie d’assureur à long terme.